Lutte Ouvrière dans les campagnes électorales de 2014

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mars 2014

Avec le début de la campagne des élections municipales, s'ouvre dans le pays une période électorale enchaînant les municipales les 23 et 30 mars et les européennes le 25 mai. Deux scrutins complètement différents mais, au fond, complémentaires.

Ces scrutins, quel que soit leur résultat, ne changeront pas la face de l'Europe ni celle de la moindre municipalité. Ces deux élections se situent cependant dans une période dominée par l'offensive de la bourgeoisie et du gouvernement contre les conditions d'existence de la classe ouvrière, mais une offensive rendue plus âpre par la crise de l'économie capitaliste. Elle est marquée ici, en France, par la déception croissante des classes laborieuses à l'égard du pouvoir socialiste, déception qui tourne à l'écœurement tant le gouvernement se comporte en laquais du grand patronat.

C'est une double raison, pour une organisation qui se place sur le terrain du communisme révolutionnaire, de s'exprimer et surtout de donner la possibilité à l'électorat ouvrier de s'exprimer par son vote.

« Faire entendre le camp des travailleurs »

Lutte Ouvrière se présentera aux deux scrutins. Aux élections municipales, nous présenterons quelque deux cents listes dans un peu moins de villes, compte tenu du fait que, dans de grandes villes comme Paris, Lyon et Marseille, il s'agit de scrutins d'arrondissement.

Lutte Ouvrière sera également présente dans les élections européennes. Jusqu'en 1999, ces élections se déroulaient au scrutin de liste avec une seule circonscription électorale. La proportionnalité du mode de scrutin était tempérée par un seuil fixé à 5 % des votants. Une loi électorale du 11 avril 2003 a accentué le caractère non démocratique du scrutin en partageant le pays en huit circonscriptions. Le prétexte en était de rapprocher les élus de leurs électeurs. Argument fallacieux pour toutes les circonscriptions, mais risible s'agissant de la huitième circonscription qui regroupe les électeurs de tous les départements et territoires d'outre-mer, ces poussières de l'ancien empire colonial français qui vont de la Guyane, des Antilles dites françaises, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon, en Amérique, à la Polynésie française, Wallis-et-Futuna et la Nouvelle-Calédonie, dans l'océan Pacifique, en passant par La Réunion et Mayotte, dans l'océan Indien !

Lutte Ouvrière présentera des listes dans toutes les circonscriptions et, pour la huitième, elle le fera en commun avec nos camarades de Combat Ouvrier militant en Martinique et en Guadeloupe.

L'expression « contre la bourgeoisie et ses serviteurs politiques, faire entendre le camp des travailleurs » sera le leitmotiv de la campagne de Lutte Ouvrière dans les deux élections. Elle en définit l'axe et résume le contenu politique.

Toutes les forces politiques qui s'affronteront, et qui couvrent un spectre allant de l'extrême droite du Front national à la « gauche de la gauche » de Mélenchon et du Parti communiste, restent sur le terrain de l'organisation capitaliste de l'économie et de la domination de la grande bourgeoisie sur la société.

Par-delà leurs divergences, réelles ou purement verbales, tous les partis défendent des politiques compatibles avec les intérêts du grand capital, quand elles ne reflètent pas les exigences les plus immédiates de ce dernier. En revanche la classe ouvrière, principale victime pourtant de l'offensive de la bourgeoisie, ne se fait pas entendre sur le terrain politique pour défendre ses intérêts de classe dans la crise.

Lutte Ouvrière se présente dans ces deux élections pour faire connaître et populariser des objectifs qui correspondent à ces intérêts de classe. Il ne s'agit pas de programme électoral mais d'objectifs pour les futures luttes de la classe ouvrière qui, seule, a la possibilité de changer le rapport de force entre les exploités et le grand capital.

Seule une organisation communiste révolutionnaire qui se situe dans la perspective de l'expropriation de la bourgeoisie et de la prise en main démocratique de la direction de l'économie et de la société par la classe ouvrière peut proposer ces objectifs et les défendre jusqu'au bout, jusqu'à leurs conséquences ultimes.

Seul un courant politique qui ne cherche à préserver aucune position dans le cadre des institutions de la bourgeoisie peut être sans réserve dans le camp du prolétariat.

Nous publions en annexe de cet article la profession de foi commune à toutes les listes Lutte Ouvrière présentes aux élections municipales.

Nos candidats ne se présentent pas au nom d'une meilleure gestion de leur commune. Il peut y avoir des différences sur ce plan entre les équipes municipales, encore que les différences ne recoupent pas nécessairement les couleurs politiques des listes. Mais les problèmes essentiels de la classe ouvrière, dans cette période de crise, d'aggravation du chômage et d'écrasement du pouvoir d'achat, ne sont pas susceptibles d'être résolus au niveau d'une commune.

Le jeu des institutions de la bourgeoisie fait des élections municipales la juxtaposition de multiples situations locales. Cela donne aux partis qui se succèdent au pouvoir central le prétexte de dégager leur responsabilité dans les mesures prises sous Sarkozy puis sous Hollande (ce qui n'empêchera pas le parti qui se sortira le mieux - ou le moins mal - des municipales d'en tirer des conclusions nationales et d'interpréter les résultats comme une approbation de l'électorat à sa politique passée ou présente). Lutte Ouvrière intervient au contraire, même dans des élections locales, au nom des intérêts communs de la classe ouvrière d'un bout à l'autre du pays et, en réalité, bien au-delà.

Nous voulons nous adresser à l'électorat populaire avec un langage de lutte de classe, en nous opposant, aux élections municipales et européennes, à tous les courants politiques qui prétendent défendre des intérêts qui seraient communs à la bourgeoisie et aux exploités, pour mettre le doigt, au contraire, sur l'opposition irréductible de leurs intérêts de classe. Nous voulons nous adresser à la classe ouvrière, non en tant que classe victime de la bourgeoisie capitaliste, particulièrement féroce en cette période de crise, mais aussi et surtout comme la classe sociale qui a la force et la possibilité non seulement de se défendre efficacement mais aussi de renverser la dictature de la bourgeoisie sur la société.

La bourgeoisie et ses représentants politiques affirment, avec l'arrogance de ceux qui ont à la fois le pouvoir économique et le pouvoir politique, que les intérêts des capitalistes correspondent à ceux de toute la société. Les discours politiques comme les commentaires des médias matraquent comme vérités premières la nécessité d'être « compétitifs » pour justifier les licenciements, la démolition des protections sociales, les bas salaires, ou encore l'obligation de « rembourser la dette » de l'État, fût-ce au prix de la politique d'austérité qui frappe les exploités et les pauvres. C'est une propagande mensongère pour justifier les sacrifices imposés aux exploités. Les travailleurs, qui produisent et qui font marcher l'économie, doivent rejeter ce mensonge de classe de leurs exploiteurs et lui opposer leurs propres exigences de classe.

Plus la crise s'aggrave, plus en revanche les intérêts politiques de la classe ouvrière se confondent avec ceux de toutes les classes laborieuses. Seule une classe ouvrière qui relève la tête, qui retrouve confiance en sa force, peut offrir une issue à la société, que le règne du grand capital enfonce dans l'anarchie économique et le recul social.

Il n'y a certainement qu'une petite fraction de la classe ouvrière qui se retrouve aujourd'hui dans ce langage. Mais, aussi minoritaire soit-elle, il est essentiel qu'elle s'exprime, qu'elle plante un drapeau autour duquel pourra se regrouper dans l'avenir la majorité des troupes d'une classe ouvrière ayant retrouvé confiance en elle et capable de mener une politique de classe.

Il n'est pas question dans ces élections d'avoir l'air de cautionner, directement ou indirectement, le Parti socialiste, qui assume la direction politique des affaires de la bourgeoisie. Il n'est pas question non plus de cautionner des courants comme le Parti communiste ou le Parti de gauche, qui ont un pied dans la majorité gouvernementale et un pied dans l'opposition. De toute façon, leur semi-opposition n'en est une que par rapport à l'équipe au pouvoir. Pas par rapport à la grande bourgeoisie qui commande à toutes les équipes gouvernementales, quelle que soit leur étiquette. Pas par rapport au capitalisme.

Rejeter les illusions électoralistes

Le mouvement ouvrier a payé cher et continue de payer d'avoir été enchaîné derrière des illusionnistes qui ont affiché dans le passé une étiquette socialiste ou communiste pour dissimuler le fait que leurs ministres menaient la politique de la bourgeoisie.

Si le Parti communiste prend aujourd'hui une certaine distance avec le gouvernement - encore que son attitude dans les municipales montre à quel point il n'entend pas rompre des lances avec le Parti socialiste -, il a une responsabilité décisive dans le fait d'avoir confectionné l'aura de Mitterrand, d'avoir cautionné Jospin et d'avoir mis ce qui lui reste de poids à faire élire Hollande. Il ne faut pas que les travailleurs conscients lui donnent un quitus pour sa politique passée et surtout pas un chèque en blanc pour l'avenir.

Nous avons fait également le choix de ne pas nous présenter en commun avec des formations qui se revendiquent de l'extrême gauche. Nous ne voulons pas mélanger des préoccupations, même légitimes, concernant l'écologie et bien d'autres sujets sociétaux, avec la politique nécessaire pour la classe ouvrière.

Toute l'actualité, de la montée électorale du Front national à l'expression de plus en plus brutale des forces réactionnaires dans ce pays, illustre le fait que la société marche à reculons. La cause fondamentale en est, en dernier ressort, l'affaiblissement du mouvement ouvrier du fait de la trahison de ses dirigeants et de leurs compromissions.

Qu'une fraction, même réduite, de l'électorat ouvrier puisse envisager de voter pour le Front national, fût-ce par dégoût de la politique des partis qui alternent au pouvoir, fût-ce avec l'illusion désastreuse que c'est une manière de donner un coup de pied dans la fourmilière, est l'expression d'une perte grave des repères de classe. Les partis de la gauche gouvernementale ont une responsabilité écrasante dans cette situation.

Cela ne change cependant rien au fait que le Front national, malgré la démagogie électorale à laquelle il s'adonne vis-à-vis des travailleurs - à condition qu'ils soient français -, est un ennemi de la classe ouvrière. Il est, comme les autres, un défenseur de l'ordre capitaliste. Il fait partie du personnel politique à la disposition de la bourgeoisie. Il est prêt à gouverner pour le compte de cette dernière lorsqu'elle aura besoin de laquais politiques encore plus réactionnaires, encore plus disposés à ligoter la classe ouvrière, que ceux qui étaient de service sous Sarkozy et ceux qui le sont aujourd'hui sous Hollande.

Mais ce ne sont certainement pas l'ostracisme de la droite à l'égard du Front national en matière d'alliances électorales - d'ailleurs tout relatif -, ni les gesticulations de la gauche réformiste qui peuvent contenir la progression du Front national et des insanités réactionnaires qu'il véhicule.

Retrouver le chemin des luttes guidées par la conscience de classe

La société ne peut reprendre sa marche en avant que si la seule classe progressiste, la classe ouvrière, retrouve le chemin des luttes et plus encore celui de la conscience politique et de la capacité à s'organiser que cela implique. La bourgeoisie a cessé de représenter depuis longtemps un progrès pour la société. Sa domination a un effet délétère sur toute la vie sociale, de la montée de l'individualisme, du chacun pour soi, de la loi de la jungle, jusqu'au retour des préjugés et des pratiques sociales dépassés, barbares. La crise de l'économie capitaliste accentue, accélère, aggrave tout cela. S'opposer aux insanités d'une classe exploiteuse décadente nécessite de combattre la bourgeoisie elle-même.

Le mouvement ouvrier s'est toujours battu, pendant les périodes où il méritait ce nom, non seulement pour faire avancer les intérêts matériels des travailleurs, mais aussi pour propager sa vision de la société, le sens de l'intérêt collectif, le combat contre les multiples formes d'oppression qui dérivent de l'exploitation. Il faut qu'il retrouve ce chemin.

Profiter de l'occasion fournie par les élections pour « faire entendre le camp des travailleurs » participe à la reconstruction d'un parti communiste révolutionnaire.

Ces élections permettront en effet de regrouper autour d'une politique pour la classe ouvrière des femmes, des hommes, des jeunes qui sont écœurés par la politique du Parti socialiste au pouvoir mais qui ne se tournent pas pour autant vers la droite ou l'extrême droite et qui ne se réfugient pas dans un apolitisme stérile.

Lutte Ouvrière ne peut participer aux élections municipales, à l'échelle où elle le fait, que parce plusieurs milliers de femmes et d'hommes des classes populaires ont fait le choix de se présenter sur ses listes et d'assumer publiquement leur engagement politique. Cela ne résout évidemment pas la question de la reconstitution d'un parti communiste révolutionnaire, mais cela constitue un pas en avant.

Un parti communiste révolutionnaire ne pourra surgir de nouveau dans ce pays que lorsque la classe ouvrière, retrouvant conscience et combativité, fera surgir des milliers, des dizaines de milliers de militants préoccupés du sort et de l'avenir de leur classe sociale, des milliers de militants présents dans les entreprises comme dans les quartiers populaires et capables de défendre dans leur milieu les valeurs et les perspectives du mouvement ouvrier. La perspective de la renaissance d'un parti communiste révolutionnaire est étroitement liée au développement de la combativité et de la conscience collective de la classe ouvrière elle-même.

Les élections n'ont pas le pouvoir de créer ces conditions. Mais elles ont celui de montrer qu'une fraction de la classe ouvrière est consciente de cette nécessité. Et ce simple fait peut être un encouragement pour d'autres. L'évolution économique, celle de la crise, comme l'évolution politique et la déconsidération de la gauche au pouvoir feront mûrir les esprits et les consciences. Mais il faut des femmes et des hommes pour exprimer et pour incarner cette prise de conscience.

21 février 2014