La crise sans fin des réfugiés

Εκτύπωση
décembre 2015-janvier 2016

Avec l'arrivée massive des migrants au cours de cette année 2015, la catastrophe sociale, économique et politique qui se déroulait jusqu'alors loin d'ici, au Moyen-Orient et en Afrique, a rattrapé brutalement l'Europe.

Le fait que des centaines de milliers de réfugiés, femmes, hommes et enfants, puissent risquer leur vie en traversant la Méditerranée sur des embarcations de fortune, en passant au travers des murs de barbelés et en affrontant la police antiémeute venue les arrêter, donne une mesure de leur désespoir. Leur recherche d'un refuge en Europe de l'ouest ou du nord n'est pas uniquement dictée par leur aspiration à une vie meilleure, mais par quelque chose de plus vital, leur tentative de survivre en échappant aux guerres, aux destructions et à la pauvreté qui ravagent leur pays d'origine.

Alors qu'ils ont une écrasante responsabilité dans la catastrophe que fuient ces réfugiés, aucun dirigeant européen, à l'exception relative d'Angela Merkel, n'a montré la volonté d'accueillir ces nouveaux « damnés de la terre », pour reprendre les mots de l'Internationale, créés par leur système impérialiste de domination mondiale.

Au contraire, ils ont commencé par se repasser le problème en tergiversant sur le nombre de réfugiés que chacun pourrait accepter. Face à la multiplication des drames humains médiatisés et surtout face à un afflux de réfugiés sans précédent, ils ont fini par se mettre d'accord en septembre sur un système de quotas pour organiser la répartition de 120 000 réfugiés au sein de l'Union européenne (UE) sur deux ans. Ce nombre était déjà bien inférieur au nombre de migrants entrés en Europe cette année - entre 800 000 et 900 000 selon les chiffres du Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) - et ne concernait que des migrants déjà enregistrés en Grèce ou en Italie. Mais l'encre de ces accords était à peine sèche que les dirigeants européens ont cherché des excuses pour s'asseoir sur leurs propres engagements. À la mi-novembre moins de 150 migrants avaient effectivement été « relocalisés » depuis la Grèce ou l'Italie vers d'autres pays européens.

Pire, les attaques terroristes de Paris leur ont fourni un formidable prétexte pour refermer leurs frontières devant les réfugiés. Exploitant sans vergogne la peur parmi la population, les dirigeants au pouvoir, et pas seulement leurs opposants d'extrême droite, n'hésitent pas à faire l'amalgame entre les réfugiés, qui fuient précisément la terreur et la guerre, et les terroristes de Daech. Prétextant qu'un des terroristes de Paris avait pu traverser l'Europe en se fondant dans le flux de réfugiés, Manuel Valls a déclaré à un quotidien allemand : « Nous ne pouvons plus accueillir de réfugiés », avant de réclamer purement et simplement « la fermeture des frontières de l'Europe ». Et de fait, de la Grèce à la Suède en passant par la France, les frontières intérieures et extérieures de l'espace Schengen, cet espace de libre circulation entre 26 États européens, se referment les unes après les autres.

Une vague de réfugiés engendrée par la barbarie croissante de l'ordre impérialiste

Le phénomène des réfugiés traversant l'Afrique, le Moyen-Orient et l'Asie vers l'Europe pour trouver du travail ou fuir les guerres créées par l'impérialisme n'est pas nouveau. Mais l'échelle de la crise actuelle le classe à part : il s'agit du plus vaste mouvement de réfugiés depuis la partition de l'Inde coloniale britannique en 1947, qui provoqua le départ de plus de dix millions de personnes pour rejoindre l'Inde ou le Pakistan nouvellement indépendants.

En 2014, d'après le HCR, 59,5 millions de personnes ont été déplacées de force à l'échelle mondiale, le chiffre le plus élevé depuis la Deuxième Guerre mondiale. Cela représente quelque 42 500 personnes fuyant les zones de guerre chaque jour ! Elles venaient surtout de Syrie, d'Afghanistan, de Somalie, d'Érythrée et du Soudan. Les réfugiés qui arrivent aujourd'hui en Europe de l'ouest et du nord viennent essentiellement de ces mêmes pays, auxquels il faut ajouter le Kosovo, le Monténégro ou l'Albanie, d'où les migrants fuient le chômage, la corruption et la misère.

L'enfer et le chaos qu'ils fuient résultent directement ou indirectement des interventions impérialistes dans ces différents pays. Sans remonter à la période coloniale ou postcoloniale, le bilan de l'occupation de l'Afghanistan déclenchée en 2001 par la coalition internationale au nom de « la lutte contre terrorisme » est sans appel. Quatorze ans après son déclenchement, deux ans après le départ des troupes de l'Otan qui prétendaient laisser un pays en paix avec un gouvernement central respecté, des régions entières sont sous le contrôle de groupes rebelles concurrents, y compris les talibans. La population est directement victime de la guerre que ces seigneurs de guerre se livrent pour le contrôle des territoires.

De l'Irak en 2003 à la Libye en 2011, les interventions impérialistes ont créé un vide politique qui a préparé le chemin pour l'émergence de milices islamiques rivales se disputant le pouvoir politique. Depuis lors, ces pays ont été transformés en zones de guerre dans lesquelles les populations sont prises entre les feux de ces milices et soumises à leur brutale domination. Les destructions causées par l'agression occidentale ont été aggravées par les dévastations provoquées par les guerres civiles effrénées. L'effondrement économique a réduit la population à la pauvreté. Il n'y a plus d'avenir pour personne dans ces régions.

La situation de la Syrie illustre jusqu'à la nausée le cynisme des grandes puissances et leur mépris pour le sort des populations. Elles ont d'abord soutenu les diverses milices syriennes opposées au régime de Bachar al-Assad, y compris les milices islamistes qui exerçaient dans les villes sous leur contrôle une dictature tout aussi féroce que celle du régime d'Assad. Elles ont laissé leurs alliés régionaux, l'Arabie saoudite, la Turquie ou le Qatar, armer et financer ces milices, dont celles qui n'allaient pas tarder à rejoindre Daech. Puis, quand Daech prit le contrôle d'un vaste territoire à cheval sur l'Irak et la Syrie et menaça directement les intérêts occidentaux, les grandes puissances jetèrent leurs propres bombes sur la population syrienne dans les villes occupées par Daech. Dernier retournement en date, après les attentats de Paris, les dirigeants impérialistes s'apprêtent à faire d'Assad, le bourreau de son peuple, responsable de quelque 250 000 morts en Syrie, leur nouvel allié dans leur guerre contre Daech. L'armée de cet Assad dont elles voulaient la chute, non pas tant parce que c'était un dictateur féroce mais parce que son régime n'était pas assez docile à leurs yeux, leur semble aujourd'hui la mieux placée pour combattre Daech au sol.

Ce nouveau retournement ne pourra que pousser de nouveaux contingents de la population syrienne sur les routes de l'exode. Sur 23 millions de Syriens, 4,3 millions se sont déjà réfugiés en dehors du pays. La moitié de ceux-ci, plus de 2,1 millions, se trouvent au Moyen-Orient, pour la plupart au Liban et en Jordanie, où ils représentent un énorme fardeau pour les ressources limitées de ces pays. La population du Liban, par exemple, a augmenté de 20 % en raison de l'afflux de réfugiés. Les conditions de vie sont souvent insupportables. Le camp Za'atari, en Jordanie, accueille plus de 120 000 réfugiés, ce qui en fait le deuxième plus grand camp de réfugiés au monde. Des murs de barbelés l'entourent et personne ne peut partir sans l'autorisation des autorités du camp. Il n'y a pas d'eau courante potable et les coupures de courant sont fréquentes.

La situation est si intolérable que certains résidents ont choisi de traverser la Syrie, malgré la guerre civile, dans le but d'atteindre la Turquie. Ce pays est la première destination des réfugiés syriens avec 1,9 million d'inscrits auprès du HCR. Outre sa longue frontière avec la Syrie, la Turquie est perçue par nombre de réfugiés comme la porte d'entrée de l'Europe et par là même un espoir pour échapper à l'enfer. 450 000 d'entre eux, moins de 10 % du total des réfugiés syriens, ont réussi à s'y installer cette année.

À l'exception de la Somalie, du Mali ou de la Centrafrique, les armées impérialistes n'ont pas été engagées récemment dans des agressions à grande échelle dans la corne de l'Afrique ou l'Afrique subsaharienne. Mais les grandes compagnies impérialistes n'ont jamais cessé de piller leurs ressources, qu'il s'agisse du pétrole au Soudan et au Nigeria ou de l'uranium et d'autres métaux précieux dans la République démocratique du Congo et au Niger, parmi d'autres. Et, pour protéger leur pillage de ces ressources naturelles, elles ont fait surgir et armé de violents dictateurs pour des décennies. Les milices ethniques et islamiques qui sont apparues dans ces pays, terrorisant la population, se nourrissent de la colère engendrée par la brutalité de ces dictateurs et de la pauvreté engendrée par le pillage des multinationales.

Un long et douloureux périple vers l'Europe transformée en forteresse

La plupart des réfugiés en provenance du continent africain voyagent par la Libye pour traverser la Méditerranée vers l'Europe. Ils fuient les famines récurrentes qui gangrènent de vastes régions du Nord Soudan ou le pouvoir brutal de milices ethniques ou islamiques dans des pays au sud du Sahara ou de la corne de l'Afrique. Mais dès qu'ils parviennent en Libye, qui est elle-même sous le contrôle de seigneurs de guerre rivaux depuis l'intervention occidentale de 2011, les réfugiés sont parqués, battus et enfermés pendant des jours, sans nourriture ni eau, par des groupes locaux qui rançonnent leurs prisonniers ou cherchent à se faire payer pour faire la police aux frontières.

Les réfugiés qui réussissent à échapper à l'emprise des groupes libyens risquent leur vie sur des bateaux remplis au-delà de leur capacité pour traverser la Méditerranée. En Turquie, la frontière terrestre avec la Grèce étant cadenassée, des milliers de réfugiés tentent eux aussi de rejoindre ce pays par la mer. C'est ainsi que, chaque semaine, des dizaines d'enfants, de femmes et d'hommes se noient en essayant de traverser la Méditerranée. 3 510 sont morts dans les dix premiers mois de cette année. D'après l'Organisation internationale pour les migrations (OMI), 22 000 auraient perdu la vie entre 2000 et 2014, un chiffre sans doute très sous-estimé.

Les survivants se heurtent aux murs et aux barbelés qui hérissent désormais l'Europe. Ils sont arrêtés, bloqués, contraints de s'en remettre à des passeurs sans scrupule, risquent de mourir asphyxiés au fond de camions, de se faire violenter ou dépouiller en chemin, d'être parqués dans des camps infâmes comme celui de Calais. Les nombreux reportages sur ce camp baptisé « la Jungle », installé près de l'entrée du tunnel sous la Manche, en donnent un aperçu. Il est infesté de rats, son système d'eau est contaminé, le nombre de toilettes est dérisoire et sa population y est affectée de toutes sortes de maladies. Les conditions sont comparables dans les multiples camps qui jalonnent l'Europe, qu'il s'agisse de camps de fortune construits par les migrants eux-mêmes ou de camps de rétention contrôlés par les gouvernements.

Avec l'arrivée de l'hiver, qui s'ajoute à la fortification des frontières au sud de l'Europe, de la Hongrie à la Slovénie et à la Bulgarie, la situation des migrants ne cesse d'empirer. On a déjà rapporté des cas d'hypothermie et de pneumonie parmi les réfugiés. Le HCR a distribué des couvertures, mais en nombre très insuffisant, et tout aussi inadaptées que les tentes utilisées dans les camps d'urgence pour réfugiés lorsqu'il pleut très fort ou que la température descend près de zéro.

Voilà comment ces centaines de milliers de femmes et d'hommes sont accueillis par les gouvernements de la riche Europe, directement responsables de la barbarie que fuient ces réfugiés, eux qui ne cessent de se poser en protecteurs de la civilisation, de la démocratie et des droits de l'homme.

La démagogie réactionnaire des dirigeants européens

L'Union européenne, avec ses 515 millions d'habitants, pourrait évidemment accueillir sans difficulté quelques millions de réfugiés. Si elle leur assurait la liberté de circulation et d'installation, les réfugiés se répartiraient d'eux-mêmes à l'échelle de l'Europe. Ils pourraient s'appuyer sur des membres de leurs familles ou des proches et sur de multiples élans de générosité qui ne manquent pas de s'exprimer face à des drames ou à des catastrophes naturelles ou humanitaires. Il faut se rappeler la vague de solidarité qui s'est exprimée, en particulier en Allemagne mais pas seulement, après la mort du petit Aylan en septembre dernier. En Allemagne, le dévouement de milliers de bénévoles a largement contribué à fournir des vêtements et de la nourriture mais aussi à soigner ou à donner des cours de langue aux quelque 800 000 réfugiés arrivés dans ce pays au cours de l'année, et dont beaucoup sont installés dans des locaux provisoires ou des villages de tentes. Face aux manifestations xénophobes et racistes, attisées par la démagogie réactionnaire d'une fraction de la classe politique en Allemagne, ce mouvement de solidarité est un gage pour l'avenir.

Quand Manuel Valls ose dire, comme il l'a fait fin novembre à un quotidien allemand, que « la population ne comprendrait pas que l'on continue à laisser les frontières ouvertes après les attentats », il fait un choix politique : celui de s'appuyer, en les alimentant, sur la méfiance et le repli nationaliste, celui de chercher des boucs émissaires pour justifier le chômage et la montée de la misère, celui de draguer les électeurs du Front national plutôt que d'en combattre les pires préjugés. Quand Valls, Hollande ou Sarkozy veulent faire accepter les pires reculs sociaux, repousser l'âge de la retraite ou démolir les droits des travailleurs, ils ne reculent pas sous prétexte que « la population ne comprendrait pas » : ils multiplient au contraire les campagnes de propagande pour modifier l'opinion publique et lui faire accepter leurs réformes.

D'un bout à l'autre de l'Europe, que les gouvernements soient ouvertement à droite comme en Grande-Bretagne et en Hongrie, ou qu'ils se disent de gauche comme en France, ils choisissent tous de faire de la surenchère sur le terrain de la défense de « l'intérêt national ». Incapables d'enrayer le chômage et aiguillonnés par la montée des partis d'extrême droite, ils multiplient les lois répressives envers les étrangers en situation irrégulière, rendant la vie quotidienne de tous toujours plus difficile et alimentant sans fin la surenchère xénophobe.

Les dernières décisions des dirigeants européens vis-à-vis des réfugiés vont dans ce sens. Alors que leur plan de répartition de 120 000 réfugiés sur deux ans ne démarre pas et est ouvertement contesté par plusieurs pays, ils mettent désormais en place les instruments pour refouler hors d'Europe nombre des migrants qui ont réussi à l'atteindre.

Les plus riches pays européens, la Grande-Bretagne, la France et l'Allemagne, exigent que les pays du sud de l'espace Schengen, la Grèce et l'Italie, contrôlent mieux leurs frontières. Ils veulent imposer aux pays de transit, comme la Turquie, le Liban ou la Serbie, extérieurs à l'espace Schengen, de parquer les candidats à l'exil dans des camps. Ce que les dirigeants européens appellent pudiquement des « hotspots » seront de véritables camps de triage destinés à sélectionner les migrants admis sur le territoire européen en fonction de leur nationalité, de leur qualité de réfugiés politiques ou de migrants économiques, mais aussi de leur niveau de qualification. On ne sait pas ce qui est le plus ignoble dans cette politique : organiser ce tri entre les migrants, comme si fuir la misère était moins vital que fuir la guerre, ou sous-traiter cette sale besogne à des pays pauvres déjà débordés par l'afflux de réfugiés !

Après avoir été menacée d'être exclue de la zone euro pour cause d'endettement excessif, la Grèce est maintenant menacée d'être exclue de l'espace Schengen pour ne pas suffisamment surveiller ses frontières. Après la tutelle économique de la Troïka, le gouvernement grec a dû accepter l'intervention de Rabit, une brigade spéciale de gardes-frontières de l'agence européenne Frontex, chargée de renforcer les contrôles entre la Grèce et la Turquie. Soutenue par Paris et Berlin, la Commission européenne voudrait augmenter les effectifs de cette brigade de gardes-frontières et, surtout, elle voudrait pouvoir la déployer même sans l'autorisation des États concernés.

En même temps que ces mesures destinées à endiguer le flot de réfugiés vers l'Europe, les mêmes gouvernements multiplient les expulsions de réfugiés déboutés du droit d'asile ou de migrants sans papiers. Sous Hollande, le nombre d'expulsions et de placements en centre de rétention administrative a augmenté par rapport à la période Sarkozy. Avec l'état d'urgence et la multiplication des contrôles policiers, les arrestations de travailleurs sans papiers ne peuvent qu'augmenter.

En Allemagne, la chancelière Angela Merkel a d'abord joué les humanistes avec sa promesse d'accueillir sans réserve un grand nombre de réfugiés. Mais cela n'aura pas duré longtemps. Face à une rébellion à la droite de son propre parti et à l'extrême droite, elle a vite changé de tactique, réinstaurant un contrôle aux frontières, s'en prenant aux réfugiés des Balkans et même d'Afghanistan, sommés de retourner chez eux. Comme si les réfugiés afghans ne fuyaient pas une guerre civile sanglante attisée par les puissances impérialistes ! Comme si ceux des Balkans, qui viennent principalement d'Albanie et du Kosovo, ne fuyaient pas les dévastations engendrées par la guerre civile qui a suivi l'éclatement de la Yougoslavie !

Depuis début novembre, les ressortissants de l'Albanie, du Monténégro et du Kosovo ne peuvent plus prétendre au droit d'asile en Allemagne, au prétexte que ces pays seraient brusquement devenus sûrs. Des milliers de Kosovars, venus clandestinement en Allemagne pour travailler, ont été renvoyés cet automne vers le Kosovo. Le Parlement allemand a décidé d'accélérer les procédures d'expulsions pour les demandeurs déboutés du droit d'asile.

Pendant ce temps, le Premier ministre de droite en Hongrie, Viktor Orban, dans le cadre de sa surenchère xénophobe avec le parti d'extrême droite Jobbik, et agissant en sous-traitant pour l'Allemagne ou l'Autriche, empêche les réfugiés de traverser son pays en construisant un mur de barbelés tranchants le long de la frontière avec la Serbie et la Croatie. À une échelle moins folle, les gouvernements slovène et bulgare érigent aussi des défenses semblables contre les réfugiés qui cherchent désespérément une nouvelle voie de passage quand un pays se referme. L'Autriche a annoncé à son tour la construction d'une barrière contre les immigrés à sa frontière avec la Slovénie.

Oui à la liberté de circulation

Avec cette barrière, c'est une frontière interne à l'espace Schengen qui se fortifie. Autant dire que la liberté de circulation est en passe de devenir un mythe. La crise des migrants, comme la crise de l'euro avant elle, montre toutes les limites et agrandit toutes les failles d'une Union européenne contrôlée par une poignée de grandes puissances aux intérêts contradictoires.

La bourgeoisie européenne tient à la liberté de circulation, non pas des réfugiés mais des marchandises, des capitaux, éventuellement de la main-d'œuvre. Le rétablissement des contrôles aux frontières, qu'ils soient décidés suite aux attentats ou pour empêcher l'arrivée des migrants, entrave le fonctionnement de son économie avec ses norias de camions qui alimentent des usines situées dans toute l'Europe. Un retour en arrière définitif limiterait considérablement le recours à la sous-traitance et aux délocalisations multiples et finalement aggraverait encore la crise économique. D'un autre côté, la bourgeoisie allemande ne veut pas supporter seule le coût de l'accueil d'un ou plusieurs millions de réfugiés, pas plus que le gouvernement britannique ne veut laisser entrer les migrants de Calais sur son territoire. C'est pourquoi les dirigeants français, allemands, britanniques exercent une pression de plus en plus forte sur les pays d'arrivée pour qu'ils refoulent les migrants.

Les travailleurs, quant à eux, n'ont rien à gagner au rétablissement des frontières nationales qui, malgré les mensonges des souverainistes de tout poil, ne les protégeront ni du chômage, ni des fermetures d'usines, ni de la concurrence d'autres exploités prêts à vendre coûte que coûte leur force de travail pour faire vivre leur famille. Mais ils n'ont rien à gagner non plus au renforcement des frontières extérieures de l'UE ou de l'espace Schengen, qui transforme l'Europe en une forteresse de plus en plus inaccessible et la Méditerranée en un immense cimetière pour les réfugiés.

Les travailleurs ne doivent avoir aucune solidarité avec leurs dirigeants, qui se lavent les mains du sort tragique des réfugiés, alors même que ceux-ci sont victimes des agissements des puissances impérialistes qui jouent avec le feu au Moyen-Orient et à travers tout le continent africain.

Quelle que soit leur couleur de peau, leur religion ou leur langue, les migrants sont « les damnés de la terre », les frères et sœurs des classes ouvrières d'Europe avec lesquelles ils partagent le même ennemi : les classes capitalistes des pays riches. Ils ne devraient pas seulement être accueillis ici en tant que réfugiés, mais devraient se voir accorder le droit de circuler librement et les moyens de s'installer là où ils le veulent. Il y a plus qu'assez de place pour eux. Quant aux coûts de cet accueil, que les capitalistes payent la facture sur leurs immenses profits : il est plus que temps qu'ils payent leurs dettes !

13 décembre 2015