Ce témoignage sur le mouvement du 15 mai (les indignés) en Espagne a été fait avec la collaboration de nos camarades de Voz Obrera qui militent à Séville.
Pendant plusieurs semaines, le mouvement dit des « Indignés » a largement exprimé, par des occupations de places, de grandes manifestations et des assemblées de quartier la colère de la population espagnole. Il s'agit d'un véritable mouvement de masse qui a mobilisé des dizaines de milliers de manifestants dans tout le pays.
Ils sont descendus dans la rue parce qu'un jeune sur deux aujourd'hui est au chômage, parce que les seuls emplois possibles, y compris pour des jeunes diplômés, sont des petits boulots mal payés, avec des horaires impossibles et à la merci des patrons, parce que les logements sont inabordables, parce que les grandes entreprises licencient et n'offrent que des contrats précaires.
Alors, ça a été l'occasion de dire « ça suffit » (basta ya !). Tous ces manifestants qui n'en peuvent plus de subir ont compris qu'il n'y avait rien à attendre des politiciens et qu'il fallait descendre dans la rue. Et ils ont dit que les alternances politiques qui se succèdent n'apportent rien à la population et ne donnent aucune solution.
Voilà des acquis qui ne sont pas négligeables.
Leurs préoccupations marquent l'ensemble du mouvement et en tracent aussi les limites. Leur hostilité aux partis politiques de gouvernement fait qu'ils sont sensibles au discours sur l'apolitisme et que les discours anti-partis rencontrent un écho. La plupart des manifestants n'ont guère de références et ne savent pas trop ce qu'ils veulent, d'autres savent en revanche parfaitement ce qu'ils ne veulent pas. Cela a permis des manœuvres bien politiciennes, qui ont marqué toutes les étapes de ce mouvement et pourraient bien influer sur son avenir.
Le démarrage du mouvement
À partir du 15 mai au soir, les places de dizaines de villes ont été occupées par des milliers de jeunes Espagnols.
Ces jeunes exprimaient leur « indignation » devant la corruption des politiciens, les attaques incessantes contre le monde du travail, le saccage des services publics, les expulsions de ceux qui ne peuvent plus payer leurs loyers, le chômage des jeunes, diplômés et non diplômés, les petits boulots mal payés.
Leur initiative était inspirée de ce qui s'était passé en Tunisie et en Égypte : créer au milieu de la ville de Madrid un endroit visible où les manifestants resteraient en permanence. La première « acampada » (campement) de la Puerta del Sol de Madrid a été aussitôt imitée par les Barcelonais, les Valenciens, les Sévillans et dans toutes les autres villes d'Espagne.
Du 15 mai au 15 juin, ces milliers de jeunes Espagnols qui se sont installés dans les « acampadas » sur les places et ont dénoncé les politiciens corrompus, le chômage, la précarité, les problèmes de logement, se sont attiré la sympathie des millions de ceux qui se retrouvaient dans leurs slogans : « Ils ne nous représentent pas », « Ils l'appellent démocratie et ça ne l'est pas », « Leur crise, nous ne la paierons pas ».
Ceux qui avaient appelé à manifester pour le 15 mai, huit jours avant les élections municipales et régionales, ont sans doute été surpris de leur énorme succès : près de 100 000 personnes dans les rues des grandes villes ! L'appel venait de toute une série de groupes qui, depuis plusieurs mois, échangeaient sur les réseaux d'Internet (Face Book, Twitter). Au début de l'année, les échanges se sont multipliés, un regroupement d'internautes a formé un mouvement intitulé Democracia real ya et s'est doté d'une plate-forme revendicative. Democracia real ya a utilisé le slogan, « Indigne-toi », inspiré du fascicule de Stéphane Hessel intitulé Indignez-vous. Ce livre a été traduit par un vieil économiste lié au groupe ATTAC espagnol, José Luis Sampedro, qui dans la préface a lancé un appel aux « citoyens » à « se dresser contre l'indifférence par une insurrection pacifique ». Le livre d'Hessel et la préface ont connu un grand succès de librairie.
L'apolitisme militant
Toute cette mouvance a donc à l'origine donné le ton des assemblées formées à partir du 15 mai, qui va vite s'appeler 15 M (en Espagne, les événements sont baptisés avec 2 chiffres et une lettre, correspondant au jour et au mois).
On y retrouve beaucoup d'étudiants ayant participé aux grèves étudiantes contre la privatisation de l'université (grèves qui ont duré plusieurs semaines voici deux ans), des sympathisants d'ATTAC et un certain nombre « d'idéologues » du type de Sampédro, dont le programme peut être résumé en deux points : il faut « plus de transparence démocratique » et « l'amélioration des conditions de vie en Espagne ».
Ces milliers d'étudiants ou de jeunes au chômage ou dans des petits boulots mal payés, souvent diplômés, ont toutes les raisons d'être en colère et, en exprimant cette colère, ils ont été les premiers à dire que la crise n'était pas une fatalité. Ce sont eux qui donnent le ton du mouvement.
Ils le donnent sur Internet et aussi dans la rue avec des slogans et des discours radicaux. Mais ils le donnent aussi dans leurs préjugés anti-partis politiques, dans la recherche du « consensus », dans leur vocabulaire pacifiste, et jusqu'au moindre détail, comme par exemple la façon d'approuver ou de voter en agitant les mains en l'air !
Dès le début, les assemblées ont érigé en principe que le mouvement doit être apolitique et que ceux qui présentent leurs idées et proposent leurs programmes sont des gens cherchant à récupérer le mouvement. Dès lors, dans les manifestations, dans les assemblées la moindre allusion à une étiquette politique est huée.
À Séville par exemple, dans les manifestations centrales, des représentants de l'assemblée de la ville passent avec des pancartes où il est écrit « tout texte ou écrit politique ne représente pas le mouvement », et des jeunes poursuivent les diffuseurs de tracts avec leur mégaphone pour dire : « Attention à la récupération politique. » Un militant a dû intervenir vigoureusement face à des jeunes se réclamant du mouvement du 15 M qui agressaient un diffuseur de tracts dans une manifestation du quartier de la Macarena.
Alors que le drapeau républicain est le symbole de la lutte contre Franco et son successeur le roi Juan Carlos, de jeunes étudiants font replier son drapeau à un militant de l'assemblée Parque Alcosa. Il s'indigne, finit par le mettre sur ses épaules et dit : « Et comme ça, ça vous va ?»
Lors de la manifestation du 19 juin à Séville, deux jeunes du service d'ordre ont tenté de faire replier ce même drapeau républicain que tenait un militant, vieil anti-franquiste connu. Ils ont dû rebrousser chemin quand les habitants du quartier, groupés autour de lui, l'ont protégé et se sont écriés « Démocratie, démocratie » et ont chanté le slogan que tout le monde chante : « Ils l'appellent démocratie et ça ne l'est pas »... mais cette fois à l'adresse des deux jeunes.
Cette chasse au politique crée une suspicion permanente et permet en réalité à tous les manœuvriers d'imposer leur politique.
Et cet apolitisme, cette attitude anti-parti démagogique, au nom de l'unité des citoyens, rappelle à certains militants la période dite de la Transition en 1977, après la mort de Franco. À ce moment-là, au nom de l'unité apolitique du pays, l'ensemble des partis, PC compris, ont fait allégeance au roi (ce successeur préparé par Franco lui-même) et ont fait taire toutes les revendications ouvrières.
C'est aussi une certaine forme d'apolitisme pour la classe ouvrière qui a été mise en avant au moment de l'arrivée des socialistes au pouvoir dans les années quatre-vingt. Il ne fallait pas rouvrir les « vieilles plaies ». Les travailleurs devaient accepter les « réformes » nécessaires et se taire !
C'est ce même refrain que servent aujourd'hui ceux qui veulent canaliser la colère avec l'objectif de glorifier la « démocratie » sans toucher aux puissants.
Une direction « apolitique » qui impose sa politique
Par ailleurs, au nom de la « démocratie horizontale » (sic) les assemblées doivent chercher le consensus et donc débattre jusqu'à ce que tout le monde soit d'accord. Les représentants des assemblées doivent changer à chaque fois, et ceux qui dirigent l'assemblée doivent se contenter de « modérer » et ne pas prendre parti.
Ces principes font que les assemblées se trouvent souvent paralysées par de longues discussions qui ne débouchent sur rien d'autre que la préparation d'une nouvelle discussion pour l'assemblée suivante.
Aucune coordination ni aucune décision n'est possible, aucun programme n'est voté, ce qui décourage une partie des participants.
Si les assemblées peuvent agir dans leur quartier, elles n'ont pas de réel moyen de contrôler les décisions prises à l'échelle nationale.
Les dirigeants ne rendent pas de comptes et la « démocratie horizontale » permet toutes les manœuvres « verticales » !
C'est ce qu'on a pu voir au début avec le débat sur la plate-forme de Democracia real ya qui devait servir de programme
Cette plate-forme a été lue et approuvée par de nombreuses assemblées de ville. C'était une plate-forme en huit points, diffusée immédiatement après les élections municipales et régionales du 22 mai qui venaient d'être perdues par le Parti socialiste.
Elle est inspirée par l'Islande ! Cette petite île de 320 000 habitants qui a failli sombrer en 2008 dans la crise financière est citée en exemple par les dirigeants du mouvement, sous prétexte qu'elle a fait deux référendums refusant les remboursements, que des banques en faillite ont été nationalisées, la monnaie dévaluée, les politiciens battus aux élections et que des comités élaboreraient une nouvelle constitution. Voilà le modèle à la mode présenté comme susceptible de « rénover la démocratie espagnole ».
Le titre de la plate-forme était :
« Voici quelques mesures qu'en tant que citoyens nous considérons comme essentielles pour la régénération de notre système politique et économique. Approuvez-les et proposez les vôtres ! »
Le premier point concernait « l'élimination des privilèges de la classe politique » :
- strict contrôle de l'absentéisme des élus dans leurs postes respectifs ; sanction pour abandon de fonction ; suppression des privilèges sur le paiement des impôts, cotisations, montants des pensions ; salaire égal à celui d'un Espagnol moyen, plus les frais nécessaires à l'exercice du mandat ; élimination de l'impunité ; pas de prescription pour les délits de corruption ; publication du patrimoine ; réduction des postes non élus.
Le deuxième point se positionnait « contre le chômage » :
- répartition du travail en réduisant la semaine de travail et conciliation avec les patrons jusqu'à la suppression du chômage structurel (sous les 5 %) ; retraite à 65 ans sans augmentation de l'âge de la retraite jusqu'à la fin du chômage des jeunes ; bonifications financières pour les entreprises employant moins de 10 % de contrats temporaires ; sécurité de l'emploi ; impossibilité des licenciements collectifs dans les grandes entreprises faisant des bénéfices ; amendes pour les entreprises qui utilisent des contrats temporaires dans des postes qui pourraient être fixes ; rétablissement du subside de 426 euros pour tous les chômeurs de longue durée.
Le troisième point concernait les logements avec l'idée de récupérer les logements vacants, d'interdire les expulsions...
Le quatrième se prononçait pour des services publics de qualité, le cinquième portait sur le contrôle des banques, le sixième sur la fiscalité, le septième sur les libertés citoyennes et la démocratie participative, le huitième sur la réduction des dépenses militaires.
Les différents points, comme les deux premiers, comportaient, en même temps que des mesures d'apparence radicale, toute une batterie de mesures « négociables ».
Cette plate-forme posait quand même clairement un certain nombre de problèmes qui sont dans la tête de tous les manifestants : comment résoudre le chômage, le manque de logements, arrêter le bradage des services publics, le rôle des banques, la corruption des politiciens...
Le 28 mai, l'annonce fut faite aux assemblées de ville qu'il avait été décidé de ne proposer que ce qui avait recueilli le consensus de la commission politique de Madrid. Il était proposé de réduire la plate-forme à quatre points. Et c'est ainsi, par exemple, que les points concernant le chômage, les banques ou le logement disparaissaient.
Lors de la discussion à Séville à l'assemblée du 28 mai, après que se furent succédé tous ceux qui voulaient faire disparaître les points de la plate-forme concernant le chômage et le logement, un jeune en colère s'est saisi du micro et s'est écrié : « Si vous supprimez le point sur le chômage, il n'y a plus un seul jeune de mon quartier qui nous suivra ! »
C'était le moment où le mouvement des « acampadas » avait lancé l'idée de se tourner vers la création d'assemblées de quartier. Ces assemblées ont aussitôt commencé à se réunir avec succès à Madrid puis, peu à peu, dans toutes les villes. Elles étaient impulsées par des militants, bien sûr, mais elles attiraient à cause du label 15 M présent sur toutes les banderoles, les tracts, les affiches.
Les assemblées, qui se réunissent une fois par semaine, sont encadrées ou même parfois « visitées » par des jeunes qui redisent qu'il faut écarter les partis politiques, rechercher le consensus, faire tourner la direction des assemblées...
Les assemblées de quartier peuvent discuter de tout ce qu'elles veulent. Mais en fait, la « direction consensuelle » mais occulte du mouvement 15 M a défini clairement ses priorités : remettre à plus tard l'exigence de la fin du chômage, de la corruption des banques, du manque de logements et se concentrer sur ce qui était « négociable » sur le plan politique : une réforme électorale, des aménagements de lois sur le logement, sur l'emploi,...
Le quotidien pro-socialiste Publico, titrant le dimanche 29 mai : « 15 M la nouvelle utopie a les pieds sur terre », écrivait : «Les experts et les dirigeants de gauche sont d'accord sur le fait que le phénomène des « Indignés » laissera des traces et que la majorité de ses propositions sont viables. »
Inséré dans la page, on pouvait lire :
« Les quatre propositions du consensus de la Puerta del Sol :
1. La loi électorale : réforme électorale permettant une démocratie plus représentative avec une vraie proportionnelle et permettant de développer des mécanismes pour la participation citoyenne.
2. Corruption : lutte contre la corruption pour arriver à une totale transparence politique.
3. Pouvoirs : séparation effective des pouvoirs.
4. Contrôle citoyen : création de mécanismes de contrôle citoyen pour exiger une vraie responsabilité politique. »
Et l'encart ajoute : « Ces quatre points consensuels sont ratifiés par les assemblées de la « commission politique », mais il y a d'autres commissions qui fonctionnent : économie, milieu ambiant, droits sociaux, éducation et culture. »
Pour savoir comment les fameuses autres commissions fonctionnent, il faut sans doute lire les centaines de pages des sites Internet desdites commissions qui, dans chaque ville, élaborent des multitudes de projets.
Toujours dans le journal Publico, une des dirigeantes de Democracia real ya résumait assez bien l'état d'esprit de son groupe en disant : « Certaines de nos propositions manquent de rigueur et de logique ; maintenant, nous demandons l'aide des experts. »
À l'assemblée de Séville du 17 juin, un représentant d'un quartier ouvrier a informé que son assemblée avait voté unanimement le partage du travail entre tous sans diminution de salaire et l'interdiction des licenciements. Lorsqu'il a demandé que l'assemblée de ville vote la même résolution et pose dans tous les quartiers le problème de la lutte contre le chômage, l'assemblée a été interrompue. Un quart d'heure plus tard, un membre de la « commission du travail » est intervenu pour dire qu'il jugeait irresponsables les gens qui faisaient des propositions pareilles alors que la commission était en train d'élaborer avec des juristes des « propositions sérieuses et acceptables par tous. »
En juin, la mobilisation ne faiblit pas
Jusque-là, le mouvement ne se préoccupait pas forcément des experts et vivait sa propre vie. Et il attirait ceux qui, dans les quartiers, avaient envie de se regrouper pour agir contre une situation qu'ils ne peuvent plus supporter. Des actions, il y en a eu tout au long du mois de juin.
Mi-juin, les politiciens (essentiellement de droite) qui ont pris leurs fonctions dans les mairies des grandes villes ont été partout conspués par des groupes se réclamant du 15 M.
De légers incidents à Barcelone ont permis à la droite et au PSOE de développer une campagne largement relayée par les médias. L'axe de la campagne était simple : les gentils du 15 mai ont été remplacés par les « violents » de juin.
Les politiciens et la presse faisaient un parallèle entre les manifestants de Barcelone et l'ETA. Les dirigeants du mouvement ont multiplié les professions de foi pacifistes assez pesantes, professions de foi reprises dans les assemblées de quartier.
Mais les énormes manifestations du 19 juin, sans incidents, ont fait cesser les discussions sur le sujet.
Les centaines d'assemblées continuent à se réunir au nom du 15 M sur les places, dans de nombreux quartiers. Elles se sont organisées mais risquent fort de se lasser si des initiatives ne sont pas lancées, un programme défini.
Elles sont pour l'instant reliées au niveau de chaque ville par une « commission des quartiers » et elles se sentent rattachées à un mouvement plus vaste, national, dont les actions sont médiatisées : actions contre des expulsions (les expulsions se chiffreraient à 350 000 à la suite de l'effondrement du secteur de la construction), marches sur Madrid partant de diverses villes : Valence, Cadix, Malaga, Séville... avec une manifestation centrale à l'arrivée.
Il est aussi question d'organiser un référendum sur quatre points permettant d'améliorer « la représentation démocratique ».
Il faut une politique pour la classe ouvrière
Le mouvement du 15 M a incontestablement changé la situation en Espagne. Jamais autant de gens ne se sont sentis aussi solidaires, heureux de manifester en masse et de crier leur colère.
Cela ouvre des possibilités, bien entendu, mais à condition que, au sein de ce mouvement, des jeunes, des travailleurs, des chômeurs passent de l'indignation au combat contre le capitalisme.
Car la bourgeoisie continue et va continuer à s'attaquer aux travailleurs. Des licenciements continuent dans des entreprises qui annoncent des milliards de bénéfices chaque année (comme par exemple les 6 000 de la Telefonica).
Des fermetures d'usines sont annoncées à Alsthom à Barcelone, à Visteon à Cadix. De nouvelles lois sur la flexibilité, sur les accords d'entreprise, livrent les travailleurs pieds et poings liés au patronat. Des services publics vont être privatisés avec des licenciements à la clef. Et le syndicat patronal, la CEOE, en réclame encore plus.
Face aux attaques patronales et gouvernementales qui ont continué tout au long des mois de mai et juin, les syndicats majoritaires, Commissions ouvrières et UGT, ont organisé de leur côté des manifestations, notamment mercredi 22 juin, contre « le pacte de l'euro ». Il est probable qu'une nouvelle journée générale de grève sera appelée en octobre. Celle du 29 septembre dernier avait été un succès même si, quelques semaines plus tard, les directions syndicales avaient signé le passage de l'âge légal de départ à la retraite de 65 ans à 67 !
Bien des jeunes qui participent au mouvement 15 M savent ce qu'ils rejettent, mais s'arrêtent là. Qu'ils rejettent les partis politiques bourgeois, c'est un pas en avant. Mais refuser la politique, c'est enfermer le mouvement dans des limites étroites qui se résument en fait à se plaindre devant les représentants politiques des capitalistes en leur demandant de tenir compte des aspirations des travailleurs et des chômeurs, d'exploiter un peu moins.
Mais ceux qui dominent cette société, les politiciens que l'on voit, et ceux, derrière, qui tirent les ficelles, les banquiers et les patrons, s'apprêtent justement à exploiter encore plus. Ils savent parfaitement que leur rapacité, leur cynisme soulèvent l'indignation. Et ils s'en moquent !
Leur problème est simple : la crise est là, il s'agit de faire payer le monde du travail !
Face à cette politique de la bourgeoisie, les classes exploitées ont besoin d'une politique qui leur permette de riposter vraiment. Riposter pour refuser les licenciements, pour garantir le pouvoir d'achat, pour obtenir ou conserver un logement,
Oui, s'indigner ne suffit pas.
Il s'agit de combattre un adversaire résolu, organisé, préparé et qui va frapper de plus en plus durement. Pour ce combat, il faut se donner des objectifs, savoir comment les atteindre pour avancer et s'appuyer sur la seule force capable de tout changer, les travailleurs en activité.
Ceux qui refusent cette politique-là ne veulent pas la maturation et le développement du mouvement, ils veulent son étouffement.
C'est en se réunissant, en manifestant, en réfléchissant ensemble que l'on reprend confiance et aussi qu'on peut voir et juger où sont ses vrais ennemis et aussi ses faux amis. Car dès que l'on bouge, il y a de l'espoir. Mais il faut d'abord être conscient que l'offensive de la bourgeoisie contre les classes exploitées va s'aggraver, que c'est une lutte dure qui attend le monde du travail.
Dans les combats à venir, la classe bourgeoise sait ce qu'elle veut, elle a son état-major, elle prépare ses coups, elle manœuvre, elle utilise ses politiciens et elle frappe en se moquant des indignations.
En face, le monde du travail ne pourra pas riposter en se réfugiant dans l'apolitisme. La classe ouvrière doit se préparer à mener un combat politique et social, à faire de la politique, une politique qui défende ses intérêts, une politique qui ne se contente pas de contester mais engage le combat pour changer l'économie, pour changer la société.
30 juin 2011