Le NPA, à la lumière de sa campagne électorale

avril 2010

Au soir du premier tour des élections régionales, alors qu'il avait obtenu le score plutôt honorable - en cette période de recul et d'atonie des luttes - de 3,4 % (il est vrai en y intégrant les résultats des trois régions où il avait fait alliance avec le Front de gauche), le NPA jugeait par communiqué ses résultats « décevants ». Alors qu'aucun signe ne pouvait laisser présager un score élevé des listes d'extrême gauche, ce commentaire en dit long sur les illusions que le NPA avait entretenues en son sein, tout au long de la campagne.

Mais ces élections régionales auront au moins permis d'y voir un peu plus clair dans la politique de ce Nouveau parti anticapitaliste. En dehors de toute possibilité de juger sur le terrain des luttes, les élections et les campagnes électorales donnent la possibilité de juger sur pièces de la politique que les uns et les autres mettent en avant.

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Le NPA a vu le jour, en même temps que la LCR disparaissait, il y a un peu plus d'un an, en février 2009. La seule chose qui apparaissait certaine à ce moment, c'est ce que ce parti n'était plus ni communiste ni trotskyste, les références à ces idées ayant disparu, et du nom, et du programme du NPA.

En revanche, il était alors bien plus difficile de savoir ce qu'il était.

« Anticapitaliste » ? Certes. Mais c'est un terme qui veut à la fois tout et ne rien dire. Être « anticapitaliste », c'est être « contre les capitalistes », mais cela ne signifie pas automatiquement que l'on milite pour leur expropriation complète et pour la socialisation de tous les moyens de production. Après tout, les capitalistes sont bien « antiouvriers » sans que pour autant ils souhaitent la disparition de la classe ouvrière !

Révolutionnaire ? Là-dessus, le NPA a toujours été volontairement flou. Si son programme parle de « révolutionner la société », cette expression n'équivaut pas à se réclamer de la révolution prolétarienne.

Il subsiste, au sein de ce parti, une « vieille garde » issue de la LCR, un noyau de militants dont certains étaient trotskystes ou, du moins, se réclamaient du trotskysme. Mais le NPA a aussi recruté au sein de ses comités de nouveaux militants, dont nous connaissons mal les références. Tout au plus est-il évident, en discutant ou en lisant ce que produisent quelques-uns de ces nouveaux militants, que certains sont farouchement anticommunistes. Mais que pèse l'ancien noyau trotskyste au sein du NPA ? Que pèsent les nouveaux militants qui, eux, ne le sont pas ? Et surtout, quels efforts la « vieille garde » fait-elle pour tirer vers les idées communistes les nouvelles recrues - si même elle en fait ? Il est difficile de le mesurer.

La préparation de la campagne des élections régionales, puis la campagne elle-même, ont donné quelques éléments de réponse à ces questions. Elles ont permis de vérifier qu'en abandonnant le terrain du communisme révolutionnaire, le NPA a amorcé un glissement de plus en plus net vers l'électoralisme.

Mais en vain : si ce parti a montré qu'il n'avait d'autre ambition que d'essayer d'occuper un espace à la gauche du PS, le résultat du scrutin a montré que cet espace est efficacement occupé par le Front de gauche... Quelque effort que le NPA ait fait pour se comporter en copie conforme de ce même Front de gauche. Voire, pour s'y intégrer.

La quête de l'unité... ou le grand bluff ?

C'est dès le lendemain des élections européennes de juin 2009 que le NPA a cherché à engager une « dynamique unitaire », convoquant des réunions tous azimuts avec le Parti communiste, le Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon, divers groupes « rouges et verts » et « alternatifs ». « En ce qui concerne les régionales, écrivait le NPA au début de l'été 2009, nous avons proposé un accord durable sur un programme écologique, anticapitaliste, social et démocratique de rupture. »

On notera au passage l'ordre des mots, qui n'est pas anodin : pour les besoins de la cause, l'écologie passait déjà avant « l'anticapitalisme » dans l'ordre des priorités. Mais ce n'est pas l'essentiel. Le NPA proposait donc à ses interlocuteurs un accord « durable ». C'est-à-dire, si les mots ont un sens, un accord qui aille au-delà des seules élections régionales - et donc valable, au moins, jusqu'aux prochaines échéances électorales, à savoir la présidentielle et les législatives de 2012.

On peut se demander ce que signifie une telle proposition. Naturellement, un accord circonstanciel, pour une élection, est possible entre des formations et des partis qui n'ont pas les mêmes idées - c'est une affaire de tactique. Sauf qu'un tel accord, dans ce cas, est discuté au cas par cas, dans une période précise, en fonction de conditions circonstancielles. En revanche, proposer un accord valable pour les trois prochaines années - on était alors en 2009 - signifie à tout le moins que l'on estime avoir une convergence d'idées et de programme permettant non seulement de militer ensemble, mais de se présenter sur les mêmes bases pendant des années.

Si l'on comprend bien, la proposition d'un accord « durable » entre le NPA, le Parti communiste et le Parti de gauche signifie que, pour le premier, les points d'accord sont suffisants pour pouvoir envisager de discuter ensemble de ce qui se passera en 2012 - lorsqu'il sera question, faut-il le rappeler, non plus d'échéances régionales mais de gouverner le pays. Proposer une telle démarche à des partis réformistes est un élément permettant de juger de l'évolution du NPA.

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Mais revenons aux élections régionales. Dans sa quête de l'unité, le NPA posait à ses interlocuteurs un seul préalable : chacun devait s'engager par avance à ne pas participer aux exécutifs avec le Parti socialiste pour diriger les régions.

Bien qu'il eût été parfaitement évident, dès le début, que ni le PCF ni le Parti de gauche ne voulaient d'un tel accord, le NPA a continué, tout au long de l'été et de l'automne 2009, à leur courir après en proposant une candidature unitaire PCF-PG-NPA dans toutes les régions.

Quels qu'aient été les abandons du NPA en matière d'idées, il est tout de même peu probable que ses dirigeants aient cru une seule seconde que le PCF et le PG allaient céder à leur exigence : de même qu'il est absurde de demander à un bouc de produire du lait, il est ridicule de demander à deux partis de gouvernement de se refuser à gouverner - fût-ce des régions. Il faut malheureusement le rappeler, puisque le NPA s'est bien gardé de le faire pendant toute cette période : le PCF est un parti de gouvernement qui a par deux fois fourni des ministres à la bourgeoisie dans les trente dernières années. Quant au Parti de gauche, il a été fondé par un vieux cheval de retour du Parti socialiste, Jean-Luc Mélenchon, sous-ministre dans le gouvernement Jospin, qui tente de se servir de ses indiscutables talents d'orateur pour lancer une sorte d'OPA sur les militants du PC. Que Mélenchon fasse mine de redécouvrir les vertus du « radicalisme » et cite le Manifeste communiste est une chose. Que le NPA délivre un blanc-seing « anticapitaliste » à cette petite manœuvre politicienne est, en revanche, assez triste.

D'autant que dirigeants et militants du PG n'ont aucune envie, en ce qui les concerne, d'être assimilés de près ou de loin aux révolutionnaires. À ce titre, une anecdote est symptomatique : pendant la campagne, dans une des régions où le NPA a réussi à s'allier avec le Parti de gauche - la Champagne-Ardenne - le journal L'Union a publié un article assassin et particulièrement anticommuniste sur les listes Lutte Ouvrière et NPA-Parti de gauche, assimilant notamment l'extrême gauche et le terrorisme. Un des porte-parole de la liste NPA-PG, Daniel Monnier, a demandé un droit de réponse au journal, où il s'est insurgé en ces termes : « Je réfute catégoriquement l'assimilation à « l'extrême gauche » qui m'est appliquée ainsi qu'à la liste « Tous ensemble à gauche !» dont je suis le porte-parole. C'est à la fois méconnaître mon parcours personnel et l'identité du parti auquel j'ai contribué à la création [le Parti de gauche]. [...] Les citoyens doivent être informés que cette « autre gauche » n'est pas un avatar de l'extrême gauche mais bien une construction politique nouvelle, [...] à la fois radicale dans ses convictions et prête à s'engager dans la responsabilité démocratique. »

Dont acte. Comme tous les politiciens sociaux-démocrates, les dirigeants du Parti de gauche ont des « convictions » radicales, mais sont prêts à les oublier dès lors qu'il s'agit de « s'engager dans la responsabilité démocratique », c'est-à-dire d'aller aux affaires. Voilà donc le parti après lequel le NPA a couru pendant des mois.

Répétons-le, il est bien peu probable que les dirigeants du NPA - du moins ceux qui ont une certaine expérience politique - aient cru que le PCF et le PG allaient renoncer, nationalement, aux postes de conseillers régionaux distribués par le PS, pour les beaux yeux d'Olivier Besancenot. Mais il leur fallait en revanche donner le change à tous ceux qui, au sein même du NPA, ne se sentaient absolument pas de porter la responsabilité d'une candidature non unitaire ; voire - et ils sont apparemment nombreux parmi les nouveaux adhérents du NPA - à ceux qui avaient sincèrement envie de faire alliance avec les partis réformistes. Le NPA s'est donc vu obligé de poursuivre le bluff jusqu'au bout, jouant le jeu du « plus unitaire que moi tu meurs », dans le seul objectif de prouver à la face du monde que c'était bien les autres, et non lui, qui avaient rejeté l'unité. Jusqu'à la farce : alors même, à la fin de l'automne, que le PCF et le PG étaient ouvertement en train de conclure un accord sans le NPA, celui-ci continuait inlassablement de convoquer des « réunions unitaires », qui n'étaient qu'un jeu de dupes.

Pour aller au bout de sa démarche, le NPA a bu le calice jusqu'à la lie puisqu'il a fini, lui qui faisait du refus de participer aux exécutifs dirigés par le PS un préalable absolu à tout accord, par tenter de trouver un compromis même sur ce sujet : une proposition de plate-forme du mois de novembre précise ainsi : « La possibilité de participer aux exécutifs régionaux dépend des rapports de force politiques et sociaux [...]. Nous refuserons donc de participer à un exécutif dominé par le PS ou Europe écologie qui mènerait une politique libérale conforme aux exigences du patronat et de l'Union européenne » (souligné par nous, NDLR). Autrement dit, voilà le NPA prêt à participer à un exécutif régional avec un PS... qui ne serait pas soumis aux « exigences du patronat » !

Le NPA était parfaitement conscient du recul que représentait cette proposition, puisqu'un des rédacteurs du journal Tout est à nous écrivait dans l'édition du 19 novembre : « Il est tout de même significatif qu'au plan national personne ne veuille de cette formulation qui représente de la part du NPA une concession de taille. [...] C'est bien dommage. » Derrière ces pleurnicheries se cache la découverte de la dure réalité : le NPA a eu beau tout faire pour tenter de faire oublier que ses origines étaient à l'extrême gauche, ses interlocuteurs, eux, ne l'ont pas oublié.

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Finalement, comme il fallait bien commencer à établir des listes, le NPA a pris acte de l'impossibilité d'un accord national avec le Front de gauche. Il a donc choisi de « consulter ses adhérents » sur l'attitude à avoir par rapport à cette gauche qui se dit à gauche du PS. Début décembre 2009, trois motions ont été soumises au vote des adhérents du NPA. La première (Position A) proposait de « poursuivre la politique de rassemblement », mais région par région. La deuxième (Position B), tout en estimant que le NPA avait eu bien raison de tenter l'alliance avec le Front de gauche, demandait de ne pas poursuivre les négociations au niveau régional et d'engager une campagne en solo. Quant à la troisième (Position C), rédigée par les plus irréductibles « unitaires », elle proposait de... reprendre les négociations avec le Front de gauche.

La consultation en question n'a apparemment pas passionné les foules au sein du NPA : à peine plus de la moitié des « 8 000 membres recensés à ce jour », selon les dirigeants du NPA eux-mêmes, soit 4 500, ont voté. Et le résultat du vote a été à l'image de ce NPA, qui se fait une fierté de n'avoir pas de ligne politique claire et de privilégier la pluralité des points de vue par rapport à l'homogénéité. Le vote a été une grande réussite en la matière, puisqu'il n'en est sorti aucune majorité, chaque motion recueillant environ un tiers des voix1.

Il ne restait plus à la direction du NPA qu'à prendre acte de cette situation et à laisser chacun se débrouiller seul. Rappelons que dans ses statuts le NPA écrit : « Nous voulons un parti qui innove dans la manière d'organiser l'action militante. » Cet objectif, nous devons bien le reconnaître, a été atteint au-delà de toute espérance : le NPA a « innové » en disant à chaque fédération de faire, dans cette campagne, ce qui lui plaisait.

Une carte électorale aux allures de patchwork

Paradoxalement, cette attitude du « chacun fait ce qui lui plaît » était sans doute le seul garant... de l'unité du NPA. Une unité faite de bric et de broc, sans axe, sans principe, sans lisibilité, mais qui permettait d'éviter que le NPA explose avant même les élections, comme cela se serait peut-être produit si la direction nationale avait tenté d'imposer une position unique.

La carte de France des listes du NPA est donc un peu compliquée - constituée de listes NPA indépendantes ici, d'alliances avec le Front de gauche là, avec le PG seul ailleurs, avec des morceaux du PCF ailleurs encore, le tout saupoudré, partout où c'était possible, de quelques accords avec les décroissants, dont les raisonnements réactionnaires séduisent un certain nombre de nouveaux adhérents du NPA.

Le résultat est résumé dans le tableau suivant :

Listes NPA seulAlsace10
Aquitaine
Centre
Franche-Comté
Haute-Normandie
Île-de-France
Lorraine
Nord-Pas-de-Calais
Picardie
Rhône-Alpes
Listes NPA + Front de gaucheLanguedoc-Roussillon3
Limousin
Pays de la Loire
Listes NPA + Parti de gaucheBasse-Normandie2
Champagne-Ardenne
Listes NPA + PG + dissidents PCBourgogne1
Listes NPA + écologistes/décroissants/alternatifs diversAuvergne5
Bretagne
Midi-Pyrénées
Poitou-Charentes
PACA

Dans trois régions sur 21, le NPA était présent sur la liste sans la conduire - ces régions (Languedoc-Roussillon, Limousin et Pays de la Loire) étant celles où un accord local avait été trouvé avec le Front de gauche.

Il n'est pas nécessaire de s'attarder sur le programme de ces trois régions dans lesquelles, comme de bien entendu, les revendications du NPA ont été noyées dans un méli-mélo acceptable par n'importe quel parti de gouvernement. Ainsi en Pays de la Loire, la liste « Tous ensemble la gauche vraiment ! » se définissait-elle comme « une bonne gauche pour battre la droite ». Pour ce qui avait trait aux compétences de la Région, la liste d'union présentait un vaste programme de gestion allant de « la mise en place d'un observatoire régional de la démocratie » à la création d'un « Pôle régional de l'énergie », en passant par la création d'une « charte contraignante d'écoconditionnalité » (sic) et la revendication fondamentale de « produire local pour manger local ».

Rien d'étonnant à tout cela, pour des programmes qui ont été élaborés essentiellement par le PCF ou le PG.

On aurait pu croire en revanche que, là où le NPA se présenterait seul, il profiterait de sa liberté d'action pour parler d'autre chose. Erreur. Le NPA seul a choisi de se présenter, à peu de chose près... sur le même programme.

La liste NPA de PACA (comprenant il est vrai des « alternatifs ») proposait rien moins qu'un programme de gestion de la Région de 32 pages, comprenant entre autres la création d'une « Chambre régionale de la santé », le « soutien au spectacle vivant », sans oublier « la sauvegarde des espaces naturels (forêts, garrigues, zones humides), patrimoine essentiel pour la biodiversité et la qualité de vie en Provence ». La liste alsacienne (100 % NPA celle-ci) s'organisait essentiellement autour du transport gratuit, mais mettait en premier point de son programme « l'adéquation entre l'urgence sociale et l'urgence écologique » : « Les élus du NPA s'engageront, apprend-on, pour organiser un plan d'urgence énergétique régional, [...] protéger les terres agricoles », notamment les « prairies sèches », « défendre une agriculture agro-écologique s'appuyant sur les circuits courts », etc.

Et ne parlons pas de la liste Picardie, qui mettait sur le même plan l'interdiction des licenciements, la régularisation des sans-papiers et le soutien aux logiciels libres. Ou de la revendication trouvée en bonne place sur le matériel de campagne de la liste Aquitaine réclamant « l'adoption par la Région de la Charte européenne du droit des langues régionales » - ladite charte étant un document essentiel de la Commission européenne réclamant, entre autres, la reconnaissance et la promotion de langues telles que le Frison septentrional et le Haut-Sorabe, sans oublier le Bas-Sorabe.

En fait, quasiment le seul point commun de toutes les listes NPA est d'avoir fait campagne sur le thème des transports gratuits - ce qui est une revendication juste - mais sans mettre l'accent sur le fait que cette gratuité devait être à la charge du patronat - ce qui l'est moins. Et encore, il semble que tous les membres du NPA ne soient pas d'accord sur les conditions d'une telle réforme, puisqu'en Auvergne du moins les troupes d'Alain Laffont, qui était déjà « à droite » de la LCR, ne réservaient cette gratuité qu'à ceux « qui gagnent moins de 1 000 euros par mois ». Tant pis pour les smicards, donc, puisque le smic est à 1 055 euros net.

Et dans toutes les régions le NPA a évidemment fait la part belle aux idées de la décroissance, proposant « la relocalisation de l'agriculture » ou « un autre modèle de consommation » - sans trouver choquant, apparemment, de militer pour une réduction de la consommation, dans une période de crise qui se traduit par l'appauvrissement général des classes populaires.

Des objectifs réformistes

Pendant toute la campagne, le NPA a entretenu l'idée que ses éventuels élus seraient en mesure de « peser » au sein des Conseils régionaux, de « faire avancer les dossiers », pour reprendre une expression utilisée à la télévision par Olivier Besancenot. Le NPA a même utilisé, lors de sa campagne, l'expression de « contre-pouvoir » pour désigner ses futurs élus - contre-pouvoir aux majorités de gauche.

C'est un recul du NPA par rapport aux idées que la LCR avait défendues dans d'autres élections, où elle ne parlait que d'être le « représentant des travailleurs » au sein des institutions, ou l'équivalent de « délégués du personnel ». Dans « contre-pouvoir », il y a « pouvoir », et une telle vision de l'activité des élus est une approche gestionnaire, c'est-à-dire réformiste, bien éloignée des conceptions fondamentales du mouvement ouvrier. Car n'oublions pas que nous parlons ici de Conseils régionaux, c'est-à-dire de machines essentiellement dédiées à la distribution d'argent public au patronat, dirigées par des politiciens bourgeois qui tous, à un degré ou à un autre, sont des partisans du capitalisme et de son ordre.

Il s'agit bien ici d'une démarche électoraliste. Des révolutionnaires, dans une campagne telle que celle des régionales, ne peuvent rien faire d'autre que mettre en avant l'idée que ces Conseils régionaux ne servent à rien, qu'il ne pourra en sortir aucun changement profond dans la vie des travailleurs, aucune réponse aux problèmes vitaux qui touchent aujourd'hui le monde du travail. Cela a été, pour ce qui nous concerne, le sens de notre campagne. Si le terme « d'anticapitalisme » a un sens, cela devrait être de défendre l'idée que, sous le capitalisme, il n'y a d'autre perspective pour le monde du travail que de mener des luttes d'ensemble pour améliorer lui-même son sort, plutôt que de s'en remettre à quelque « élu » que ce soit.

Le NPA, lui, a confirmé le fait qu'il croit dans les possibilités d'action de ses élus en envisageant, dès avant le premier tour, de quémander auprès du Parti socialiste des places éligibles au second, là où il réaliserait plus de 5 %. Obtenir de tels élus en Île-de-France paraissait par exemple « envisageable » à Olivier Besancenot, si Jean-Paul Huchon « acceptait d'avoir un contre-pouvoir à sa gauche ». Un ou deux élus du NPA auraient donc été un « contre-pouvoir » aux 142 élus du PS, du PC et des écologistes ? C'est prêter de bien curieuses vertus à la possession d'un petit strapontin.

Quoi qu'il en soit, les demandes du parti d'Olivier Besancenot n'ont remporté aucun succès. Car quels qu'aient été les efforts du NPA pour faire oublier que son ancêtre a été révolutionnaire, le PS, lui, ne l'a pas oublié, comme en témoigne l'attitude de François Hollande en Limousin, qui a catégoriquement refusé qu'un candidat du NPA (allié au Front de gauche) figure sur une liste d'union au second tour.

Et lorsqu'il s'est présenté seul, le NPA n'a atteint nulle part les 5 % lui permettant de fusionner avec d'autres listes. Cela ne l'a évidemment pas empêché, à peine le premier tour terminé, de s'empresser d'appeler à voter pour le Parti socialiste afin de « battre la droite ». Et la foi assez irrationnelle du NPA dans le pouvoir des Conseils régionaux - et, réciproquement, son manque de confiance dans les luttes - s'est clairement exprimée dans la bouche d'Omar Slaouti, l'une des têtes de liste de la région Île-de-France : « Nos mobilisations sociales dans la période à venir sont complètement légitimes - sans dire que seules ne comptent que les luttes, loin de là ! Il va falloir confirmer cette claque électorale à Sarkozy, il faudra compter sur le NPA, on ne sera pas aux abonnés absents. »

« Sans dire que seules ne comptent que les luttes, loin de là ! » Si cette petite phrase d'un dirigeant du NPA exprime les nouvelles orientations de ce parti - et on peut le croire, puisque cette déclaration en vidéo figure en bonne place sur le site Internet du NPA - il ne fait aucun doute que nous sommes plus éloignés de lui que nous l'étions de feu la LCR : car nous sommes, pour notre part, profondément convaincus que « seules ne comptent que les luttes ».

Rien de nouveau sous le soleil ?

Quelles que soient les raisons qui ont conduit le NPA à mener campagne sur un terrain aussi électoraliste, ce parti n'a finalement pas attiré autant d'électeurs qu'il l'aurait souhaité. Le NPA, il le dit lui-même, a connu un recul en nombre de voix par rapport aux élections européennes : « Dans les dix-huit régions conduites par une tête de liste NPA, nous perdons 285 000 voix, soit 35 % des suffrages de juin 2009. »

Apparemment, la tentative d'attirer les électeurs du Front de gauche, en tenant grosso modo le même discours que lui, a échoué.

Peut-être que le NPA a aussi payé le prix du choix désastreux d'avoir cautionné la candidature d'une militante voilée, en affirmant que l'on pouvait parfaitement être à la fois féministe, laïque, et voilée : le choix du NPA a probablement détourné de lui un certain nombre d'électrices féministes. Il y regardera peut-être à deux fois la prochaine fois qu'il aura envie de faire de la démagogie vis-à-vis de ce qu'il croit être « les jeunes des quartiers ». Mais quand bien même ce choix lui aurait rapporté des voix, cela ne le rendrait pas plus pardonnable : présenter une jeune femme voilée comme candidate aux élections - non une simple adhérente, mais une représentante du parti - est une façon de cautionner le voile, ce signe d'oppression des femmes. En ce qui nous concerne, notre solidarité va aux femmes qui se battent contre le port du voile, partout où des militants de l'intégrisme ou des États réactionnaires tentent de l'imposer.

Redisons-le : le débat, sur cette question, ne se plaçait nullement sur le terrain de la « laïcité », comme le NPA a tenté de le faire croire, mais sur celui de la lutte contre l'oppression des femmes. Et quand bien même ! La ligne de défense d'Olivier Besancenot suite à « l'affaire » de la candidate voilée a été d'énumérer le nombre d'ecclésiastiques qui ont été élus à l'Assemblée nationale depuis qu'elle existe - pour prouver que la présence de religieux au Parlement n'est pas incompatible avec la République. Curieuse défense ! Il y a eu aussi un certain nombre d'élus qui étaient hauts officiers de carrière ou grands capitalistes, et l'on suppose que ce n'est pas ce qui pousserait le NPA à prendre sur ses listes de pareils individus. Et arguer, comme l'a fait Besancenot, que l'abbé Pierre a même siégé à l'Assemblée en soutane, c'est prendre ses interlocuteurs pour des imbéciles : il ne nous semble pas que l'abbé Pierre était candidat de la LCR. Il ne s'agit pas de discuter si des religieux ont, ou non, leur place à l'Assemblée nationale ou dans les Conseils régionaux, mais de savoir s'ils y ont leur place sur des listes d'un parti qui se revendique de l'anticapitalisme et... du féminisme.

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Aux élections européennes, le NPA avait fait quasiment jeu égal avec le Front de gauche. Il s'est alors engagé dans une compétition électorale avec celui-ci : espérant apparemment faire de même aux régionales, il a mis tellement d'eau dans son vin qu'il n'était guère possible de distinguer ce breuvage de celui des réformistes. Au final, sa tentative a échoué.

Peut-être que l'axe de campagne platement réformiste du NPA aux régionales représente les convictions de ses membres et de sa direction. Ou peut-être que le NPA a hérité des traditions politiques de la LCR, consistant à s'adapter en permanence à toutes les modes politiques.

Mais lorsque la LCR a courtisé, tour à tour, les staliniens, les réformistes, les nationalistes tiers-mondistes, les maoïstes, les écologistes, cela ne lui a jamais rien rapporté - car, selon une formule tristement célèbre les gens « préfèrent toujours l'original à la copie ». Cela ne rapporte apparemment pas plus au NPA de courtiser, aujourd'hui, les électeurs du Front de gauche.

8 avril 2010