Texte de l'intervention de Nathalie ARTHAUD à la conférence de presse du 16 février 2009
Lutte Ouvrière présentera des listes de candidats dans sept circonscriptions aux élections européennes.
Ces élections interviennent en pleine crise économique qui a déjà des conséquences désastreuses pour les classes populaires.
Les entreprises les plus puissantes, y compris celles qui ont bénéficié des aides de l'État, licencient, se débarrassent de leurs intérimaires, suppriment des emplois. Comme l'illustre l'attitude particulièrement cynique du groupe PSA-Peugeot-Citroën qui, le lendemain même où a été rendue publique l'aide de trois milliards d'euros que l'État allait lui accorder, annonçait son intention de se débarrasser de 11 000 salariés sur les 200 000 qu'il emploie dans le monde.
Oh, il ne va pas les licencier, affirme-t-il, ce seront des « départs volontaires ». Sans doute aussi « volontaires » que les milliers d'intérimaires PSA dont il s'est débarrassé au fil des derniers mois !
Et pour citer un autre exemple de la même eau : l'entreprise Hutchinson vient d'annoncer la suppression de 183 emplois. Savez-vous de quel groupe Hutchinson est la filiale ? Eh bien, sa maison-mère est Total, le groupe industriel le plus riche de ce pays, qui s'enorgueillit d'un bénéfice de 14 milliards d'euros en 2008 ! Record historique !
Une multitude de sous-traitants et de filiales se restructurent en se débarrassant d'une partie de leurs effectifs, quand ils ne ferment pas complètement.
Le chômage s'envole de nouveau.
Même les travailleurs qui gardent encore leur emploi sont sous la menace de licenciements et subissent de plein fouet l'aggravation des conditions de travail comme de vie.
Les salaires sont de moins en moins suffisants pour faire face à la hausse des prix des produits les plus indispensables, en particulier les produits alimentaires.
La protection sociale recule, et le nombre de gens plongés dans la misère va en augmentant.
Manifestement, la classe capitaliste est en train de prélever sur les salariés de quoi faire face à l'aggravation de la crise qu'elle a elle-même provoquée.
Lutte Ouvrière se présente dans ces élections européennes avant tout pour dénoncer cette situation. Nous dirons dans la campagne, bien sûr, tout le mal que nous pensons de la politique de Sarkozy qui gouverne entièrement dans l'intérêt du grand patronat et des banquiers qu'il entend secourir face à la crise, quitte à démolir encore plus les conditions d'existence des classes populaires.
Nous nous efforcerons cependant avant tout de montrer au monde du travail, aux classes populaires, que c'est la domination du capital privé sur l'économie qui crée la crise et qui accroît la misère à un pôle pour augmenter les fortunes à un autre.
Nous dirons, dans cette campagne, qu'il n'y a aucun remède contre la crise dans l'économie capitaliste, quoi qu'en disent les charlatans qui, après avoir chanté pendant des années les vertus d'une politique libérale où le marché pourvoit à tout et règle tout, parlent aujourd'hui de réglementation étatique, de régulation, voire de moralisation du capitalisme. Par étatisme, ils entendent bien sûr sauver la mise aux banques et aux patrons de l'industrie. Au privé, les profits, et à l'État de payer les pertes - voilà leur philosophie. Mais ce que l'État donne aux banquiers ou aux patrons de l'automobile, il ne le donnera pas aux écoles, au système hospitalier, aux services publics, c'est-à-dire à ce qui est utile à l'ensemble de la population et vital pour les plus pauvres.
La seule façon de mettre fin aux crises, c'est de mettre fin au capitalisme lui-même.
Nous dirons, dans cette campagne, qu'il faut que le monde du travail se défende et, par là même, défende les intérêts de l'ensemble de la société. Nous dirons qu'il est absolument indispensable pour la survie même de la société d'arracher au grand patronat et aux financiers le contrôle qu'ils ont sur l'économie.
Nous dirons que le premier pas dans cette direction serait la suppression de toutes les lois qui protègent le secret commercial et le secret bancaire. Il faut rendre publiques toutes les comptabilités des grandes entreprises afin de connaître les ramifications de leurs circuits financiers. La population pourra alors vérifier que, malgré la crise, il est possible de préserver tous les emplois en répartissant le travail entre tous, sans diminution des salaires, à condition d'imposer pour une fois des sacrifices aux actionnaires. Elle pourra vérifier aussi qu'il est possible d'augmenter les salaires et les retraites de façon conséquente afin de stopper la détérioration du pouvoir d'achat qu'entraînent les hausses de prix.
Les principaux motifs de la mobilisation des classes populaires en Guadeloupe, en Martinique et sans doute, demain, à La Réunion existent aussi ici, sur le continent. Et j'espère que la mobilisation massive aux Antilles annonce un printemps de luttes, une grève générale illimitée qui fasse reculer le patronat et le gouvernement.
Échaudés par la crise financière, les maîtres de l'économie eux-mêmes admettent par moments que l'absence de contrôle et de régulation conduit à la catastrophe. Mais ce n'est pas aux banquiers de contrôler les banques. Seul l'ensemble de la population peut exercer un contrôle efficace. En premier lieu évidemment les salariés des banques, ainsi que ceux des entreprises, qui ont toutes participé à des opérations financières.
La crise économique actuelle que nombre de dirigeants de la bourgeoisie elle-même considèrent comme la plus grave depuis la crise de 1929 montre l'incapacité des groupes industriels et financiers à maîtriser leur propre économie. On amuse la galerie en s'en prenant tantôt aux traders, tantôt aux banquiers malhonnêtes, tantôt aux fonds spéculatifs ou à telle ou telle institution du monde financier. Mais la faille n'est pas dans le comportement des individus ou des institutions, elle est dans l'économie capitaliste elle-même, dans son fonctionnement basé sur la propriété privée des moyens de production, sur le marché solvable et sur la course au profit.
Nous dénoncerons la concurrence débridée sans pour autant prendre le parti du protectionnisme, qu'il soit au niveau de l'Union européenne ou au niveau des États qui la composent. Le protectionnisme consiste à protéger les intérêts de la bourgeoisie de son pays contre la bourgeoisie des autres pays, mais pas du tout à protéger les travailleurs ou les classes populaires contre la bourgeoisie elle-même.
Pour ce qui est de l'unité de l'Europe, nous dirons, dans cette campagne, que nous sommes pour l'unification de tout le continent et pour la suppression de toutes les frontières. Elles n'ont pas été supprimées du tout pour ce qui est de nombre de pays d'Europe de l'Est, des Balkans à la Turquie, qui demandent vainement à pouvoir adhérer à une Union européenne qui les repousse.
Et elles n'ont été que partiellement supprimées même entre les États qui font partie de l'Union européenne. La montée des tentations protectionnistes en cette période de crise montre que les frontières pourraient être complètement de retour.
Bien que poussées par des nécessités économiques évidentes, les bourgeoisies des différents pays d'Europe ont dû, dans une certaine mesure, unir les territoires sur lesquels elles font l'essentiel de leurs profits. Cette unification n'est qu'une triste caricature de ce qui devrait être fait pour surmonter le morcellement anachronique du continent européen.
Les plus de cinquante années qui se sont écoulées depuis la signature du traité de Rome, en 1956, jetant les fondements du Marché commun, montrent amplement que la bourgeoisie a été incapable d'unifier complètement l'Europe et que sa seule ambition est en réalité un « marché commun », c'est-à-dire un territoire où elle puisse faire circuler librement ses marchandises, investir librement ses capitaux et rapatrier librement ses bénéfices, et pas une unification réelle, complète, humaine. Même pas au même degré que les États-Unis sont unifiés !
Une véritable unification de l'Europe est liée au renversement du capitalisme.
Voilà quelques-unes des idées que nous défendrons pendant la campagne pour l'élection des députés au Parlement européen.
Nous ne nous faisons aucune illusion sur le rôle de ce Parlement européen qui ne sert qu'à donner un décorum démocratique aux tractations, publiques ou secrètes, entre États nationaux et grands groupes capitalistes.
Il est peu vraisemblable que nous ayons des élus au Parlement européen. Nous devrions en avoir, si ces élections étaient proportionnelles, permettant de représenter toute la variété de l'opinion publique. Comme vous le savez sans doute, nous en avons eu, en commun avec la LCR, aux élections de 1999. Cela a été dû dans une certaine mesure aux circonstances politiques, mais aussi au fait que les élections européennes étaient à l'époque celles qui s'approchaient le plus d'une véritable proportionnelle, avec une seule circonscription à l'échelle du pays et malgré le seuil de 5 %.
Cela avait dû paraître trop démocratique car Sarkozy a modifié la loi électorale en créant huit circonscriptions totalement artificielles qui font que, même dans celle où le nombre de députés à élire est le plus élevé, il faut qu'une liste dépasse 7 % pour avoir droit à un élu.
Et je rappelle pour mémoire que, dans la 8ème circonscription, celle des Dom-Tom, qui regroupe des électeurs dispersés aux quatre coins de la planète, seule la liste qui obtient 33 % des suffrages peut avoir un élu !
Mais je vous dirais que, même avec un mode d'élection plus démocratique, ce ne sont pas un ou deux députés, ni même une dizaine, sur 732 qui peuvent se faire entendre.
Alors, ce que nous visons dans ces élections, c'est à nous exprimer.
Nous voulons qu'à l'occasion de ces élections se fasse entendre une voix communiste révolutionnaire.
Nous voulons que ceux qui partagent notre opposition au système capitaliste en faillite, qui approuvent le programme de défense de la classe ouvrière face au patronat et au gouvernement, puissent l'exprimer en votant pour nos listes.