Au premier tour de la présidentielle, les Verts, le PCF, Bové et nous-mêmes ont été, plus ou moins, laminés par le vote pour Ségolène Royal tandis que la LCR n'a pas subi un tel revers.
Besancenot a maintenu, quoique sans l'augmenter, son score de 2002 (sensiblement plus en voix du fait du plus grand nombre de votants, un peu moins en pourcentage, de 4,25 % à 4,08 %, du fait que cette participation accrue a favorisé plus la droite que la gauche).
En 2002, LO, la LCR, le PCF, le PT et Mamère avaient obtenu au total 19,06 % des suffrages. En 2007, toujours au total, les mêmes plus Bové ont obtenu 10,57 % soit presque moitié moins. Besancenot a obtenu pour sa part 4,08 % (contre 4,25 % en 2002) les écologistes (Voynet plus Bové) 2,89 %, Buffet 1,98 %, Arlette Laguiller 1,33 % et Schivardi 0,34 %.
Le score de Besancenot a donc représenté à lui seul 40 % du score restant de cet ensemble de courants qu'on pourrait dire à la gauche du PS si c'était totalement vrai. Bové, Voynet, Schivardi ne le sont pas vraiment et Marie-George Buffet pas non plus. Les autres (nous compris) se sont partagés les 60 % restants de l'ensemble de cet électorat résiduel qui n'a pas été entraîné par Ségolène Royal (ou par d'autres, tel Bayrou).
Mais, tout en ayant tous reculé, en score, ces différents courants ou candidats n'ont pas reculé de la même façon.
Celle qui a reculé le plus est Arlette Laguiller, de 5,72 % à 1,33 % des voix, ce qui représente une perte de 4,39 % de son score et 1 142 000 voix de moins.
Les Verts et les écologistes (si l'on additionne les scores de Voynet et de Bové) ont perdu 2,32 % par rapport à Mamère, leur seul représentant en 2002, soit 440 000 voix de moins que les presque 1 496 000 voix de Mamère. Marie-George Buffet avec 1,93 % des voix a perdu 1,44 % sur le score de Robert Hue en 2002, soit une perte de 253 000 suffrages. Mais le résultat de Buffet doit s'examiner en fonction du recul du PCF depuis plusieurs années et Robert Hue n'a pas de quoi critiquer le score de Marie-George Buffet car il l'avait laissée sur une pente bien raide.
Il faut évidemment se demander pourquoi Besancenot a résisté, dans les chiffres, mieux que les autres et, en particulier, bien mieux qu'Arlette Laguiller.
On ne peut pas attribuer cela au fond du programme qu'il a défendu, qui était un catalogue de toutes les idées de " la gauche de la gauche ". Mais l'originalité de ce programme résidait cependant dans le fait qu'il était un catalogue de tout ce que disaient les autres, Laguiller comprise. Rien n'y était oublié. Chacun de ces courants pouvait trouver son compte dans le patchwork que Besancenot défendait, allant de l'écologie traditionnelle aux revendications que nous exprimions, en passant par la révolte des banlieues et des " millions dans la rue (sic) contre le contrat première embauche " ou les " millions " (re-sic) de travailleurs " entrés en lutte " dans les cinq dernières années. Quand un commentaire de Rouge affirme que le programme d'Olivier Besancenot et celui d'Arlette Laguiller étaient les mêmes, c'est une simplification car si certains objectifs d'Arlette Laguiller y figuraient, ils étaient noyés parmi bien d'autres. Ils n'y figuraient d'ailleurs pas tous et, en particulier, le contrôle sur les comptabilités des entreprises, le plus, sinon le seul objectif réellement " anticapitaliste ".
Olivier Besancenot a sûrement perdu des voix au profit de Ségolène Royal, mais certainement beaucoup moins que les autres candidats avec lesquels nous le comparons, voire très peu.
La majeure partie du million cent quarante mille voix perdues par Arlette Laguiller n'est pas allée à Besancenot mais à Royal. Sinon Besancenot aurait doublé son score au lieu de seulement le maintenir.
L'électorat Vert et écologiste a perdu un tiers de son électorat, mais s'est mieux maintenu que celui d'Arlette Laguiller, ce qui signifie que l'électorat d'Arlette Laguiller n'est pas le même que celui des écologistes, ni d'ailleurs le même que celui de la LCR.
En fait, il y a tout lieu de penser que, dans cette élection, la LCR a recueilli, sur le plan électoral, le fruit de la politique qu'elle a menée depuis 2005 et la campagne du référendum sur l'Europe. Plus exactement, depuis la victoire du Non à ce référendum et les tentatives d'unifier tous les courants du " Non de gauche " (cela pour oublier les voix du Front national, sans lesquelles le Non ne l'aurait pas emporté).
Cette politique a consisté à tenter de réunir des écologistes, des altermondialistes, des antilibéraux et bien d'autres pour rechercher et désigner un candidat commun à la présidentielle représentant tout cet ensemble. Les meetings organisés en commun avec Buffet, Besancenot, Bové et quelques autres sur de mêmes tribunes ont été des réussites. Cependant, malgré une tentative de création de " comités " à la base, ceux-ci ne purent choisir entre les différents leaders. Buffet, Besancenot et Bové se présentèrent donc séparément.
Malgré l'échec d'une candidature commune, cette politique fut, pour la LCR, une parfaite réussite, au moins électorale, car il est manifeste que si Besancenot a perdu des voix qui sont allées à Royal, il en a gagné beaucoup au détriment de ses compagnons de route pour une candidature commune à la présidentielle. En fait, les électeurs de ces courants ont choisi, en la personne d'Olivier Besancenot, leur candidat commun. Cela justifie, au moins sur le plan électoral, la politique de la LCR depuis ces dernières années. Cette politique, elle va la continuer pour entrer " en résistance " en se servant, si possible, du score de Besancenot pour appuyer la crédibilité de sa politique. Notons qu'au moins en raisonnant sur les chiffres, Besancenot n'a pas pu gagner beaucoup d'électeurs sur le Parti socialiste.
Pour notre part, nous ne croyons pas que, quelles que soient les critiques que l'on puisse lui faire, notre campagne soit en cause. Nous aurions pu sûrement faire mieux, mais cela n'aurait rien changé à notre résultat. Cela fait bien plus d'un an que nous sentions dans nos contacts, dans nos discussions, dans notre milieu, qu'une grande partie de l'électorat populaire de gauche, y compris notre électorat fidèle, craignait, quoique de façon absolument irrationnelle, la défaite de la gauche dès le premier tour (au début à cause de Le Pen, puis de Bayrou) et voulait faire en sorte que cela n'arrive pas.
La fraction de l'opinion à laquelle la LCR s'est adressée était certainement beaucoup plus hostile au Parti socialiste. Peut-être, dira-t-on, beaucoup plus consciente mais, peut-être aussi, beaucoup moins solidaire des sentiments des classes sociales les plus exploitées qui sont les plus victimes du maintien d'un gouvernement de droite et les plus enclins à avoir des illusions sur les partis bourgeois de gauche. La LCR a fait une campagne violemment anti-PS, au point d'exiger du Parti communiste un engagement écrit qu'en cas de victoire de Royal, il refuserait toute participation à un gouvernement à direction socialiste. Bien sûr, Marie-George Buffet n'a pas accepté mais cela joue sur le public auquel la LCR s'adressait. À tel point d'ailleurs que, par comparaison, certains camarades de la LCR ou même de LO considérèrent que notre campagne était trop complaisante envers la candidate du PS.
On peut, peut-être, penser que nous aurions dû emboîter le pas à la LCR depuis deux ans et plus, et rechercher, avec elle, un candidat commun à cette nébuleuse de courants à laquelle la LCR comme le PCF et les écologistes s'adressaient.
Pour cela, il aurait fallu parler au nom de ces courants qui, en l'occurrence, méritent bien leur nom. L'image qui vient à l'esprit pour les décrire n'est pas de leur attribuer un écoulement laminaire mais un écoulement, ô combien, turbulent.
La LCR et Besancenot ont milité pour les représenter. Marie-George Buffet a tenté de le faire mais a été rejetée et s'est résolue à se présenter abusivement au nom de cet ensemble au lieu de le faire au nom du Parti communiste. Cela, pour tenter de contourner l'hostilité de tout ce milieu envers les partis institutionnels.
Outre que, de notre part, défendre cette politique aurait consisté à tourner le dos à tout ce que nous défendons fondamentalement, rien ne prouve que ce milieu aurait pu nous considérer comme l'un de ses représentants.
Nous avons choisi, il y a déjà longtemps, de nous adresser essentiellement au monde du travail pour construire un parti révolutionnaire visant à un changement social radical par la suppression de l'économie capitaliste et la fin de l'exploitation du travail. Ce n'est certainement pas une tâche gagnée d'avance.
En fonction de la situation économique - chômage ou plein emploi - ou politique - espoir fallacieux avec la gauche au pouvoir ou désespoir si c'est la droite qui y est - le moral, la combativité, la conscience de classe des travailleurs peuvent largement changer. En fonction de cela, nos idées, nos propos, notre propagande trouvent plus ou moins d'échos auprès d'eux.
Nous le savons pour l'avoir vécu bien des fois. C'est pour cela que nous ne désespérons pas, loin de là, d'une banale défaite électorale et que nous continuerons dans la même voie sans nous renier.
19 mai 2007