La guerre américaine : escalade de l’Irak vers l’Afghanistan et le Pakistan

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novembre 2008

Nous publions ci-dessous la traduction d'un article de la revue Class Struggle, n° 60 de novembre-décembre 2008, rédigé par l'organisation trotskyste américaine The Spark. Cet article fait le point sur la politique guerrière de l'impérialisme américain au Moyen-Orient.

Le « sursaut » des troupes américaines en Irak, conçu par le général David Petraeus (Commandant en chef des troupes américaines en Irak et en Afghanistan, depuis peu à la tête des opérations militaires américaines dans une plus vaste région encore, englobant l'Iran, le Pakistan et l'ensemble du Golfe... (ndt)), a été présenté comme un grand succès. Les médias et les politiciens républicains et démocrates lui ont attribué le mérite d'empêcher la guerre désastreuse de l'impérialisme américain de devenir un autre Vietnam, c'est-à-dire une défaite honteuse. Pendant la campagne électorale, John McCain, un des premiers défenseurs du « sursaut », a essayé de profiter de son prétendu succès, autant qu'il l'a pu, proclamant que cela confirmait ses propres intuitions et connaissances militaires. Obama, qui a essayé d'exploiter l'impopularité massive de la guerre en se présentant comme un opposant de la première heure (malgré le fait qu'il ait voté tous les crédits de guerre), a néanmoins changé de cap pour louer les résultats du sursaut, disant même à Bill O'Reilley de Fox News que « le sursaut a réussi au-delà de nos rêves les plus fous ».

Maintenant, les militaires américains annoncent qu'ils prévoient un autre « sursaut » en Afghanistan. Et là aussi, ils sont applaudis avec enthousiasme par les médias, et naturellement par les Démocrates et les Républicains, dont beaucoup qualifient la guerre d'Afghanistan de « guerre juste ».

L'irak : un désastre déguisé en succès

Bien entendu, toutes les déclarations sur le succès du sursaut en Irak ne font que montrer le cynisme et la dépravation des politiciens américains et des médias.

Au début de l'année 2008, le renforcement des troupes américaines en Irak a augmenté leur nombre de 30 000. Ces troupes n'ont pas, contrairement à ce qu'on avait annoncé, amélioré la sécurité dans des zones ciblées de l'Irak. Au contraire, les troupes américaines ont procédé à une énorme intensification de la guerre contre le peuple irakien, et elles ont soutenu massivement les nettoyages ethniques et religieux. À Bagdad, les troupes américaines et leurs alliés irakiens ont bombardé et détruit des quartiers entiers, tuant des milliers de personnes et forçant des centaines de milliers à fuir. Les réfugiés de Bagdad ont rejoint un flot humain qui représente aujourd'hui un sixième de la population irakienne, soit près de cinq millions de personnes. Bagdad a été divisée et séparée par d'énormes hauts murs en enclaves sunnites et chiites, qui sont patrouillées par une police meurtrière, des bandes armées et des troupes féroces. En d'autres termes, Bagdad a été saignée à blanc... puis transformée en une prison.

La guerre s'est intensifiée dans d'autres parties du pays, plus particulièrement au sud autour de Bassora. En mars dernier, les militaires américains ont soutenu la désastreuse offensive lancée par l'armée irakienne contre une milice chiite rivale, l'Armée du Mahdi de Moqtada al-Sadr. L'armée irakienne est dominée par la milice Badr, l'aile militaire du parti chiite ISCI (Conseil islamique suprême d'Irak, autrefois appelé SCIRI). La bataille entre les deux rivales a fait tant de ravages que les Américains ont dû faire appel à des médiateurs iraniens pour négocier un cessez-le-feu temporaire.

Les autorités américaines présentent souvent la province d'Anbar comme la preuve du prétendu succès du sursaut. Anbar est au cœur de ce que les Américains appellent le triangle sunnite, c'est-à-dire de l'insurrection contre les Américains provenant de villes comme Ramadi et Faludja. Aujourd'hui, les Américains proclament que ces villes sont si tranquilles et si pacifiques que les militaires américains peuvent réduire en grande partie la présence de troupes. Ce que les autorités américaines ne disent pas, c'est que les Américains ont réduit ces villes à des décombres après des années et des années de guerre intensive. En d'autres termes, elles sont calmes... comme un cimetière.

Les Américains attribuent également au Mouvement du Réveil sunnite le mérite d'avoir contribué à la sécurité et de s'être opposé à l'insurrection. En fait, le Mouvement du Réveil n'est rien de plus que des bandes armées, formées d'environ 100 000 anciens baasistes, anciens officiers de Saddam Hussein et insurgés de la résistance irakienne de 2003-2007. Les Américains paient chaque membre de la milice armée 300 dollars par mois pour patrouiller les province d'Anbar, de Salahuddin, de Dyala et la plupart des quartiers sunnites de l'ouest de Bagdad. Ils leur ont promis qu'après la fin des paiements américains en septembre, un cinquième des hommes servant dans le Mouvement du Réveil serait intégré dans l'appareil d'État irakien.

C'était censé faire partie des efforts faits pour que tous les protagonistes résolvent pacifiquement leurs conflits et pour rendre l'État et le gouvernement irakiens - qui aujourd'hui sont dominés par le parti chiite, l'ISCI et sa milice Badr - plus ouverts, en y faisant entrer des milices et des partis rivaux, y compris le parti d'al-Sadr et les partis sunnites. Des élections provinciales devaient être organisées à une autre étape du processus de réconciliation pacifique. Ces élections étaient initialement prévues pour octobre, mais elles ont été reportées, une fois de plus, à janvier 2009 - c'est-à-dire, après les élections présidentielles américaines.

Les promesses de réconciliation se sont vite révélées complètement creuses. La police irakienne et les escadrons de la mort liés à l'ISCI et à la milice Badr ont intensifié leurs efforts pour consolider leur contrôle exclusif sur l'appareil d'État et sur le gouvernement en visant les chefs des factions et des partis rivaux. Pratiquement aucun membre du mouvement du Réveil sunnite n'a été recruté dans l'appareil d'État. Mais de nombreux chefs ont été assassinés et une liste a été dressée pour en arrêter six cents autres. En même temps, un éminent membre du Parlement irakien fidèle à Moqtada al-Sadr a été tué dans un attentat soigneusement planifié.

Pendant les derniers mois, il y a sans doute eu moins de spectaculaires attentats-suicides ou à la voiture piégée. Mais il y a eu plus de tués par des snipers et des bombes magnétiques faciles à fixer aux voitures des victimes et actionnées au moment choisi par l'assassin.

Les autorités américaines ont, de temps en temps, condamné publiquement cette nouvelle vague d'assassinats et d'arrestations. Mais dans la coulisse, elles continuent à travailler avec l'État irakien dominé par l'ISCI et la milice Badr, menaçant de violences encore pires si un des groupes visés essaie de riposter, et tenant ainsi ces groupes en respect.

Irak : une guerre sans fin

Le pays continue d'être agité par la violence et les conflits ethniques. À Mossoul, au nord de Bagdad, la milice kurde a mené une campagne de terreur contre la minorité chrétienne, assassinant une douzaine de chrétiens, mettant le feu à leurs maisons et provoquant l'exode de la ville de milliers de chrétiens. Au nord, dans la ville de Kirkouk, une importante région productrice de pétrole, la compétition est vive. À Kirkouk, il y a un mélange de différentes ethnies et confessions, comprenant des Kurdes, des sunnites et des Turkomans. Sous Saddam Hussein, des sunnites avaient été envoyés remplacer les Kurdes pour servir de base de soutien à Saddam. Depuis 2003, les autorités kurdes ont encouragé les Kurdes à revenir à Kirkouk pour remplacer les sunnites. Il y a ainsi un conflit sans fin sur la question de qui vit où, accompagné d'assassinats et d'attentats à la bombe. Cette situation est si explosive que les politiciens irakiens sont d'accord pour reporter les élections provinciales à venir à Kirkouk, craignant qu'une bataille électorale ne dégénère en une guerre civile ouverte.

De plus, les militaires turcs ont régulièrement mené des incursions dans la partie nord de l'Irak. Sous le prétexte de combattre la guérilla séparatiste kurde, le gouvernement turc essaie de se positionner pour mettre la main sur une partie des richesses pétrolières irakiennes.

L'Irak est toujours si dangereux que pratiquement aucun des cinq millions de réfugiés ne s'est senti suffisamment en sécurité pour revenir, malgré la dureté de la condition de réfugié. Les rares à être revenus ont été le plus souvent confrontés à la violente hostilité d'un gang ou d'un autre, qui leur laisse le choix habituel : partir ou mourir. Sans aucun doute, les quartiers et les villes mixtes, où des gens de différentes origines ethniques vivaient et se mariaient ensemble, font partie du passé.

La violence terrible de ces dernières années a permis aux compagnies pétrolières américaines d'avoir les mains libres pour exploiter les vastes richesses pétrolières du pays, quand l'opportunité se présentera enfin. Pendant ce temps, les Irakiens ordinaires sont abandonnés à eux-mêmes dans les plus infernales conditions : peu ou pas d'électricité, eaux usées et détritus en putréfaction partout, peu ou pas d'accès à l'eau potable, plusieurs épidémies de choléra l'année dernière, pas de soins médicaux, pas de travail... rien.

En fait, la seule question vraiment débattue dans l'appareil d'État américain est combien de troupes laisser en Irak pour garder et assurer le contrôle américain. Selon des fuites du dernier « National Intelligence analysis » américain, un document très attendu, produit par 16 agences de renseignement et qui n'est pas destiné à une publication officielle avant les élections - le niveau des troupes américaines, qui atteint actuellement 146 000, devrait rester comparable dans le futur proche, en raison de l'aspect explosif de la situation. En septembre, le président Bush a confirmé qu'il ne diminuerait pas le nombre des troupes américaines en Irak avant la fin de son mandat.

Néanmoins une autre guerre est en route, même si cela pèse sur l'armée. Démocrates et Républicains parlent les uns comme les autres d'intensifier la guerre en Afghanistan. Obama et McCain se sont même servis de leur campagne présidentielle pour préparer la population américaine à une forte augmentation des troupes en Afghanistan. Obama dit couramment qu'il considère l'Afghanistan comme sa priorité, ce qu'il appelle « le front principal de la guerre contre le terrorisme ». Et il ajoute : « Nous avons besoin de plus de troupes là-bas. Nous avons besoin de plus de ressources... C'est une guerre que nous devons gagner ». Selon McCain, « le statu quo est inacceptable. La sécurité en Afghanistan s'est détériorée et nos ennemis ont pris l'offensive ». En fait, dès août 2007, Obama avait franchi une sorte de Rubicon verbal en disant qu'il était également prêt à envoyer des troupes américaines au Pakistan, s'il obtenait ce qu'il a appelé des « informations justifiant une poursuite ». En d'autres termes, en qualifiant le « sursaut » américain en Irak de succès, les deux candidats disent qu'une fois président, ils feront une guerre plus importante en Afghanistan et même au Pakistan.

Afghanistan : le deuxième front

En Afghanistan, les Américains ont été confrontés à une insurrection croissante des talibans et de leurs alliés. Depuis 2006, les talibans basés au cœur du pays pashtoun au sud des montagnes de l'Hindu Kuch, ont étendu leur insurrection à l'ouest, au nord et au nord-ouest du pays, où ils ont obtenu l'appui d'autres minorités ethniques qui ne les soutenaient pas auparavant.

Au fur et à mesure que leurs forces augmentaient, les insurgés talibans ont pu aller au-delà de la tactique classique de l'attaque éclair de la guérilla et soutenir des combats importants avec des centaines et même des milliers de combattants. Cet été, les talibans ont mené une de leurs attaques les plus spectaculaires. En juillet, une importante force de combattants talibans a lancé une attaque audacieuse sur une base américaine éloignée dans la province de Kunar, près de la frontière pakistanaise. Neuf soldats américains ont été tués. Cette attaque suivait une autre tentative audacieuse de menacer une grande ville du sud, Kandahar. Les officiers de l'OTAN en Afghanistan ont commencé à comparer l'intensité des combats à ceux de la guerre de Corée.

L'insurrection a pu atteindre les faubourgs de la capitale, Kaboul. En raison de l'importante concentration de troupes étrangères à Kaboul, il est douteux que l'insurrection puisse rapidement la conquérir. Mais les talibans ont pu organiser plusieurs attaques démontrant ce dont ils étaient capables dans la ville, y compris le bombardement de l'ambassade indienne et l'attaque d'une tribune de revue de troupes dans laquelle était assis le président Karzaï.

Les Américains et leurs alliés de l'OTAN ont répondu à la poussée des talibans en renforçant les effectifs militaires. Les Américains sont passés de 20 000 à 33 000 soldats en deux ans et les autres pays de l'OTAN ont augmenté leurs effectifs de 20 000 à 37 000. Néanmoins, pour l'occupation militaire d'un pays de la taille de l'Afghanistan, cette force serait loin d'être suffisante. Il suffit de comparer avec l'Irak où il y a eu près de 200 000 soldats américains pendant le sursaut. De plus, l'Afghanistan est un pays dont la superficie est de 50 % supérieure à celle de l'Irak, et dont la population compte cinq millions d'habitants de plus. D'autres facteurs, comme le terrain beaucoup plus accidenté de l'Afghanistan avec une population rurale disséminée, posent aussi de gros problèmes aux Américains affrontant la montée en puissance de l'insurrection des talibans.

Comme d'habitude, les Américains et l'OTAN ont compensé leur faiblesse militaire sur le terrain en intensifiant la guerre dans les airs. En 2006, les frappes aériennes américaines et les bombardements ont été dix fois plus nombreux que l'année précédente. En 2007, les frappes aériennes ont presque doublé de nouveau. En même temps, les forces américaines et de l'OTAN ont intensifié les fouilles et les rafles de maison en maison sur une grande échelle.

Ces interventions brutales ont eu le résultat habituel. Au cours des quinze derniers mois, plus de civils ont été tués que pendant les quatre années précédentes. Et cela a fortement accru la colère et la haine des populations afghanes contre les forces d'occupation américaines et de l'OTAN - fournissant un réservoir grandissant de recrues pour l'insurrection talibane.

Un fief des Etats-Unis

La haine générale envers le gouvernement afghan, extrêmement corrompu et faible, dirigé par Hamid Karzaï, le président choisi par les Américains, a aussi contribué au renforcement des talibans. La plupart des ministères de Karzaï sont tenus par des seigneurs de guerre qui ont découpé le pays en fiefs privés. Son gouvernement, comme les talibans dans leurs zones, impose la charia, la loi islamique fondamentaliste. La cour suprême de Karzaï est un héritage direct des talibans.

Le gouvernement afghan n'est que la marionnette des États-Unis. Les principales décisions sur la marche du pays, à commencer par les finances du gouvernement, émanent ouvertement d'institutions basées à Washington. Les Américains décident qui dirige le pays, ce qu'est le budget du gouvernement et comment il est dépensé. « L'équivalent le plus proche, ce sont ces parties de l'Afrique coloniale où les États européens suscitaient des chefs auxquels ils attribuaient une autorité presque autocratique sur leurs sujets, mais dont le pouvoir n'était jamais assez grand pour aller contre les buts politiques de leurs protecteurs étrangers », écrivent Atiq Sarwari et Robert Cruise, deux spécialistes de l'Afghanistan vivant aux États-Unis.

Les États-Unis et le gouvernement Karzaï ont réussi à rendre l'Afghanistan, déjà un des pays les plus pauvres de la planète avant qu'ils s'en emparent, encore plus pauvre. L'Afghanistan est maintenant classé par les Nations Unies comme le cinquième pays le moins avancé du monde, perdant une place par rapport à 2004. Au moins la moitié de l'économie repose de nouveau sur la production de l'opium. En d'autres termes, l'Afghanistan est maintenant une économie de monoculture, avec deux plaies qui s'additionnent, une addiction à l'héroïne qui grimpe en flèche et le sida. Bien sûr, tout comme dans les autres États clients des États-Unis, tels la Colombie et le Mexique, des personnalités importantes du gouvernement afghan profitent beaucoup du trafic de drogue, tandis que les efforts américains pour éradiquer la drogue ne sont qu'une couverture pour mener la guerre non seulement contre les insurgés, mais surtout contre l'ensemble de la population. L'autre moteur économique principal est le commerce des armes, étant donné l'énorme présence militaire dans le pays.

Il n'y a aucune aide pour la population. Washington dépense environ 36 milliards de dollars par an pour cette guerre. Seuls cinq centimes par dollar sont actuellement réservés à l'aide et c'est à peine un centime qui arrive jusqu'à la population, alors que 40 % de cette aide sont absorbés par les profits et les salaires. C'est pourquoi la plupart des gens ne voient dans les organisations d'aide qu'un mécanisme pour obtenir de l'argent qui ne sert qu'à payer leur propre fonctionnement.

Kaboul elle-même est dans un état lamentable. Il y a l'électricité et l'eau courante au centre de la ville où résident le gouvernement, les bureaux des autorités militaires américaines et internationales et diverses organisations d'aide avec les habitations et les commerces pour leur personnel. Mais les Afghans pauvres vivent dans des cages à lapins délabrées, sans électricité et souvent sans accès à l'eau potable. Kaboul, ville construite pour 800 000 personnes, en abrite maintenant plus de quatre millions, pour la plupart entassées dans des constructions de fortune et dans des taudis de squatters. Il y a d'énormes cratères de bombes dus à des décennies de guerre.

Les conditions de vie sont déplorables. On estime le chômage à 80 % dans certaines parties du pays. Plus de 42 % de la population afghane vit dans une extrême pauvreté et le revenu moyen d'une famille afghane est d'environ 10 dollars par mois. Étant donné la hausse vertigineuse des prix de la nourriture et du pétrole cette année, la moitié de la population est incapable d'acheter la nourriture nécessaire pour garantir un niveau de santé minimum, selon l'institut Brookings. On rapporte que des parents vendent leurs enfants simplement pour joindre les deux bouts. Au printemps dernier, dans un district d'une province du Sud, les choses allaient si mal que les villageois ont commencé à manger de l'herbe. Oxfam a prévenu que cet hiver la faim pourrait tuer jusqu'à 80 % de la population dans certaines provinces du nord frappées d'une très sévère sécheresse.

La situation des femmes est particulièrement terrible. Après la Sierra Leone, l'Afghanistan a le plus haut taux de mortalité maternelle du monde.

Pris au piège

Habituellement, la presse explique le renforcement des talibans par l'aide étrangère - des djihadistes étrangers, de leurs soutiens au Pakistan et dans d'autres pays - et leur implication dans le commerce de l'opium. Néanmoins, ces facteurs seuls n'auraient pu faire des talibans autre chose que des pillards transfrontaliers. La guerre américaine, la répression et les conditions économiques et sociales absolument barbares, voilà ce qui, plus que tout, a poussé la population afghane vers les talibans, renforçant le soutien qu'ils ont dans le pays.

Ce renforcement se traduit aussi dans le fait que l'insurrection talibane attire cette catégorie de seigneurs de guerre qui ont une longue histoire de changement de camp dans leur quête du pouvoir. Cela inclut les forces de Gulbuddin Hekmatyar et de Jalaluddin Haqqani, et de son fils Sirajuddin. Hekmatyar, par exemple, est un ancien favori de la CIA. Quand il a perdu le pouvoir au début des années quatre-vingt-dix, il a bombardé la ville de Kaboul pendant quatre ans.

En d'autres termes, la population afghane est prise au piège, entre la dictature de l'impérialisme américain, avec le gouvernement vénal et corrompu de Karzaï, et les talibans, qui sans aucun doute imposeraient la même sorte de régime despotique qu'auparavant.

Une guerre qui s'étend

En intensifiant la guerre en Afghanistan, les militaires américains ont traversé la poreuse frontière vers les zones tribales du Pakistan voisin. Leurs attaques contre les zones tribales ont commencé par des attaques aériennes avec des hélicoptères, des missiles, des avions et des drones. Cet été, des unités de commando américaines ont organisé au Pakistan des raids et des assassinats. En juillet, l'administration Bush a confirmé qu'elle avait donné le feu vert à l'armée pour entrer au Pakistan.

Avec l'utilisation par l'impérialisme américain des mêmes méthodes au Pakistan qu'en Afghanistan, on risque d'obtenir le même résultat. En assassinant des civils, en leur infligeant la destruction gratuite de leurs villages, en en forçant des centaines de milliers d'entre eux à devenir des réfugiés, les incursions impérialistes américaines au Pakistan ne peuvent que provoquer plus de haine. Au lieu d'affaiblir l'insurrection, l'impérialisme américain risque fort de la propager - tout d'abord dans les zones tribales à la frontière de l'Afghanistan, puis dans d'autres régions du Pakistan.

Le Pakistan est déjà un baril de poudre. Le régime pakistanais despotique et corrompu, qui a été un des principaux bastions du soutien à l'impérialisme américain en Asie centrale pendant au moins les trois dernières décennies, est devenu de plus en plus parasitaire, imposant une pauvreté grandissante, une économie et des infrastructures en ruine à la grande masse des pauvres. Les attaques américaines sur les régions frontalières du Pakistan risquent de discréditer ce régime encore plus, rendant furieuses d'autres parties de la population, donc augmentant les risques d'une plus grande explosion sociale et d'une guerre plus importante au Pakistan, un pays de 170 millions d'habitants.

Cette extension de la guerre, de l'Irak à l'Afghanistan et à des parties du Pakistan, rappelle ce que les Américains ont fait, dans des circonstances historiques différentes, en Asie du Sud-est, il y a quarante ans. En poursuivant le Front de libération national vietnamien dans les pays voisins, le Laos et le Cambodge, l'impérialisme américain n'a fait que semer la guerre et la destruction.

Les États-unis ne sont pas au bout de leurs guerres au Moyen-Orient et en Asie centrale. Les guerres s'étendent. Tout comme la bourgeoisie américaine entraîne le monde dans la plus grande crise économique et financière depuis la Grande Dépression, elle alimente, au Moyen-Orient et en Asie centrale, une guerre régionale qui pourrait se généraliser.

15 octobre 2008