Allocution de Nathalie Arthaud à la fête de Lutte Ouvrière (dimanche 27 mai 2012)

Εκτύπωση
juillet-août 2012

Travailleuses, travailleurs, camarades et amis, je vous souhaite la bienvenue à la fête de Lutte Ouvrière.

J'espère que vous profitez de ce temps magnifique, de ce moment de rencontres, de fraternité et de bonne humeur.

Nous sommes nombreux ici à partager la même révolte, les mêmes idéaux, la même envie de changer le monde, ça se sent et ça fait chaud au cœur !

Après l'élection de Hollande

Depuis le soir du 6 mai et l'élection de Hollande, nous avons droit à du très grand spectacle politique. Il y a d'abord eu la soirée électorale elle-même et le rassemblement à la Bastille, il y a eu le 8 mai et la présence à l'Arc de triomphe de deux présidents de la République pour le prix d'un.

Puis est arrivé le 15 mai, le grand jour de la passation de pouvoir entre Sarkozy et Hollande. Il a été moins couvert médiatiquement que ne l'a été le mariage de Kate et du prince William, mais assez quand même pour faire passer cette journée pour un moment historique.

Avec un président de la République qui se veut normal et modeste, le spectacle continue !

Hollande, qui a compris que sa popularité est à la mesure du rejet de Sarkozy, veut entretenir la magie de l'alternance, en prenant l'exact contre-pied de Sarkozy.

Sarkozy avait pris quelques jours de vacances sur le yacht de Bolloré au lendemain de son élection, Hollande s'est mis au travail, le jour férié de l'Ascension ! Sarkozy avait augmenté son salaire de 170 %, Hollande le baisse de 30 %. Sarkozy aimait l'avion, Hollande préfère le train !

Exit la morgue, l'arrogance et le Fouquet's, place à la simplicité et à la normalité.

Nous voilà donc avec un président de la République tout neuf, un Premier ministre tout neuf et un gouvernement tout beau, tout neuf, avec de nouvelles têtes, rajeuni, féminisé et plein d'élan.

Hollande applique à la lettre le fameux principe du pouvoir : tout changer au sommet de l'État pour qu'en profondeur, dans la société elle-même, rien ne change.

Que Hollande augmente symboliquement l'impôt sur la fortune ou qu'il baisse son salaire et celui des ministres de 30 % ne rendra pas la vie plus facile pour ceux qui ont du mal à joindre les deux bouts. Que les riches paient un peu plus d'impôts, très bien, mais quel est le progrès si cet argent va directement dans la poche des banquiers pour payer les intérêts de la dette et s'il finit dans la spéculation ?

Hollande a prévu de donner un coup de pouce au smic, mais Michel Sapin, le nouveau ministre du Travail, a vite fait de ramener sur terre ceux qui se seraient fait des illusions, en disant que la hausse du smic ne pourra être que limitée.

Alors ce n'est pas ce coup de pouce qui suffira pour rattraper le pouvoir d'achat perdu avec l'augmentation des prix. Cela ne suffira pas à aider les travailleurs à remplir leur frigo, payer leur loyer et toutes leurs factures.

Les licenciements continuent

Quant aux millions de travailleurs qui sont déjà au chômage, ce coup de pouce ne change rien. Et cela ne consolera pas tous ceux qui sont menacés de licenciement et qui savent que, tôt ou tard, ils n'auront plus de travail.

Les plans de licenciements qui ont été annoncés sous la présidence de Sarkozy continuent comme si de rien n'était sous la présidence de Hollande.

Pendant la campagne présidentielle, on en a vu défiler des responsables du Parti socialiste devant ces entreprises pour critiquer la politique de Sarkozy. Mais maintenant qu'ils sont au pouvoir, qu'est-ce qu'ils font ? À quoi s'engagent-ils ? À rien !

Ont-ils besoin de temps pour réagir ? Mais en quelques jours le gouvernement Hollande a eu le temps de prendre des engagements sur des problèmes bien plus compliqués. Il a pris des engagements : auprès des milieux financiers, que la dette continuera à être remboursée. Des engagements auprès de l'OTAN, auprès d'Obama, auprès des responsables de l'Union européenne.

Si le gouvernement Hollande n'en a pas pris auprès des travailleurs de l'usine Fralib de Gémenos, de la raffinerie Petroplus de Petit-Couronne ou de l'usine Peugeot-Citroën à Aulnay-sous-Bois, c'est qu'il ne peut pas, c'est qu'il ne veut pas en prendre.

En 2000, face aux licenciements annoncés chez Michelin, Jospin avait expliqué que « l'État ne peut pas tout ». Hollande, lui, a confié la bataille de l'emploi au bouillant chevalier Montebourg ! Ses principales armes : sa langue de bois et son titre ronflant de « ministre du Redressement productif ».

Montebourg, le spécialiste avant les élections des visites d'entreprises en voie de fermeture, est devenu plus prudent maintenant qu'il est ministre. Il se garde bien de s'engager à garantir les emplois immédiatement menacés. Il a même précisé : « Nous encaisserons certainement des échecs », en ajoutant : « mais ces échecs nous les encaisserons aux côtés des salariés ! »

Eh bien, c'est gentil, mais lui il les encaissera dans un fauteuil de ministre, tandis que les travailleurs, eux, n'auront plus qu'à s'inscrire à Pôle emploi.

Et en attendant, la liste des plans de suppressions d'emplois s'allonge pour ainsi dire chaque jour, d'Air France à la Société générale en passant par les mastodontes de la grande distribution, de la téléphonie et de l'énergie.

Et c'est sans compter l'hémorragie quotidienne dans quasiment toutes les entreprises parce que les départs à la retraite ne sont pas remplacés, parce que les CDD ou les intérimaires ne sont pas renouvelés.

C'est sans compter les répercussions sur les sous-traitants et les petites entreprises qui se retrouvent en faillite par milliers.

On nous parle d'industrialisation, d'investissements, d'innovations, de l'avenir des petites entreprises, comme si tout cela dépendait de la politique d'un ministre ! Mais qui décide d'embaucher ? Qui décide d'investir ou pas ? Qui fixe les conditions de la sous-traitance et impose sa loi sur les petites entreprises ? C'est le grand patronat.

Les politiques peuvent faire leur cinéma, le pouvoir est entre les mains des Bouygues, Mulliez, Peugeot, Arnault...

Mittal, le roi mondial de l'acier, acceptera peut-être de parler quelques minutes avec notre vaillant Montebourg pour discuter de l'aciérie de Florange à condition que celui-ci ne vienne pas les mains vides.

Qu'elle soit menée par la droite ou par la gauche, la politique industrielle consiste toujours à dérouler le tapis rouge aux groupes capitalistes, à leur faire des ponts d'or, des cadeaux comme le fameux crédit impôt-recherche et même à prendre en charge une partie des investissements. Et elle s'arrête là.

Et Montebourg pourra mettre des millions sur la table, se prosterner devant Mittal, si Mittal ne veut pas redémarrer Florange, Florange ne redémarrera pas.

Alors, tous ceux qui se battent déjà contre tel ou tel plan de licenciements ont toutes les raisons de continuer. Mais la lutte contre les plans de licenciements ne doit pas, ne peut pas être l'affaire des seuls travailleurs directement menacés. C'est l'affaire de l'ensemble des travailleurs, surtout de ceux dont les patrons ne peuvent pas se passer car c'est leur travail qui assure leurs profits.

Alors oui, le combat pour l'interdiction des licenciements, pour la répartition du travail entre tous sans diminution de salaire, doit être un des objectifs fondamentaux des luttes à venir.

L'offensive de la classe capitaliste

Il n'y a pas de suspense quant à la politique qui va être menée par le patronat, c'est celle menée depuis que la crise a éclaté, l'aggravation de l'exploitation, avec des licenciements en cascade, des fermetures d'entreprises, le blocage des salaires, la multiplication des petits boulots.

Quand les marchés se développent et que les ventes progressent, les patrons qui font d'excellentes affaires peuvent accepter de laisser quelques miettes aux travailleurs, ils peuvent verser de meilleurs salaires tout en s'y retrouvant. Plus par ces temps de crise.

En période de crise, ce que le marché n'est plus capable de leur rapporter, ils le prennent sur les salariés. Il ne peut pas y avoir de miracle : moins il y a de production, moins il y a de perspectives de profits, moins de miettes tomberont de la table capitaliste.

Il faut s'attendre en France aux mêmes attaques que celles subies aujourd'hui par les travailleurs grecs, portugais, espagnols, italiens : des coupes drastiques dans les services publics, des milliers de suppressions d'emplois de fonctionnaires, des reculs sur les retraites et un démantèlement du droit du travail.

Voilà où nous mènera le patronat si les travailleurs se laissent faire. L'arrivée de Hollande et de la gauche au pouvoir ne doit pas nous tromper. Il faut nous préparer à nous défendre. Non, il n'est pas question d'accepter d'être sacrifiés sur l'autel de la crise et des profits.

C'est dans ce contexte que le nouveau Premier ministre ouvre des concertations entre les « partenaires sociaux », comme ils disent.

Mais faire croire, dans cette période de crise, que l'on peut ménager et les uns et les autres est une escroquerie. On ne peut pas sauver les emplois et les salaires sans prendre sur les profits de la bourgeoisie. On ne peut pas sortir les hôpitaux de l'emprise de la finance, donner les moyens à l'éducation nationale, aux transports, à la poste, de fonctionner tout en acceptant le racket des banquiers.

Les travailleurs doivent imposer leur loi

Pour sauvegarder les conditions de vie des classes populaires, il faut faire payer les plus riches. Il faut affronter le patronat, le faire renoncer à ses plans de fermetures, lui interdire de licencier, le forcer à embaucher.

Toutes choses que n'imagine pas le gouvernement Hollande ! Tout ce qu'il sait faire, c'est organiser un cycle de négociations et de concertations entre le patronat et les syndicats.

Eh bien, voilà la grande différence entre la gauche et la droite au pouvoir : la droite assume sa politique antiouvrière alors que la gauche l'enrobe dans des tables rondes et des négociations dont le seul but est de donner du grain à moudre aux appareils syndicaux et de faire passer la pilule.

Que ce soit sous la gauche ou sous la droite, les capitalistes, par le pouvoir économique qu'ils détiennent, ont l'appareil d'État, l'administration et les ministres à leur botte. Les patrons, pour les inciter à investir il faut les séduire, les aider, sûrement pas les contraindre et encore moins les sanctionner.

Voilà comment les patrons peuvent violer impunément les lois sociales. Ces fameuses lois, qui sont votées par les députés que l'on nous demande d'élire dans deux semaines et dont on nous dit qu'elles peuvent changer nos vies, sont piétinées au quotidien.

Combien de travailleurs se retrouvent à faire des heures supplémentaires non payées ? Au lieu d'être exceptionnels, le travail précaire et l'intérim sont devenus la règle. Tout accident dans le cadre du travail doit être déclaré en accident du travail ; combien le sont ? Une loi oblige les entreprises à embaucher 6 % de salariés handicapés : même les entreprises publiques ne l'appliquent pas.

Sur l'égalité professionnelle entre les hommes et femmes, on ne compte pas moins de sept lois ! La loi punit même d'un an de prison et de 3 750 euros d'amende le fait de payer moins les femmes que les hommes !

Mais quand pendant la campagne présidentielle j'ai affirmé, comme la loi le dit, qu'il fallait envoyer en prison les patrons qui violent la loi sur l'égalité salariale comme il est d'usage de le faire pour les délinquants multirécidivistes, j'ai déclenché un tollé. Preuve qu'il ne viendrait à l'esprit d'aucun gouvernement de l'imposer.

Il y a donc les lois, et la réalité. La réalité, c'est que ce sont les patrons qui dominent et ils s'assoient sur les droits des travailleurs sans être inquiétés. Comme le dénoncent les paroles de l'Internationale : « Nul devoir ne s'impose aux riches, le droit du pauvre est un mot creux » !

Eh bien, puisque les patrons imposent leur loi, il revient aux travailleurs de se battre pour imposer les leurs ! Mais cela ne se passe pas dans les couloirs feutrés de l'Assemblée nationale, mais dans les entreprises et dans la rue. Pas avec le bulletin de vote, mais avec les grèves et les manifestations.

Les travailleurs sont les premiers à payer la crise dans leur chair, dans leur vie, dans la dégradation de leurs conditions d'existence. Mais, en fait, c'est toute la société qui paie les à-coups de l'économie capitaliste.

La crise laisse derrière elle un champ de ruines : des usines fermées, des machines livrées à la rouille, des lignes de chemin de fer, des équipements publics laissés à l'abandon. C'est le travail de générations de femmes et d'hommes qui est détruit, ce sont des pertes irréparables.

La société paie aussi par la dégradation des rapports sociaux de la vie collective, par le chacun-pour-soi, par l'insécurité

Les crises de l'économie capitaliste constituent la démonstration que la bourgeoisie est absolument incapable de gérer l'économie pour le bien de la collectivité.

Depuis bientôt quarante ans, les profits les plus rapides et les plus importants se font dans la finance. Chercher à investir dans la production de richesses, et ce d'autant plus dans une période de crise, est une hérésie économique.

L'activité normale consiste à jouer à la spéculation des sommes telles qu'en un clic de souris un seul trader peut perdre deux milliards de dollars, comme c'est le cas de ce trader de la banque JP Morgan. Parce que dans cette société capitaliste, faire de l'argent le plus vite possible n'est pas un crime, c'est la vertu suprême. Quand bien même cela conduit à un gâchis effroyable, quand bien même toute l'économie peut en être ruinée !

À l'image de la noblesse arrivée en fin de règne en 1789 et qui vivait sur ses privilèges à l'ombre de la cour royale, la bourgeoisie est devenue parasitaire, économiquement inutile et un obstacle au progrès et au développement.

Pour contrôler l'économie et pour que l'humanité reprenne en main son avenir, il faut exproprier la bourgeoisie ! Il faut faire une nouvelle révolution sociale.

Nous sommes communistes

Oui, nous sommes communistes ! « Communistes » dans le vrai sens du terme. Dans le sens donné par des générations d'ouvriers qui rêvaient d'une société débarrassée de la dictature de l'argent, de l'exploitation, de la concurrence et des crises. Une société gérée fraternellement et démocratiquement par la collectivité de ceux qui travaillent et produisent.

Si nous nous adressons aux travailleurs et si nous voulons représenter leurs intérêts, ce n'est pas seulement parce que nous choisissons de nous placer du côté des opprimés et des plus pauvres. C'est aussi parce que nous sommes convaincus qu'à travers la lutte de classe qui les oppose aux capitalistes, les travailleurs seront capables de conquérir le pouvoir politique et de s'en servir pour transformer de fond en comble la société et la refonder sur des bases collectives.

Pour que la société tourne, il faut mettre en branle toute une chaîne de travailleurs dont l'activité se complète, des ouvriers sur chaîne, des employés, des ingénieurs, des caissières, des enseignants, des facteurs, des employés de banques, des infirmières, des sans grade, des petites mains sans lesquelles rien ne pourrait se faire.

Eh bien, ce sont justement les travailleurs, ceux qui produisent, ceux qui font que la société vit et progresse, qui sont écartés de toute décision. Ils n'ont pas de prise sur ce qu'on produit et comment.

Ils peuvent construire des logements, des bureaux ou des villas pour riches, et ne pas savoir où se loger. Ils peuvent fabriquer des voitures à la chaîne et ne pas en avoir une. Et quand ils interviennent sur le processus de production, c'est en général pour rattraper les incompétences des chefs qui commandent !

Les décisions concernant une entreprise, jusques y compris sa disparition, peuvent être prises dans le conseil d'administration d'un groupe financier situé à l'autre bout du monde, qui décide, les yeux fixés sur les seules courbes de profits, que telle usine ne rapporte pas assez, sans rien savoir de ce qu'elle fabrique ni à quel besoin elle répond.

Les propriétaires, les actionnaires ne dirigent pas parce qu'ils sont compétents, mais parce qu'ils possèdent des capitaux. Voilà pourquoi la société fonctionne à l'envers.

Eh bien, les travailleurs ont la capacité de diriger cette société, et ils le feront mille fois mieux parce qu'ils ne seront pas aveuglés par le profit et la rentabilité !

Alors oui, nous plaçons notre confiance dans la classe ouvrière dont Marx avait dit, le premier, qu'elle n'avait que ses chaînes à perdre et le monde à gagner !

Aujourd'hui cette perspective paraît utopique à l'immense majorité. Et pour cause : la solidarité collective est difficile à construire pour se défendre au quotidien.

Le nécessaire parti des travailleurs

Si depuis tant d'années, la classe ouvrière recule devant l'offensive de la bourgeoisie, c'est en raison de la situation objective, de la crise économique et du chômage qui isole et divise les travailleurs. Mais c'est aussi parce qu'il manque un parti représentant leurs intérêts de classe.

Le mouvement ouvrier s'est donné dans le passé avec le Parti socialiste d'abord, le Parti communiste ensuite, de vrais partis, avec des militants présents à l'échelle du pays, dans la plupart des entreprises et des quartiers populaires.

Ces partis n'avaient pas seulement pour ambition d'améliorer la situation des travailleurs dans le cadre de la société bourgeoise, mais de mettre fin à la société bourgeoise. Et c'est précisément parce qu'ils ne cherchaient pas à avoir d'attaches avec cette société et ses institutions que ces partis étaient capables de se battre avec efficacité pour les améliorations quotidiennes.

Ils ont rassemblé les travailleurs sur des bases de classe. Ils se sont construits en opposition avec l'ordre capitaliste et avec toutes les valeurs qui en découlaient.

Le mouvement ouvrier révolutionnaire était porteur de valeurs morales aux antipodes des valeurs de la société bourgeoise. Contre l'individualisme et le chacun pour soi, la fraternité du collectivisme ! Contre l'adoration de l'argent, la solidarité des producteurs ! Contre le nationalisme, l'internationalisme !

Cet acquis politique et militant a été dilapidé.

Le PS puis le PCF ont fini par remplacer le drapeau rouge par le drapeau français, l'Internationale par la Marseillaise. En abandonnant les références de classe, ils ont laissé nombre de travailleurs déboussolés et sans repère. Ils ont laissé le champ libre dans les classes populaires aux idées nationalistes et à la démagogie anti-immigrés.

Alors que le mouvement ouvrier politique des débuts du socialisme rejetait toute idée de participation gouvernementale, cette participation est devenue l'objectif ultime du Parti socialiste, puis du Parti communiste. Quand bien même les gouvernements de la bourgeoisie ne laissent pas d'autre choix à ceux qui en font partie que d'être - pour reprendre l'expression d'un dirigeant socialiste - « les gérants loyaux du capitalisme ».

Dans des périodes où l'économie capitaliste est en expansion, la contradiction entre l'intérêt des travailleurs et la participation gouvernementale ne saute pas nécessairement aux yeux.

Mais, dans des périodes de crise, servir la bourgeoisie au gouvernement signifie clairement s'en prendre aux intérêts des travailleurs. C'est ce qui s'est passé quand Mitterrand a dû prendre le tournant de la rigueur, bloquer les salaires et licencier dans la sidérurgie. C'est ce qui s'est passé sous Jospin qui a plus privatisé que les deux gouvernements de droite qui l'ont précédé.

Au pouvoir, les directions du PS et du PC se sont discréditées aux yeux de beaucoup d'exploités qui se sont sentis trahis, abandonnés qui ont été déboussolés au point qu'aujourd'hui, une fille de millionnaire, défenseur du capitalisme, ennemie jurée des syndicats et des luttes ouvrières, arrive à se faire passer aux yeux de certains comme une représentante des exploités !

Alors oui, il faut que renaisse dans la classe ouvrière un parti représentant ses intérêts matériels et politiques. Un parti de classe combattant le système politique et économique de la bourgeoisie comme son influence idéologique. Oui, le parti communiste révolutionnaire est à reconstruire !

La crise du monde capitaliste et ses enjeux

Le monde n'a jamais cessé de subir des secousses, des guerres civiles, des morts, des grandes famines. Mais la France, comme l'Allemagne, les États-Unis, la Grande-Bretagne et quelques autres, ont le triste privilège d'être des pays impérialistes dont la bourgeoisie ne vit pas seulement de l'exploitation de sa propre classe ouvrière, mais aussi de celle de la majorité pauvre de la planète, pillée, exploitée, affamée.

Du coup, la bourgeoisie a pu assurer à la classe ouvrière d'ici une existence qui, l'un dans l'autre, pouvait apparaître enviable aux trois quarts pauvres de la planète. La stabilité du système a reposé beaucoup là-dessus.

Mais voilà, depuis un certain temps déjà, cette économie est en crise. Et même dans les pays impérialistes, la situation se dégrade pour une partie croissante de la classe ouvrière. À côté de riches quartiers à New York, Londres ou Paris, sont réapparus des ghettos plus ou moins infects où les pauvres retrouvent les conditions d'existence des pays du tiers-monde.

Pendant longtemps, les plus jeunes générations militant en France, et je m'y inclus, n'ont connu de la vie politique que le train-train électoral. Les travailleurs restant dans leur grande majorité spectateurs des reculs qui leur étaient imposés, nous avons été témoins impuissants d'une dépolitisation dans les classes populaires. Mais la crise peut changer cette situation.

Ce ne sont pas seulement les conditions de vie matérielles qui sont bouleversées par la crise, les consciences le sont aussi.

Les rapports de force politiques peuvent changer brutalement, les réactions collectives peuvent renaître parce que l'histoire ne fait pas son petit bonhomme de chemin toujours à la même vitesse. Il y a des moments d'accélération, des périodes d'emballement où tout devient possible.

Regardez ce qui se passe en Grèce avec des élections qui ont montré le rejet massif des partis qui se succédaient au pouvoir et le renforcement soudain d'une coalition de la gauche radicale et d'un parti se revendiquant ouvertement des formations fascisantes d'avant guerre.

Que la population laborieuse s'appauvrisse et encaisse les sacrifices sans se révolter ne peut pas être exclu. Mais il y a infiniment plus de chances qu'il y ait des réactions, des coups de colère. Des femmes et des hommes chercheront des idées, des solutions, des responsables.

Mais se révolter ne suffit pas : il faut que la révolte soit porteuse d'une perspective d'avenir.

Il ne suffit pas de s'indigner des dégâts du capitalisme, il faut trouver le chemin pour que naisse une autre organisation sociale. Cela suppose une prise de conscience, une compréhension profonde de la réalité sociale, et la connaissance de ce qu'il faut changer et comment.

Or, les idées que les révoltés d'aujourd'hui et de demain ont le plus de probabilités de trouver sur leur chemin sont les idées et les préjugés distillés par la bourgeoisie et ses idéologues, jusqu'aux plus réactionnaires.

Ici, en France, l'arrivée de la gauche au pouvoir place de facto la droite et l'extrême droite dans l'opposition. Elles tenteront de canaliser la colère à leur propre profit politique. Elles reprocheront aux partis de gauche les maux qui viennent du système capitaliste.

Les Copé, Fillon, Le Pen hurleront au retour de l'assistanat, au laxisme de la gauche en matière d'immigration. Ils dénonceront la faiblesse du gouvernement vis-à-vis des syndicats. Quand bien même le gouvernement Hollande ne fera rien en faveur des travailleurs, la droite et l'extrême droite alimenteront un climat antiouvrier et anti-immigré.

En Grèce, aujourd'hui, des petits groupes se revendiquant d'un petit Hitler en herbe traquent les travailleurs immigrés pour les terroriser. En Hongrie, les mêmes attaques ont lieu contre les Roms cette fois. Bien sûr, l'histoire ne se copie pas forcément d'un pays à l'autre, mais la crise peut faire surgir les mêmes monstruosités ici en France.

Si la crise s'approfondit, il ne faut pas laisser aux partis de droite ou d'extrême droite la possibilité de mettre la révolte de l'une ou l'autre des catégories populaires au service de leurs projets réactionnaires. Les communistes révolutionnaires doivent être présents et se battre pour donner à ces luttes la seule orientation positive, la lutte de classe.

Pour que les coups de colère se transforment en révoltes conscientes, il faut que les travailleurs aient une politique, qu'ils sachent pour quoi se battre, pour quels objectifs. L'existence d'un parti, riche des expériences de l'ensemble du mouvement ouvrier et présent à l'échelle du pays, manque aujourd'hui cruellement. Il faut œuvrer pour qu'il renaisse au plus vite.

C'est dans ces périodes que peuvent surgir des jeunes et des moins jeunes par dizaines de milliers, prêts à se lancer dans le combat et à y consacrer toutes leurs forces.

Les idées communistes, la perspective de la révolution sociale, nos idées, attireront les plus révoltés, les plus combatifs, les plus dévoués à la cause ouvrière. Les idées que nous portons peuvent très vite devenir une force. Encore faut-il qu'elles soient transmises !

Eh bien, cette transmission dépend de nous tous. De ceux qui nous ont aidés et soutenus pendant la campagne présidentielle, de ceux qui nous ont aidés à organiser cette fête, de tous ceux que nous réussirons à entraîner dès demain. Alors oui, il faut continuer !

En participant à l'élection présidentielle, nous avons affirmé l'existence d'un courant communiste révolutionnaire. Nous avons montré qu'il y a dans le pays des femmes et des hommes qui ne craignent pas d'être à contre-courant et qui tiennent avant tout à défendre leur idéal communiste.

Lutte Ouvrière dans les élections législatives

Les élections législatives nous donnent une nouvelle opportunité de nous faire entendre à l'échelle du pays.

Lutte Ouvrière présente des candidats partout dans le pays.

L'avenir des travailleurs ne se décide pas dans les couloirs feutrés du Palais Bourbon, mais dans ceux des conseils d'administration des groupes industriels et financiers.

Alors, nous nous présentons pour défendre un programme de lutte car quelle que soit la future Assemblée, les travailleurs auront à se battre pour imposer leurs intérêts vitaux.

Face aux plans de licenciements qui se multiplient, il faut interdire les licenciements et répartir le travail entre tous, sans diminution de salaire.

Il manque du personnel dans les écoles, dans les hôpitaux, dans les transports. Il faut créer des emplois en procédant à de grands travaux comme la construction de logements sociaux. Au lieu d'être aspirés par la spéculation, les profits des groupes capitalistes comme les revenus des gros actionnaires doivent servir à financer ces emplois.

Le droit à un emploi, avec un salaire permettant de vivre correctement, est le seul véritable droit des travailleurs dans cette société d'exploitation, il faut se battre pour l'imposer.

Il faut aussi obtenir une augmentation générale des salaires et des retraites, indexée automatiquement sur les hausses de prix pour faire face aux coûts de plus en plus importants de la santé, du carburant, des charges. Qu'en 2012, il apparaisse utopique de porter le smic à 1 700 euros alors que des milliards inutiles s'accumulent à un pôle de la société montre toute l'absurdité du capitalisme !

Pour se protéger des mauvais coups des capitalistes, il faut imposer un contrôle des entreprises par les travailleurs et par la population en exigeant la suppression du secret industriel. On pourrait ainsi voir où va l'argent et contester les décisions avant qu'il ne soit trop tard.

Pour affirmer votre accord avec ce programme de lutte, votez pour les candidats de Lutte Ouvrière.

Tous ceux qui approuvent ces revendications et souhaitent qu'elles soient mises en tête des futures luttes du monde du travail et qui l'ont montré lors de l'élection présidentielle en votant pour ma candidature doivent prolonger ce vote par un vote en faveur des candidats de Lutte Ouvrière.

Mais je sais aussi que nombre de travailleurs qui étaient d'accord avec ces revendications ont fait le choix de voter Hollande pour se débarrasser de Sarkozy.

Eh bien, aujourd'hui, ce vote utile n'a plus lieu d'être. Ceux qui partagent les objectifs que nous défendons doivent voter selon leurs convictions. Plus ces votes seront nombreux, plus cela donnera de la force et du crédit à des idées qui sont les seules susceptibles de préparer l'avenir pour les travailleurs.

Hollande élu, il faut que les travailleurs se manifestent, qu'ils expriment leurs intérêts de classe, qu'ils mettent en avant leurs revendications, qu'ils montrent qu'ils ne se laisseront pas faire.

Tous ceux qui pensent que l'avenir du monde du travail n'est pas au fond des urnes mais qu'il est dans la capacité des travailleurs à renouer avec des mobilisations puissantes semblables à celles de Mai 68 ou de Juin 1936, doivent l'exprimer par leur vote.

Tous ceux qui se reconnaissent dans les idées communistes et souhaitent que renaisse un parti pour les incarner doivent l'affirmer.

Alors, aux élections législatives votez et faites voter pour les candidats de Lutte Ouvrière !

Notre programme n'est pas un programme électoral, c'est un programme de lutte. Il restera d'actualité au-delà des élections. Nous continuerons à le propager jusqu'à ce que les grandes masses d'exploités le reprennent à leur compte et fassent de ces idées une force matérielle capable de vaincre !

Alors, camarades, je vous souhaite une bonne fête et bon courage pour poursuivre le combat !