La vague révolutionnaire en Europe

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7 novembre 1997

Les commentateurs hostiles triomphent aujourd'hui : la révolution russe n'a pas abouti à une société sans classe, elle a seulement secrété une bureaucratie privilégiée qui, depuis quelques années, est en train de rétablir le capitalisme. Elle n'a pas abouti à la disparition de l'Etat, mais au contraire, elle a abouti à un Etat omnipotent qui, surtout au temps de Staline, fut une dictature féroce.

Tous ces arguments ne servent pas seulement aux adversaires de toujours de la révolution russe à justifier leur attitude passée. Ils leur servent surtout à démontrer que la faillite de l'Union soviétique, c'est la faillite du communisme lui-même.

Alors, aujourd'hui, quatre-vingt ans après, quel bilan peut-on faire de la révolution russe du point de vue du communisme et pas de celui de ses adversaires ?

C'est dans les pays industriellement avancés que Marx et Engels et tous les socialistes du siècle dernier imaginaient le départ de la révolution sociale.

La construction du socialisme, du communisme, c'est à dire l'organisation rationnelle de l'économie sur d'autres bases que la propriété privée, la concurrence et le profit, nécessitait, selon Marx, un niveau économique élevé que seul le développement capitaliste arrivé à une certaine maturité pouvait assurer. Elle nécessite l'industrialisation, une certaine accumulation de richesse, une concentration économique et un certain niveau de culture et de civilisation.

Les dirigeants de la révolution ouvrière connaissaient aussi bien les idées de Marx que l'arriération de la Russie. Mais ils ne raisonnaient pas en fonction de la seule Russie, mais en fonction de toute l'Europe. La Russie n'était certes pas mûre pour le socialisme, mais l'occident développé l'était. En révolutionnaires internationalistes qu'ils étaient, ils ne proposaient pas au prolétariat russe qui déployait une énergie révolutionnaire formidable, de retourner au travail et de continuer la guerre impérialiste, en attendant que le capitalisme russe développe l'économie. Ils prévoyaient que la prise de pouvoir en pleine guerre mondiale par le prolétariat dans un pays de la taille et de l'importance de la Russie pouvait être un levier formidable pour entraîner dans la voie révolutionnaire, le prolétariat des pays développés d'Europe occidentale.

A leurs yeux, la seule façon de surmonter "l'immaturité" de la société russe pour le socialisme, passait par la victoire du prolétariat dans les pays économiquement développés. Ils pensaient que la révolution russe pouvait être le détonateur d'une telle propagation de la révolution.

Cela n'était pas un voeu pieux. Dans les mois qui suivirent, la moitié de l'Europe s'embrasait. La Finlande d'abord, suivie de l'Allemagne où les masses insurgées ont obligé l'empereur à abdiquer le 9 novembre 1918. Cette fois, ce n'était pas un pays arriéré, mais le pays le plus développé, le plus industrialisé d'Europe qui se couvrait de conseils ouvriers. De janvier à mai 1919, des soulèvements ouvriers se succédèrent à Berlin, en Saxe, à Munich. Dans la capitale de la Bavière s'est même constitué brièvement un pouvoir soviétique. En Hongrie, la bourgeoisie débile a cédé sans combat le pouvoir aux forces du prolétariat, aux partis ouvriers, avant qu'une intervention étrangère écrase la révolution et installe une dictature.

Pour la première fois de son histoire, la bourgeoisie impérialiste et son système économique tremblaient sur leur base. La guerre venait pourtant de montrer de quels puissants moyens disposait la bourgeoisie. Mais ce sont les classes laborieuses qui font fonctionner non seulement la machine productive du capitalisme, mais aussi sa machine militaire. La puissance militaire de l'impérialisme s'effondrait en même temps que s'éveillait la conscience du prolétariat.

Le renversement de l'ordre capitaliste n'avait jamais paru aussi proche. La possibilité qu'une partie de l'Europe soit gouvernée par les travailleurs était ouverte. De grandes grèves en Italie en 1920 et des vagues de grèves en France et en Grande-Bretagne allaient montrer par la suite que c'est tout le prolétariat européen qui se mobilisait.

C'est tout l'avenir proche de l'humanité qui se jouait en Allemagne qui, avec son industrie puissante, son prolétariat nombreux, organisé, cultivé et formé socialement et politiquement, aurait pu apporter tout ce qui manquait à la révolution russe. Mais la classe ouvrière allemande a été vaincue. Et vaincue surtout parce que la bourgeoisie allemande a trouvé, dans la direction même du mouvement ouvrier, dans la social- démocratie, un allié décisif et d'autant plus efficace contre les travailleurs, qu'il avait leur confiance.