Europe de l’Est - Des États qui s’enfoncent dans la crise

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mai-juin 2009

Valse des gouvernements - en six semaines, trois pays d'Europe de l'Est, Lettonie, Hongrie et République tchèque, ont dû changer de gouvernement sans que des élections y soient pour rien... Affrontements de rue à Riga, en Lettonie, et à Sofia, en Bulgarie en janvier dernier ; ce même mois, manifestations massives réprimées par la police à Vilnius, en Lituanie, là aussi contre un plan d'austérité qui abaisse encore le niveau de vie des classes populaires... Brusque recul de la production et explosion du chômage de la Baltique à la mer Noire en passant par la plaine du Danube... Monnaies nationales de la région qui ont perdu de 20 à 40 %, voire plus pour le zloty polonais, de leur valeur par rapport à l'euro et au dollar en six mois... Et sur onze États qui, au mois d'avril, avaient déjà demandé une aide financière au Fonds monétaire international (FMI) pour faire face à la crise mondiale, près des trois quarts se situent au centre ou à l'est de l'Europe : Hongrie, Roumanie, Lettonie, Pologne, Serbie, Bosnie, Ukraine, Biélorussie...

En septembre 2008 encore, la plupart des analystes présentaient l'Europe centrale comme une zone en fort développement. La presse spécialisée parlait du petit « dragon slovaque » ou des « tigres de la Baltique » pour qualifier l'économie de l'Estonie, de la Lettonie et de la Lituanie. Mais depuis l'automne, leur ton a radicalement changé. La situation plus encore. Car l'Europe de l'Est a été atteinte de plein fouet par la crise, ce qui a provoqué l'entrée en récession brutale de sociétés qui, quoi que certains aient pu prétendre à l'époque, n'ont pas connu le développement qu'on leur avait promis après la chute du « mur de Berlin », en 1989. Ni après l'intégration de la plupart de ces États à l'Union européenne à partir de 2004.

La réintégration... dans de vieux rapports de forces

Sous le nom d'Europe de l'Est, on désigne une série de pays, situés en fait au centre du continent, qui, jusqu'à il y a vingt ans, avaient des régimes dits de Démocratie populaire ou assimilés. Habituellement, on leur adjoint l'Estonie, la Lettonie et la Lituanie, car les trois pays baltes sont les seuls États issus de la disparition de l'URSS, fin 1991, que l'Union européenne a pu intégrer.

Dans la suite de l'article, nous parlerons donc de ces pays-là. Mais sans oublier qu'entre la Russie, à l'est du continent, et l'Union européenne s'égrènent d'autres États issus de l'ex-URSS : Biélorussie, Ukraine, Moldavie. Voisins immédiats des pays d'Europe centrale et balkanique, ils partagent en partie leur sort puisque, eux aussi, ont dû solliciter des prêts du FMI : 2,5 milliards de dollars, pour la Biélorussie, en échange d'une dévaluation de 20 % du rouble biélorusse et d'une baisse des salaires ; 16,4 milliards de dollars, pour l'Ukraine, dont le versement est suspendu, les instances financières internationales sanctionnant ainsi l'incapacité des dirigeants ukrainiens à s'entendre afin d'imposer une politique d'austérité draconienne à la population. Mais, la situation de ces ex-républiques soviétiques reste toujours, pour l'essentiel, dominée par les contrecoups de la décomposition de l'URSS, ce qui les différencie notablement de leurs voisins d'Europe centrale.

S'agissant de cette dernière, une chose frappe d'emblée. Malgré toute la variété des pays qui la compose, ceux-ci ont en commun que, à peine la crise avait-elle franchi l'Atlantique à la fin de l'été 2008, elle s'y est fait sentir avec une violence que n'a pas, ou pas encore, connue le reste de l'Europe.

À la fin du 19e siècle on avait coutume de décrire la Turquie comme « l'homme malade de l'Europe ». En ce début de 21e siècle, en proie à la nouvelle crise du capitalisme, l'Europe centrale et orientale présente des symptômes bien plus graves que le reste du continent. Et cela pour une raison fondamentale : même désormais entrés dans « l'Europe » sur un pied d'égalité formelle avec les États d'Europe de l'Ouest, ceux de l'Est le sont en position subalterne car ils restent d'abord assujettis au grand capital international. Certes, cela se manifeste de diverses manières, et leur degré de dépendance à l'égard du capital financier occidental peut varier considérablement d'un État à l'autre. Mais, au-delà de ces différences, ces pays se trouvent tous dans un rapport de forces défavorable à l'échelle internationale qui, même si les formes en ont été renouvelées, n'est pas d'une autre nature que celui qui les soumettait aux puissances impérialistes, avant que la guerre froide ne fasse tomber sur eux un « rideau de fer ».

L'exemple du « petit dragon » slovaque

Car, depuis deux décennies que les pays d'Europe centrale et orientale ont complètement réintégré un monde dominé par la bourgeoisie impérialiste, ils n'ont pas vu s'ouvrir à eux un avenir de développement harmonieux. Et cela ne pouvait advenir, quoi qu'aient voulu faire croire les laudateurs professionnels du système capitaliste. D'ailleurs, plus poussée a été l'intégration de ces pays au marché mondial au fil des ans, plus ils se sont révélés vulnérables à la crise du système capitaliste. En témoigne le fait que deux d'entre eux, souvent donnés en exemple d'une intégration au marché réussie, la Hongrie et la Lettonie, ont été parmi les tout premiers que cette crise a poussés au bord de la faillite.

En fait, c'est bien avant celle-ci que les peuples d'Europe de l'Est ont commencé à payer au prix fort la réintégration dans le giron de l'impérialisme. Dès le début des années quatre-vingt-dix, les grands groupes industriels, commerciaux et bancaires occidentaux se sont taillé la part du lion dans des économies qui leur étaient désormais grand ouvertes. Ils ont liquidé des entreprises locales pas assez profitables au regard de ce que pouvaient en attendre des actionnaires, notamment dans la grande industrie, l'industrie minière et les chantiers navals. Quand ils n'ont pas pu les racheter pour une bouchée de pain, avec la complicité rémunérée de dirigeants locaux, ils ont aussi fait fermer des entreprises qui auraient pu leur faire concurrence. Dans la banque, l'assurance, secteurs les plus immédiatement profitables car ne requérant pas de grands investissements, le capital occidental, en particulier allemand, français, britannique ou autrichien, est ainsi rapidement devenu hégémonique. Même chose dans la grande distribution pour les Auchan, Carrefour, Intermarchés et leurs homologues allemands. Dans l'industrie automobile, Renault, PSA, Volkswagen, Suzuki, le sud-coréen KIA et quelques autres ont fait main-basse sur des constructeurs locaux (le roumain Dacia, le tchèque Skoda...), ont repris leurs usines ou en ont créé en Slovénie, République tchèque, Slovaquie, Roumanie, Hongrie afin de bénéficier d'une main-d'œuvre qualifiée et peu chère en même temps que de sites de production proches des marchés ouest-européens.

Et, tandis que les travailleurs d'Europe de l'Est voyaient de grands groupes capitalistes occidentaux s'emparer d'une partie de leur économie, ils ont dû se réhabituer au chômage. Du moins pour les générations âgées ou intermédiaires, car les jeunes, eux, sont nés à la vie active avec la crainte de ne pas trouver d'emploi, ou de le perdre.

Décrivant la situation d'une petite ville industrielle du sud de la Slovaquie, le journal Sme (« Nous ») soulignait récemment : « Depuis (...) la restructuration minière de la fin des années quatre-vingt-dix (...), le chômage n'y est jamais descendu en dessous-de 25 %. La dernière usine de magnésite licencie. Bientôt, un habitant sur trois en âge de travailler sera sans emploi ».

La Slovaquie, qui a adopté l'euro le 1er janvier 2009, a les salaires les plus bas de la zone euro. Le montant du salaire moyen local (600 euros) est quatre fois moindre que dans l'Autriche toute proche ou qu'en Allemagne. Mais les prix de nombre de produits de consommation courante y sont presque les mêmes que dans ces pays. Car la Slovaquie importe une grande part de ce qu'elle consomme, ses gouvernements successifs ayant, pour attirer les investissements étrangers, tout misé sur les industries d'exportation et d'abord sur l'automobile. C'est ainsi que la Slovaquie est devenue le premier producteur automobile mondial par habitant, avec un million de véhicules pour 5,4 millions d'habitants. Cela a comme conséquence que le chômage et la baisse des salaires y ont frappé largement dès qu'un ralentissement de la demande mondiale d'automobiles s'est fait sentir. Les constructeurs étrangers, qui représentent le tiers des exportations du pays, ont aussitôt réduit les horaires et comprimé les effectifs. Plus de 100 000 emplois ont ainsi disparu depuis l'automne. Tandis qu'à l'échelle du pays, toutes industries confondues, début 2009, la production s'était effondrée presque de moitié, le chômage, qui était déjà de 12 % en moyenne nationale en 2008, atteint maintenant 15 %. Et les grands groupes, pour lesquels les autorités ont transformé la Slovaquie en paradis (bas salaires, main-d'œuvre qualifiée, impôt unique à 19 %), mettent à profit la crise actuelle pour obtenir de nouveaux avantages : en menaçant de partir en Chine, en Bosnie ; en faisant du chantage aux licenciements. Ainsi, le premier employeur du pays, US Steel, qui bénéficiait déjà d'exemptions de taxes, sera exonéré de cotisations sociales, une mesure que le gouvernement de Robert Fico (dirigeant du Smer, parti social-démocrate issu de l'ancien parti dit communiste) pourrait étendre aux autres employeurs étrangers dans le pays !

Le retour du « plombier polonais »

Voilà comment, avec la complicité des gouvernants locaux, une poignée de grands trusts ont, en quelques années, entrepris de façonner ce pays au gré de leurs seuls besoins. Ils l'ont voué à une quasi-monoproduction d'exportation, tandis que les autres secteurs de l'économie, et de la population, étaient laissés à l'abandon. Car, pour accueillir cette industrie qu'il présentait sous des couleurs porteuses d'avenir, l'État slovaque a, comme ses homologues en pareille occurrence, consacré une grosse part de ses revenus, multipliant les passe-droit, les exonérations de charges, les baisses d'impôts. Il s'est aussi lourdement endetté pour mettre les infrastructures du pays aux normes nécessaires aux trusts internationaux.Tout cet argent a, peut-être, permis d'assurer des emplois un peu moins mal payés à une partie de la classe ouvrière. Mais il a certainement fait défaut, ailleurs, pour assurer des dépenses publiques qui auraient été utiles à toute la population. Et puis, même si une minorité de travailleurs a ainsi eu le « droit » d'aller suer des profits pour de grands groupes occidentaux affichant des taux de croissance record, et des bénéfices en proportion, ces mêmes travailleurs risquent aujourd'hui de se retrouver floués, car sans emploi ni salaire. Et ce n'est pas le souvenir de ce passé révolu qui peut les consoler de la réalité présente !

Mais cela n'empêche pas qu'il se trouve des commentateurs, autre nom pour « défenseurs de ce système », pour affirmer que la Slovaquie serait, avec la République tchèque ou la Pologne, mieux placée que certains de ses voisins pour traverser la crise ! C'est une sinistre plaisanterie.

En fait, la situation des travailleurs slovaques n'a rien de bien particulier en Europe centrale. Récemment, on a vu à la télévision française un reportage montrant d'anciens ouvriers des verreries de Bohême, maintenant fermées, expliquer que le chômage avait frappé à mort leur ville et leur région. Et que sont devenus les ouvriers polonais de la Baltique, eux qui, après avoir précipité la chute du régime du général Jaruzelski, ont vu leurs chantiers navals fermer les uns après les autres ? Il y a aussi ces chômeurs, polonais ou baltes, dont la télévision d'ici a montré comment, pour survivre, certains en étaient réduits à aller extraire un maigre minerai, avec des moyens de fortune, dans des galeries de mines abandonnées où, régulièrement, certains trouvaient la mort.

Et, bien sûr, il y a le « plombier polonais », dont on agitait, hier, le spectre de l'arrivée massive dans nos contrées. Eh bien, il est comme ses frères et sœurs, mineurs ou instituteurs, infirmières ou ouvrières, venus de Pologne, Roumanie, ex-Yougoslavie : en Europe de l'Ouest, où ils avaient cru trouver un emploi, ils figurent souvent parmi les premiers licenciés dans le bâtiment, les services, l'agriculture, etc. Beaucoup de ces travailleurs de l'Est, précarisés et surexploités à l'Ouest, ont dû repartir encore plus vite vers leur pays d'origine qu'ils n'avaient pu en venir. Ils y ont retrouvé une situation de l'emploi encore plus dramatique, si possible, qu'avant leur départ. En témoigne à sa façon le fait que, pour motiver sa demande de 3 milliards au FMI, la Serbie a avancé, outre la nécessité de soutenir sa monnaie, son incapacité à faire face au retour de nombreux émigrés qui ont perdu leur emploi à l'Ouest et n'ont aucune perspective d'en trouver un autre en Serbie.

Du « rideau de fer » au mur d'égoïsme des intérêts des puissances impérialistes

Fin février, lors d'une réunion à Varsovie consacrée à la crise, la Banque mondiale avait, en termes diplomatiquement prudents, recommandé que, vis-à-vis notamment de l'Europe de l'Est, « les politiques de relance des pays industrialisés (soient) utilisées pour encourager la production de manière très large, pas dans un sens étroitement nationaliste ». Un avis qui n'engage à rien. Et certainement pas les pays industrialisés à modifier leur politique. Aussi, début mars, lors du sommet européen des 27 à Bruxelles, face à l'attitude protectionniste des puissances ouest-européennes, le Premier ministre hongrois d'alors, Ferenc Gyur-csany, avait déclaré à son tour : « Nous ne pouvons pas permettre qu'un nouveau rideau de fer divise l'Europe, vingt ans après la chute » du « mur de Berlin ». Il se faisait en quelque sorte le porte-parole de sept pays est-européens qui, tentant de présenter un front commun face aux États nantis, réclamaient un plan Marshall-bis pour leur région. Ils demandaient 190 milliards d'euros. L'Union européenne ne leur accorda qu'un doublement, à 50 milliards, de ses prêts d'urgence, d'ailleurs souvent déjà accordés ou à l'étude, et la promesse qu'elle augmenterait sa dotation au FMI pour qu'il soutienne les PECO (pays d'Europe centrale et orientale).

Au terme de ce sommet, on estime que ces pays pourraient voir 24,5 milliards d'euros débloqués sur deux ans par la Berd (la Banque européenne pour la reconstruction et le développement), la Banque mondiale et la BEI (la Banque européenne d'investissement, destinée comme la Berd à faciliter l'assimilation des ex-« Démocraties populaires »).

Une « aide » à l'Europe centrale fort limitée, ne serait-ce que quand on la rapporte aux centaines de milliards versés rien que par la France pour soutenir les profits de ses banquiers. Et surtout, une « aide » qui n'a, elle, rien d'un cadeau. Car non seulement elle n'ira guère, sinon pas du tout, aux peuples des pays destinataires, mais ceux-ci vont devoir la rembourser sous forme de nouveaux et massifs sacrifices sociaux.

Des pays sous perfusion financière intéressée

Dès l'automne 2008, la Hongrie et l'Ukraine avaient appelé à l'aide le FMI (Fonds monétaire international), la Banque mondiale et l'Union européenne. Plusieurs autres pays ont suivi depuis. Même la Pologne, dont l'OCDE affirme qu'elle serait un des rares pays d'Europe dont le produit intérieur brut (PIB) ne devrait pas régresser en 2009, vient de réclamer « une ligne de crédit » de 20 milliards de dollars. Son ministre des Finances, Rostowski, a déclaré que, à la différence des États voisins, il ne sollicitait pas un prêt d'urgence, mais voulait « immuniser l'économie polonaise contre le virus de la crise et des attaques spéculatives ». Et d'ajouter que cela permettrait de « renforcer le rôle de la Pologne en tant que pilier de stabilité (afin que son économie) puisse aider à stabiliser d'autres économies dans la région ».

Il suffit d'y croire ! En tout cas, le FMI, en la personne de son secrétaire général, Dominique Strauss-Kahn, a applaudi à cette profession de foi. Il est vrai que face aux développements de la crise, les milieux dirigeants des grandes puissances aimeraient avoir à quoi se raccrocher, à défaut de pouvoir cacher leur inquiétude grandissante.

Ainsi, à l'automne dernier, quand le FMI, l'Union européenne et la Banque mondiale décidèrent d'accorder 25 milliards d'euros à la Hongrie, le Financial Times, considéré comme un des quotidiens de référence des milieux d'affaires internationaux, avait expliqué qu'il s'agissait « d'empêcher que la panique sur les marchés (...) ne s'étende au reste de l'Europe de l'Est ». Cela a eu l'efficacité que l'on sait : en quelques mois, c'est peu ou prou toute cette partie du continent qui s'est trouvé ébranlée, pas seulement la Pologne et la République tchèque que ce journal disait « vulnérables à la contagion ».

L'Estonie, l'État balte le plus développé économiquement et le plus riche, n'avait-elle pas proposé de s'associer aux bailleurs de fonds internationaux pour venir au secours de la Lettonie voisine, lourdement endettée comme toutes ses cousines baltes ? Eh bien, alors que le PIB de l'Estonie a cru au rythme de 8 % ces dernières années, son gouvernement prévoit maintenant un recul du PIB de 8,5 % en 2009 (prévision pour prévision, rappelons que celle qui concerne le PIB des grandes puissances d'Europe de l'Ouest est d'une ampleur trois à quatre fois moindre). Et dès janvier, l'organisme de statistiques de l'Union européenne, annonçait que le taux de chômage de l'Estonie avait atteint 12 %. Quant aux autres ex-« tigres de la Baltique », la récession devrait, selon des estimations officielles, être cette année de 12 % en Lettonie (après une moyenne de 9 % de croissance entre 2000 et 2007) et de 10,5 % en Lituanie, contre une croissance de 3,5 % en 2008.

Bien moins endettée que les pays baltes, la Roumanie a pourtant dû réclamer un prêt de 20 milliards au FMI, à la Banque mondiale et à l'Union européenne. Cet apport d'argent frais serait destiné, selon le FMI, à « limiter les effets d'une forte chute des flux de capitaux, tout en réduisant les déficits extérieur et fiscal ».

Dans un langage enrobé, on a là la raison de ces prêts importants et répétés à destination de l'Europe de l'Est. Car, pour les milieux financiers internationaux, elle est d'abord vue comme le support de « flux de capitaux ». En clair, comme une région qui a, ces derniers temps, attiré des capitaux en mal de rendements élevés. Des profits que ne pouvaient plus forcément assurer les pays développés d'Occident, mais que garantissaient, en Europe de l'Est, le bas niveau des salaires, la politique de « flat tax » des États de la région, autrement dit leur dumping fiscal à destination des grands groupes étrangers, et des politiques sociales a minima assurant un fonctionnement de l'État à moindre coût pour les capitaux et leurs détenteurs.

Spéculations monétaires et crédits en euros

Aujourd'hui, il est fréquent de voir incriminer, dans la presse spécialisée, une prétendue fièvre de consommation à laquelle aurait cédé l'Europe de l'Est. Cela, nous dit-on, aurait précipité ses pays et leurs populations dans le surendettement, et considérablement aggravé les effets de la crise mondiale pour eux.

Dans cette « explication », le mépris le dispute au tendancieux. D'abord, de quelle « fièvre dépensière », pour reprendre l'expression appliquée à la Roumanie par une agence de presse, auraient pu être atteints ses travailleurs dont les salaires sont cinq ou six fois plus bas qu'ici ! Et encore, quand ils ont un emploi.

Quant au surendettement, parlons-en. Dans certains pays du centre de l'Europe ou de la Baltique, et d'abord parmi les plus développés d'entre eux, l'arrivée d'investissements étrangers, l'accélération de l'activité économique que ce flux de capitaux a provoquée, ont permis à de larges couches de la petite bourgeoisie, parfois même à des familles ouvrières, d'envisager sans crainte de s'endetter.

Après tout, les salaires, l'emploi semblaient être sur une pente ascendante durable. En tout cas, on voulait le croire. D'autant plus que les gouvernements, la presse, les autorités européennes n'en finissaient pas de vanter le dynamisme des petits « dragons » et autres « tigres ». En outre, les banques occidentales qui avaient pris pied dans ces pays s'y livraient une guerre acharnée pour les parts de marché : pour capter de nouveaux clients, c'était à qui offrirait les conditions les plus attractives. Et elles pouvaient le paraître. Les crédits, proposés largement car les banques en faisaient leur miel, étaient le plus souvent libellés en euros ou en dollars. Il s'agissait des devises de grandes puissances. Elles inspiraient donc confiance, en tout cas bien plus que les monnaies locales. Car la couronne tchèque ou son homologue slovaque, le zloty polonais ou encore le forint hongrois, etc., n'étaient chacun adossés qu'à de petits États, bien faibles économiquement, et plus faibles encore d'un point de vue monétaire. En effet, l'existence même de devises différentes dans cette mosaïque d'États petits ou moyens qui constituent l'Europe de l'Est faisait de chacun une proie tentante pour les spéculateurs. Spéculer en jouant sur les variations de taux de change entre ces devises nationales, ou entre certaines d'entre elles et des poids lourds monétaires comme le dollar et l'euro, cela pouvait rapporter. Cela a rapporté gros, pendant des années, à des banquiers, locaux ou non, à des fonds d'investissements internationaux, à des requins de la finance mondiale comme Soros... Et cela continue de plus belle avec l'envolée de la crise : en tout cas, le brusque effondrement de la valeur du dinar serbe, du zloty polonais, du forint hongrois et de quelques autres est dû au moins autant à l'activité débridée des spéculateurs qu'au recul des économies régionales.

Face à la vulnérabilité de leurs monnaies, il ne faut pas s'étonner que les emprunteurs baltes ou centre-européens aient souscrit, pour autant que les banquiers leur en laissaient le choix, des crédits en devises dites fortes. D'autant plus qu'au temps du crédit bon marché en Occident, emprunter en euros pouvait apparaître plus avantageux que prendre un crédit en monnaie nationale. Résultat, plus de 60 % de l'endettement privé et public hongrois actuel serait en euros ou en dollars. Ce ratio monte à près de 90 % en Lettonie et frise même les 100 % en Estonie !

Évidemment, avec le brusque revirement de la conjoncture économique, cela a immédiatement tourné à la catastrophe. Comment rembourser, en euros, quand son salaire - pour autant qu'on n'ait pas aussi perdu son emploi - est versé en forints ou en couronnes fortement dévalués ? Et cela d'autant plus que la quasi-totalité des crédits consentis par les banques l'étaient à taux révisable, et que le montant nominal des échéances s'envole au rythme d'une inflation qui flambe dans tous les pays d'Europe de l'Est !

Sous couvert d'aide à l'europe de l'est, le soutien aux banques et firmes des états impérialistes

Pendant des années, les propriétaires de capitaux étrangers n'ont vu dans cet endettement que des motifs de se frotter les mains. Cela dopait la demande dans des secteurs souvent sous leur contrôle : commerce, construction, immobilier, équipements domestiques, appareillages ménagers... Et surtout, les banques y trouvaient largement leur compte en finançant ce que, après l'avoir porté aux nues hier comme un moteur de l'expansion en Europe centrale, les mêmes qualifient aujourd'hui de « frénésie d'achat » immodérée.

Ce n'est évidemment pas un hasard si, à la veille du sommet européen de Bruxelles consacré à la situation en Europe de l'Est, Thomas Mirow, ancien secrétaire d'État allemand aux Finances ayant accédé à la présidence de la Berd, a déclaré qu'il « faut tout faire pour éviter une faillite bancaire en Europe centrale ». Outre les conséquences imprévisibles que cela aurait dans ces pays mêmes, et le chaos économique et social qui pourrait s'en suivre, une telle faillite entraînerait, comme dans un jeu de dominos, celle de pans entiers du système bancaire ouest-européen.

On en a une petite idée quand un des deux plus grands quotidiens viennois, Die Presse, évalue à 200 milliards d'euros le montant des crédits accordés en Europe de l'Est par les seules banques autrichiennes. Et quand on sait qu'un tel montant de dettes cumulées représente près des deux tiers du PIB autrichien, on ne s'étonne pas que ce quotidien affirme : « Les difficultés de l'Europe de l'Est pourraient faire sombrer l'Autriche ». En fait, il est probable que d'autres États impérialistes, notamment ouest-européens, en seraient fortement ébranlés, eux et leurs banques, parce qu'ils ont le quasi-monopole du crédit en Europe de l'Est.

Alors, depuis que, dans ces pays, la récession fait s'effondrer les revenus même de la « classe moyenne », où les banques étaient allées chercher leurs clients et leurs profits, les banquiers crient : au secours.

Le FMI, toujours soucieux de mettre de l'huile dans les rouages d'un système de plus en plus grippé, recommande maintenant à l'Union européenne, si tant est qu'elle n'y ait pas pensé par elle-même, d'assouplir les critères d'admission dans la zone euro. L'objectif déclaré est de porter un coup d'arrêt à la spéculation sur les devises qui, faisant rage depuis des mois dans la plupart des pays d'Europe de l'Est, entrave la bonne marche des affaires des capitalistes, industriels, banquiers ou commerçants.

Car ce sont leurs intérêts, et eux seuls, qui motivent cet éventuel assouplissement. Les pays qui pourraient en « bénéficier » ont réagi de façons diverses. Si le Premier ministre lituanien s'est dit favorable à une telle éventualité, son homologue et voisin letton l'a rejetée. Après tout, quand on se voulait « tigre », on ne se sent guère flatté de se voir ravaler au niveau du Montenegro ou du Kosovo, ces États incertains aux finances si mal assurées qu'ils ont adopté l'euro comme monnaie, mais sans que les États de la zone euro fassent même semblant de les admettre dans leur « club » fermé.

Bien sûr, pour les pays d'Europe de l'Est qui seraient, si cela se fait, autorisés à adopter l'euro, ce changement pourrait les mettre, un peu, à l'abri de la spéculation monétaire. Ainsi, la Bulgarie qui a, dès 1997, arrimé sa monnaie, le lev, au mark allemand, puis à l'euro, n'a, depuis, pas subi de soubresauts monétaires comparables à ceux de ses voisins. Et cela est encore plus vrai pour la Slovénie et la Slovaquie, les deux seuls États de la région à avoir été admis, tout récemment, dans la zone euro.

Mais disposer de la « monnaie unique » européenne ne règle pas tous les problèmes monétaires, loin de là. D'abord, cela n'empêche pas les prix de flamber, y compris - on l'a vu dans le cas slovaque - d'être plus élevés que dans des voisins plus riches de l'« euroland ». Car le fait de disposer de billets et de pièces en euros, émis par la même Banque centrale européenne, ne signifie pas que ces mêmes euros auraient une valeur identique aux yeux des commerçants, des banquiers et des spéculateurs, indépendamment de qui les détient et du pays dans lequel se trouve l'acheteur ou l'emprunteur.

L'Allemagne, l'Irlande et la Grèce ont toutes l'euro pour monnaie. Mais on sait que quand un spéculateur international prête à l'Irlande ou à la Grèce aujourd'hui, le taux de son crédit est de plusieurs points plus élevé que le même crédit, libellé dans les mêmes euros, mais destiné à l'Allemagne. Et l'écart est encore plus grand s'agissant de la Slovénie ou de la Slovaquie. Certes, au regard de leurs voisins d'Europe de l'Est, ces deux petits derniers arrivés de la zone euro peuvent faire figure de privilégiés. Mais ils ne le sont certainement pas aux yeux des grandes puissances qui dominent le continent.

En attendant que celles-ci décident - car c'est elles qui en ont le pouvoir, et elles seules - de prendre, ou pas, une mesure d'assouplissement des critères d'adhésion à l'euro pour l'Europe de l'Est, les banquiers occidentaux ont pris les devants. Sur place, plus qu'ici encore, ils ont resserré le robinet du crédit pour se prémunir. Et, à la demande de leurs maisons-mères, situées en Europe de l'Ouest ou aux États-Unis, qui sont toujours en manque d'argent frais malgré les injections massives de leurs États, ils ont rapatrié une grande partie des fonds jusqu'alors domiciliés en Europe de l'Est. Une réaction qui a encore aggravé la récession dans toute la région, en provoquant ce que les économistes appellent un « credit crunch », autrement dit un assèchement des possibilités, pour les particuliers et les entreprises, de se procurer des crédits, ce qui a eu comme résultat quasi instantané et d'en augmenter considérablement le coût, et d'accroître encore le ralentissement des économies locales.

Mais qu'importe aux banquiers occidentaux d'aggraver ainsi les conséquences d'une crise qu'ils ont largement contribué à provoquer, puisque les institutions financières internationales et l'Union européenne sont là pour déverser des flots de crédits sur la région dans le but avoué d'éviter une faillite bancaire généralisée et d'aider les grands groupes occidentaux à y préserver leurs profits ! Et, de toute façon, ce sont aux peuples de la région que les uns et les autres entendent bien présenter l'addition.

Un « véritable massacre » social

Car les contreparties de ces refinancements internationaux seront dramatiques pour les populations. Elles le sont déjà. Ainsi, fin 2008, quand le FMI, l'Union européenne et la Suède (dont les groupes financiers ont mis la main sur des pans entiers des économies baltes) ont octroyé 7,5 milliards d'euros à la Lettonie, c'était pour épargner les contrecoups de la crise non pas aux 2,3 millions d'habitants de ce petit pays, mais aux entreprises occidentales qui s'y étaient installées. Et les bailleurs de fonds internationaux ont sommé le gouvernement letton d'imposer leurs conditions à sa population : un déficit public ramené à 5,3 % du PIB, de fortes hausses d'impôts, des coupes dans les dépenses de l'État, une baisse du salaire, en particulier des fonctionnaires. Cela alors que l'inflation s'envole, et le chômage plus encore : en janvier, il frappait déjà 9,5 % de la population active (en progression de 150 % sur un an dans certaines régions !) et les autorités disent s'attendre à ce qu'il atteigne 15 % d'ici la fin de l'année.

C'est le rejet de cette politique d'austérité renforcée qui a entraîné de violentes manifestations à Riga, la capitale lettone, en janvier dernier. Puis, en février, le renversement du gouvernement d'Ivars Godmanis, mis en minorité au Parlement sur la question du salaire des fonctionnaires. Le gouvernement de coalition qui l'a remplacé, dirigé par Valdis Dombrovskis, a aussitôt exigé de ses ministres qu'ils révisent leur budget à la baisse de 20, 30, 40 %. Déjà, on a dû fermer des écoles élémentaires, des services hospitaliers. On a réduit de 15 % le salaire des fonctionnaires ; dans le privé, la baisse des salaires atteint couramment 30 %... La petite bourgeoisie, qui avait été incitée par le relatif boom économique, et par les banques, à contracter des emprunts en devises pour acheter des logements, des automobiles et d'autres biens de consommation, se trouve maintenant prise à la gorge du fait de l'effondrement de la monnaie locale face à l'euro et au dollar. D'autant plus que, dans le même temps, les revenus de cette petite bourgeoisie ont souvent suivi le recul de l'activité dans la sphère des services, particulièrement dans le commerce de détail, le pouvoir d'achat de la population travailleuse s'étant effondré.

Ce recul généralisé du niveau de vie de la population, il faut le croire, ne suffit toujours pas aux bailleurs de fonds internationaux. Ils escomptent bien que l'État letton saura trouver les moyens de transférer encore plus de valeur de la poche même de ceux qui n'ont plus grand-chose vers les coffres-forts des banquiers et prêteurs-spéculateurs internationaux. Ils viennent donc de geler la seconde tranche de leur crédit, en exigeant, pour son déblocage, que d'ici au mois de juin l'actuel gouvernement intensifie ses attaques contre le niveau de vie de toute la population !

En Hongrie, on a un autre exemple de la façon dont les classes dirigeantes agissent en huissiers du grand capital pour faire payer les frais de la crise à la population.

Il y a quelques semaines, le Premier ministre hongrois, Ferenc Gyurcsany, a démissionné de son poste, en déclarant se considérer comme « un obstacle à la majorité parlementaire nécessaire pour la mise en œuvre des réformes ». En fait de « réformes », Gyurcsany, a acquis, en quelques années d'exercice du pouvoir, une solide réputation de « père la rigueur ». À la tête du gouvernement pendant cinq ans, il s'est employé à réduire les déficits publics en présentant l'addition à la population. Mais, depuis des mois, la crise frappe la Hongrie de plein fouet et, cet automne, elle n'a évité un effondrement financier que grâce à 25 milliards d'euros de prêts d'urgence du FMI et de l'Union européenne.

Évidemment, les prêteurs et, derrière eux, les grandes puissances ont exigé en échange un renforcement des attaques contre le niveau de vie des classes populaires hongroises. « La livre de chair » qu'exigent en remboursement les Shylock modernes, c'est dans la chair des peuples que les États vont la tailler.

Ainsi, Gyurcsany a fait baisser les salaires des fonctionnaires et annoncé le report de l'âge de la retraite de 62 à 65 ans ; une hausse de la TVA, donc des impôts sur la consommation populaire ; des « réformes » de l'éducation, de la santé, de la sécurité sociale, autrement dit des coupes claires dans les services publics.

Ce programme, il l'avait déjà entamé sans état d'âme, ce pourquoi, sans doute, les dirigeants du parti social-démocrate l'avaient réélu à leur tête. Mais, en même temps, devant l'ampleur des attaques que cela implique contre la population laborieuse, déjà frappée par le chômage et l'inflation, Gyurcsany a préféré s'effacer derrière un gouvernement prétendument technique, dont les dirigeants hongrois escomptent que, étant moins discrédité politiquement, il sera plus à même de désarmer le mécontentement populaire. Son successeur, Gordon Bajnai, homme d'affaires et ancien ministre de l'Économie, a annoncé la couleur, déclarant : « Je dois prévenir tout le monde, mon programme va faire mal ». Et ce n'est pas peu dire ! Il a d'ores et déjà programmé 1 000 milliards de forints (3,3 milliards d'euros) de coupes dans les budgets de fonctionnement des services publics, dans les budgets sociaux (avec la suppression d'allocations sociales ou familiales), de réduction brutale des retraites, des salaires (notamment avec la suppression du 13ème mois pour les fonctionnaires...). Un ensemble d'attaques contre le niveau de vie de la population, en particulier des couches sociales laborieuses, que le Heti Vilaggazdasag (« L'hebdomadaire de l'économie mondiale ») a pu qualifier, à bon droit, de « véritable massacre ».

Des « problèmes énormes »

Il a suffi de quelques mois pour que cette Europe de l'Est que certains dépeignaient comme une zone en forte expansion, promise à un bel avenir, sinon à la prospérité, s'enfonce dans la crise et pour que certains de ses États se retrouvent brusquement au bord de la cessation de paiement. Même ceux de ces pays qui étaient le moins intégrés au marché mondial, dans les Balkans par exemple, en font les frais. Certes, parler de crise bancaire peut sembler plus abstrait à Sofia ou Bucarest, capitales de pays dont à peine la moitié des adultes possède un compte courant, qu'à Budapest ou à Riga. Mais, malgré cela, même la Bulgarie et la Roumanie ont été brutalement atteintes par les contrecoups d'une crise multiforme : crise de la construction, du tourisme - gros pourvoyeur de devises - et bien sûr de la production automobile - en Roumanie, avec Dacia-Renault, où la production du secteur avait chuté de 64 % au début de l'année, provoquant des licenciements massifs. Et même si, depuis, les effets des diverses « primes à la casse » en Allemagne, en France, etc., ont quelque peu relancé la production en Roumanie, pour combien de temps encore ?

« De Varsovie à Bucarest, écrivait Le Figaro fin 2008, les suspensions de production se sont déjà multipliées ». Depuis, la situation n'a fait qu'empirer, avec un effondrement consécutif du niveau de vie des populations. Ce n'est bien sûr pas de cela que parlait le Premier ministre britannique, Gordon Brown, quand il a affirmé que c'est toute l'Europe centrale qui, du fait de la crise mondiale, souffrait de « problèmes énormes ». Les problèmes qui préoccupent les dirigeants français, britanniques, allemands et autres, ce sont ceux de leurs banquiers et capitalistes qui voyaient dans ces pays « une destination attrayante pour les investissements étrangers, les industriels bénéficiant de solides taux de croissance », pour reprendre la formulation d'une publication économique, et qu'effraie maintenant « une économie plombée par une dette croissante ».

Leur Europe ou la nôtre, celle des travailleurs

Alors, tandis que toute une partie du continent européen risque de partir à la dérive, les instances européennes et nationales des grandes puissances parent à ce qui est, pour elles, l'urgence : à grand renfort de crédits, elles cherchent à maintenir à flots les profits de leurs capitalistes ayant des intérêts en Europe de l'Est. Et, dans le même temps, elles exercent des pressions accrues sur les gouvernants locaux pour qu'ils fassent payer à leurs peuples et la crise et les dividendes qu'exigent, ici, les actionnaires d'entreprises ayant pris pied en Europe de l'Est, ou les bailleurs privés qui trouvent leur intérêt à prêter aux États de la région.

En retour, les dirigeants locaux d'Europe centrale et orientale, chargés de la plus sale besogne, risquent de chercher à se dédouaner en rejetant la faute sur l'étranger. D'ores et déjà, on entend, comme en Lettonie, les autorités en appeler à la défense de la monnaie et de la production nationales contre la concurrence étrangère. Et cela encore n'est rien, si l'on peut dire, comparé au terreau fétide qui s'accumule dans certains pays, celui de la xénophobie à l'encontre des Roms en Slovaquie, en Hongrie, en République tchèque ; de la forte minorité hongroise en Slovaquie ; de la minorité turque en Bulgarie.... Un registre dont jouent de plus en plus les autorités, car elles voient dans l'« ethnisation » des problèmes économiques et sociaux un exutoire à la colère des populations, un leurre destiné à détourner les travailleurs d'une lutte d'ensemble, sur un terrain de classe, contre les véritables responsables de la misère dans laquelle on voudrait les enfoncer. Et les dirigeants des pays de l'Est sont d'autant moins enclins à faire preuve de retenue que les sommets de l'Union européenne n'en ont cure, pourvu qu'ils fassent payer leurs populations, et que, dans divers pays, l'extrême droite peut faire de la surenchère sur ce terrain. Cette surenchère lui est facilitée par le fait que, souvent, ce sont des gouvernements « de gauche » qui mènent, ou menaient encore récemment, la charge contre les classes populaires comme en Hongrie, en Slovaquie ou en Bulgarie. Il est même des partis « de gauche » au pouvoir, comme en Slovaquie, qui n'hésitent pas à gouverner en association avec des partis, tel le NPS, ouvertement racistes et d'extrême droite.

En cette période où, les élections au Parlement européen approchant, certains vont à nouveau vanter ce qu'ils appellent « l'Europe », si une chose saute aux yeux en Europe de l'Est, c'est bien que cette Europe-là est celle de la domination sans pitié des grands groupes capitalistes. C'est celle du soutien aux gouvernements locaux qui mettent en pièces les rares protections sociales. De cette Europe-là, les peuples n'ont rien de bon à attendre ni là-bas, bien sûr, ni ici. En revanche, face à la montée de la crise, et des facteurs de décomposition racistes, xénophobes, qui l'accompagnent, si l'on ne veut pas voir ce continent renouer avec les horreurs du passé, ce qui est plus que jamais à l'ordre du jour, c'est de lutter pour une Europe débarrassée de la domination des financiers, pour une Europe fraternelle, unie et socialiste, une Europe des peuples et des travailleurs.

29 avril 2009