Nathalie Arthaud, candidate de Lutte Ouvrière - Une candidate communiste à l’élection présidentielle de 2012

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février 2012

Cette fois, la campagne électorale a commencé pour de bon. On ne sait pas encore qui, des candidats annoncés, pourra se présenter car c'est seulement le 19 mars que le Conseil constitutionnel publiera la liste des candidats ayant obtenu les 500 signatures prescrites par la loi électorale en vigueur pour pouvoir se présenter.

Cet obstacle que constitue la nécessité d'obtenir 500 signatures d'élus n'est pas un signe de démocratie. Même en admettant qu'il faut écarter les candidatures fantaisistes, il y a bien d'autres moyens que le parrainage de 500 élus pour mesurer la présence dans l'opinion publique d'un courant qui a l'intention de se faire représenter par un candidat. Pourquoi limiter la possibilité de parrainage aux seuls élus et non au soutien d'un nombre déterminé d'électeurs ?

Mais heureusement, avec 36 000 communes et autant de maires, l'obstacle n'est pas infranchissable pour un courant comme le nôtre. Car, parmi les maires de petites communes, nombreux sont des gens du peuple, ouvriers d'industrie, petits paysans, enseignants, employés, retraités, voire chômeurs qui, sans partager toutes nos idées, se reconnaissent en certaines d'entre elles, suffisamment en tout cas pour parrainer une candidature Lutte Ouvrière. Puis, heureusement aussi, il y a ceux qui, sans partager nos idées, ont plus de sens démocratique que les législateurs et qui estiment naturel de permettre à un courant comme le nôtre de s'exprimer dans une élection présidentielle.

Dans la réalité, l'aspect le moins démocratique n'est pas tant dans le fait que seules certaines catégories d'élus sont autorisées à parrainer un candidat (bien que, rappelons-le, cette condition a été aggravée à partir de l'élection de 1981 en exigeant, non plus 100, mais 500 signatures d'élus !). L'aspect le plus antidémocratique de la procédure actuelle est l'attitude des grands partis et leurs pressions sur les élus pour qu'ils ne signent pas. Pressions qui prennent dans certains cas des allures de menaces sur l'octroi de certaines subventions, etc.

Les pressions des partis et de leurs appareils visent à vider de toute signification le premier tour, là où les électeurs peuvent voter pour les candidats les plus proches de leurs idées, pour réduire le scrutin au seul second tour, celui qui désigne le président de la République et où ne restent en lice que deux candidats dont la bourgeoisie a pu s'assurer que non seulement aucun ne menace ses privilèges et les fondements de son système mais que chacun sera à son service.

Malgré toutes les limitations cependant, il y a un premier tour où même des courants qui n'ont aucune chance d'accéder à la présidence de la République peuvent s'exprimer. Cette simple possibilité prescrit à une organisation communiste de faire l'effort nécessaire pour se présenter.

Le courant révolutionnaire du mouvement ouvrier ne pense pas que les élections, présidentielle ou législatives, puissent changer la société, en particulier mettre fin à ses fondements, c'est-à-dire à la propriété privée des moyens de production et au monopole de la classe capitaliste sur les grandes entreprises de l'industrie et de la distribution et sur les banques. Or, tant que ce monopole persiste, le véritable pouvoir économique et social appartient à la grande bourgeoisie et ceux qui gouvernent ne peuvent le faire que dans le strict cadre de ce que le grand capital permet.

Cela dit, les campagnes électorales sont une occasion pour les partis du mouvement ouvrier de s'exprimer, de défendre leurs idées et leur politique. C'est aussi une occasion pour l'électorat de se prononcer sur les politiques proposées. De ce fait, les périodes électorales sont des périodes de politisation un peu plus intense.

Cette année, de surcroît, les élections auront lieu à un moment où non seulement la crise de l'économie capitaliste s'intensifie, mais où elle est de plus en plus ressentie par les classes populaires qui en sont les victimes. Ces deux raisons amènent notre courant non seulement à présenter une candidate en la personne de Nathalie Arthaud, mais à définir aussi l'axe de la campagne qu'elle compte mener. Nathalie Arthaud sera présente, en effet, comme « une candidate communiste à l'élection présidentielle ».

La crise actuelle et les dégâts considérables qu'elle entraîne dans la société illustrent tout à la fois l'irrationalité et l'injustice fondamentale de cette économie. D'où notre choix de faire en sorte que, face aux candidats des grands partis qui se situent tous sur le terrain de l'organisation capitaliste de la société, s'exprime une politique qui ne se limite pas à dénoncer les méfaits du capitalisme mais qui a pour but d'y mettre fin pour le remplacer par une autre organisation économique et sociale. Faire entendre une voix communiste n'est pas seulement affirmer la conviction que l'avenir de l'humanité ne peut pas être une organisation sociale basée sur la propriété privée des moyens de production et l'exploitation. Ce n'est pas seulement décrire une société idéale où n'existeront ni propriété privée des moyens de production, ni exploitation, ni concurrence, ni crise.

C'est surtout affirmer une politique communiste concrète en avançant des objectifs qui correspondent aux intérêts de la classe ouvrière dans cette période de crise et qui, tous, conduisent à mettre en cause la domination du grand capital sur la société.

Il s'agit évidemment d'un programme de lutte, car ce n'est pas dans les urnes, même en votant pour la candidate communiste, que ces objectifs peuvent être valablement approchés et à plus forte raison imposés. Ces objectifs que Nathalie Arthaud mettra en avant sont en substance les suivants :

Pour mettre fin au chômage, il faut imposer au grand patronat l'interdiction des licenciements et la répartition du travail entre tous sans diminution de salaire ; il faut imposer à l'État l'embauche dans les services publics déjà existants ou encore à créer, utiles à toute la population.

Pour assurer un pouvoir d'achat convenable pour tous, il faut imposer l'augmentation de tous les salaires et de toutes les retraites et pensions. Il faut garantir ce pouvoir d'achat par l'indexation automatique des salaires, retraites et pensions sur le coût de la vie mesuré par des représentants de la population.

Il faut imposer le contrôle des travailleurs sur les entreprises industrielles et bancaires.

Bien sûr, nous ne sommes pas dans une période de lutte, encore que, sur ce terrain, les choses peuvent changer très rapidement. Mais la pire des choses pour la classe ouvrière serait que, si elle retrouve l'énergie pour mener des luttes, de l'ampleur et de la profondeur nécessaires pour faire reculer la bourgeoisie, ses luttes soient détournées vers de fausses voies. Déjà, des charlatans ne manquent pas pour en proposer : du protectionnisme décliné de différentes manières par l'extrême droite ou la gauche réformiste au « produire et/ou acheter français », en passant par la rupture avec l'Europe et la suppression de l'euro, sans parler de la démagogie de l'extrême droite dont toutes les propositions visent à dresser les travailleurs les uns contre les autres par-delà les frontières, voire, à l'intérieur même du pays, les travailleurs avec une carte d'identité française contre les travailleurs immigrés, avec ou sans papiers, etc.

Aussi est-il important de populariser les objectifs nécessaires bien avant que l'heure de la lutte ait sonné. La campagne électorale n'est qu'une des occasions pour cela, mais elle en est une.

Bien sûr, l'électorat populaire, même sa fraction pour le moment très minoritaire qui se retrouve totalement ou partiellement dans les objectifs avancés par les communistes révolutionnaires, peut être tenté de voter autrement que pour une candidate communiste. Sarkozy concentre sur sa personne l'écœurement ou la haine des victimes de la politique menée par la droite depuis cinq ans. Le « vote utile » jouera son rôle dans cette élection comme il l'a joué dans tant d'autres dans le passé.

Y compris auprès de ceux dans l'électorat populaire qui n'attendent rien de Hollande mais qui comptent se servir du vote Hollande dès le premier tour dans l'idée que c'est le plus sûr moyen de se débarrasser de Sarkozy. C'est une erreur, bien sûr, car de toute façon, sur ce terrain, c'est le vote au deuxième tour qui est décisif. En se prononçant pour Hollande dès le premier tour, l'électorat populaire se prive de la possibilité, tout en votant contre Sarkozy, d'exprimer la méfiance contre Hollande.

Il est pourtant de l'intérêt du monde du travail que s'exprime cette fraction de l'électorat populaire qui rejette Sarkozy sans pour autant faire la moindre confiance à Hollande et qui annonce par son vote qu'elle surveillera avec méfiance toutes les mesures qu'il prendra.

Une variante plus dérisoire encore du vote utile vient du côté du Front de gauche, plus précisément d'ailleurs du PCF, de ceux en tout cas qui approuvent le choix de la direction du parti de faire de Mélenchon son candidat. Les partisans de cette variante du vote utile prétendent que tous ceux qui critiquent le PS sur sa gauche ont intérêt à s'unir.

C'est d'autant plus dérisoire que, même si Mélenchon bénéficiait de l'absence ou même du soutien de tous les courants politiques sur la gauche du PS, cela ne se traduirait que par quelques points de plus dans l'élection. 2 ou 3 % de plus pour Mélenchon lui donneraient plus de moyens de négocier son ralliement au PS au deuxième tour, mais ne changeraient en rien la situation politique.

Le problème n'est même pas l'éventualité d'une participation de Mélenchon à un gouvernement socialiste en cas de victoire de Hollande. Cela ne dépend pas que de lui, mais aussi et surtout du PS et de l'intérêt politique qu'il aura, ou pas, à associer le Front de gauche en général et le PCF en particulier à sa future politique anti-ouvrière.

Mais, pour critique qu'il soit vis-à-vis du monde de la finance et de quelques-uns des dégâts du capitalisme, Mélenchon ne se situe pas dans la perspective du renversement de l'organisation capitaliste de la société. Il ne l'a jamais prétendu.

Les communistes révolutionnaires n'ont aucune raison de disparaître derrière lui et par la même occasion de censurer tous ceux qui, dans l'électorat populaire, voudraient exprimer leur sentiment communiste. Pour reprendre l'expression, passablement méprisante, des commentateurs politiques qui parlent de « candidatures de témoignage », Mélenchon comme Nathalie Arthaud en seront tous les deux, comme tous les autres candidats qui n'accéderont pas au deuxième tour. Mais ils ne témoigneront pas des mêmes idées, ni de la même politique.

Au-delà du résultat qu'obtiendra Nathalie Arthaud, les objectifs qu'elle défendra dans la campagne seront entendus bien au-delà de celles et ceux qui auront voté pour elle. Et cela seul peut être un facteur important dans les luttes futures du monde du travail.

Il y a autre chose encore qui compte pour l'avenir : l'abdication de la direction du PCF devant Mélenchon fait qu'il n'y a pas d'autres candidats qui se revendiquent du communisme. Oh, bien sûr, de Marchais à Buffet en passant par Hue, les candidats du PCF défendent depuis longtemps d'autres idées que celle d'une transformation radicale de la société. Cela fait très longtemps que le PCF, devenu d'abord un parti stalinien puis une variante de parti social-démocrate, ne défend plus les perspectives communistes.

Mais cette fraction de l'électorat qui, tout en étant opposée aux politiciens de la droite, était méfiante à l'égard du PS, de ses représentants et de sa politique, pouvait encore exprimer cette méfiance en votant pour le PCF. La signification de ce vote a diminué cependant au fil du temps, c'est-à-dire au fil de la participation occasionnelle des ministres communistes à des gouvernements socialistes, car elle montrait que la direction de ce parti transformait les votes de méfiance de son électorat en votes de confiance envers le gouvernement de gauche. Or, de Mitterrand et ses Premiers ministres à Jospin, les gouvernements de gauche ont toujours trahi les espoirs que les classes exploitées mettaient en eux, pour servir la bourgeoisie.

La déception engendrée par cette évolution a fini par pousser une partie croissante de l'électorat populaire vers l'abstention, voire pire.

Le choix de la direction du PCF de mettre le dévouement de ses propres militants à la disposition de Mélenchon est l'aboutissement ultime de toute une évolution. Il appartient aux électeurs du PCF d'en tirer toutes les conclusions qui en découlent.

Mais il est important que le communisme soit représenté dans cette élection. Important par rapport à cet événement ponctuel que représente l'élection présidentielle de 2012. Mais important encore plus pour l'avenir. L'élection terminée, restera entier le problème de reconstruire dans ce pays un parti qui, de par ses références passées, continue à représenter ce qu'ont représenté successivement le PS à ses origines lointaines et le PCF à sa naissance, en écho à la révolution prolétarienne de 1917 en Russie ; un parti qui reprenne le flambeau de la lutte pour l'émancipation du prolétariat et pour le renversement révolutionnaire du pouvoir politique et économique de la bourgeoisie.

La crise, qui se traduit dans un premier temps tout naturellement par l'inquiétude et la démoralisation du monde du travail, finira par pousser à la colère. Mais la colère, même lorsqu'elle mène à la violence, ne conduit pas nécessairement à la conscience de classe, à la conscience que la classe ouvrière a la possibilité et les moyens de renverser le pouvoir de la bourgeoisie. Pour cela, un parti communiste révolutionnaire est indispensable.

Un tel parti ne surgira pas des seules élections. Il naîtra et s'aguerrira dans les luttes futures que le prolétariat devra mener pour sa survie et qui feront surgir des femmes, des hommes, des jeunes, prêts à œuvrer pour la transformation sociale. Le parti ne pourra naître que si des milliers de travailleurs en arrivent à la conscience de cette nécessité-là. Il naîtra lorsque, dans une partie de la jeunesse, y compris intellectuelle, apparaîtra la conscience que la société actuelle est condamnée et que cette jeunesse ne se contentera pas de s'indigner des injustices et de la folie de la société actuelle, mais voudra combattre pour y mettre fin.

Mais il est important, lorsque la vie elle-même, les événements, mèneront à la révolte toute une partie de la jeunesse, qu'elle trouve un courant et des militants pour lui transmettre la tradition communiste révolutionnaire, avec son capital d'expériences tirées de combats antérieurs du mouvement ouvrier.

C'est dans cette perspective que milite Lutte Ouvrière.

C'est cette perspective qu'a incarnée Arlette Laguiller à l'occasion des élections présidentielles précédentes. C'est cette perspective qu'entend incarner Nathalie Arthaud dans l'élection présidentielle d'avril 2012.

Toutes celles et tous ceux qui s'associent à sa campagne, qui participent à la propagation des idées communistes et des objectifs de lutte qui les expriment dans la situation de crise, auront par la même occasion apporté leur pierre à la reconstruction d'un parti ouvrier révolutionnaire, un parti communiste.

10 janvier 2012