Le PCF à la recherche de l’introuvable candidat unique de la gauche

Εκτύπωση
novembre 2016

Les dirigeants du PCF le proclament, ils veulent réussir « le rassemblement des forces alternatives à gauche ». Dès qu'on lui donne la parole, Pierre Laurent répète que « l'éparpillement de la gauche est mortifère pour tout le monde. Il faut un unique candidat qui rassemble les rouges, les verts et les roses vifs. » Le conseil national du PCF des 24 et 25 septembre l'a réaffirmé : « Une candidature commune de la gauche serait un atout considérable pour franchir la barrière du 1er tour et permettre la mise en œuvre d'une véritable politique de gauche pour la France. »

Cette orientation, le soutien à un politicien prétendant rassembler toute la gauche, est la politique des dirigeants du PCF depuis au bas mot cinquante ans. De la présidentielle de 1965, où le PCF soutint pour la première fois François Mitterrand « candidat unique de la gauche », aux années 2000 où le PCF fut l'une des composantes de la « gauche plurielle » de Jospin, le PCF n'eut pas d'autre politique.

Le problème actuel du PCF, c'est que les prétendants au titre de candidat commun de cette gauche se bousculent au portillon. L'embarras des dirigeants du PCF ne porte pas sur la politique à mener, mais sur le choix du bon cheval auquel accrocher leur charrette. Dans un contexte où Hollande est si déconsidéré que sa seule chance de pouvoir se représenter est de convaincre le Parti socialiste qu'il est le seul à pouvoir empêcher son implosion, le PCF ne sait plus qui incarne la gauche.

Mélenchon a décidé de se présenter sans attendre d'être adoubé par quiconque, misant sur un ralliement forcé des diverses composantes du Front de gauche, y compris le PCF. Il est déjà en campagne, rassemble ses soutiens, occupe le terrain, ce qui lui permet d'apparaître comme le meilleur opposant à Hollande.

Lors de l'élection présidentielle de 2012, le PCF avait soutenu Mélenchon. Certains des dirigeants du PCF sont ouvertement déterminés à en faire autant cette fois-ci. Le simple fait cependant que la décision n'ait pas été prise à la date où elle devait l'être, au printemps dernier, ni depuis, montre que la direction du PCF hésite. L'Humanité a publié, il y a quelque temps, un panel de candidats qu'elle considérait comme dignes de prétendre au titre de « candidat rassembleur d'une gauche » alternative à Hollande, où Mélenchon y figurait à côté de Montebourg, Hamon et Duflot.

Si Duflot vient d'être éliminée de la primaire des écologistes, disparaissant pour l'instant du paysage, Montebourg ou Hamon, eux aussi ex-ministres de Hollande, ont choisi de concourir à la primaire du PS. Il faudra attendre le résultat de cette primaire, fin janvier, pour savoir qui sera le candidat du PS. Hollande réussira-t-il à se faire désigner ? Si son impopularité l'en empêche, Valls, voire Macron qui, s'il répète qu'il n'est pas socialiste, est « en marche » en prenant bien soin de rester flou sur sa destination, prendra-t-il sa place ? Ou bien Montebourg trouvera-t-il, parmi les frondeurs du PS et au-delà, assez de soutiens pour l'emporter ?

Le PCF fait dépendre son choix de ce résultat. Il ne veut certes pas se rallier à Hollande ou Valls, en perdition. La victoire de Montebourg aux primaires socialistes éclaircirait son horizon. Il pourrait ainsi se rallier à un homme qui, ayant quitté le gouvernement, prétend aujourd'hui incarner la rupture avec Hollande. Si, grâce à la primaire, il était intronisé candidat du PS, cela aurait pour le PCF le double avantage de joindre l'agréable, afficher sa demi-opposition, à l'utile, se rabibocher avec le PS lui-même. Favoriser un tel scénario est sans nul doute l'objectif de la rencontre récemment annoncée entre Pierre Laurent et Christian Paul, le chef de file des députés frondeurs du PS.

La préoccupation du PCF : préserver coûte que coûte ses élus

La seule préoccupation du PCF dans les élections de 2017 est en effet de préserver le nombre de ses députés et, au-delà, ses positions dans les conseils régionaux, départementaux, et dans l'exécutif d'un certain nombre de municipalités. Dans la majorité des cas, il ne peut préserver les postes de ses notables qu'en alliance avec le PS. C'est pourquoi l'élection présidentielle l'intéresse bien moins que les élections législatives qui la suivent.

Pour faire réélire ses députés, le PCF a besoin d'accords locaux, à défaut d'un partage général des circonscriptions. Des accords avec le PS, et mieux encore dès le premier tour, seraient une meilleure garantie qu'un ralliement à Mélenchon et à la nébuleuse qui l'entoure. À la différence du PCF, Mélenchon n'a pas une base d'élus au sein des conseils régionaux ou départementaux et encore moins à l'Assemblée nationale. Il n'a pas encore de notables dont il doit protéger les intérêts. Si le PCF, avec quelque 130 000 adhérents revendiqués, dont la moitié paieraient une cotisation, conserve une base militante, les succès répétés de la fête de l'Humanité en attestent, il ne pourrait fonctionner sans ses quelque 9 000 élus, principalement des maires et conseillers municipaux. Ces élus contribuent pour la moitié au financement du PCF, et surtout ils forment l'ossature de son appareil militant. Faute d'une présence militante dans suffisamment d'entreprises du pays, y compris parfois de très grosses, même le contrôle sur la direction de la CGT est moins déterminant pour le PCF que le maintien de ses élus.

Tergiversations et diversions

Ces calculs d'appareil et l'incertitude prolongée sur le casting de l'élection présidentielle expliquent pourquoi les dirigeants du PCF n'ont cessé de différer leur décision. Actuellement fixée au 5 novembre, la date de leur choix pourrait être repoussée... jusqu'aux primaires socialistes. Le relevé de décision du conseil national de septembre émettait ainsi trois hypothèses : « Prendre de nouvelles initiatives de rassemblement sans faire de choix de candidat au 5 novembre ; un appel à voter Jean-Luc Mélenchon, en affirmant l'autonomie du PCF, sa démarche de rassemblement ; engager une candidature issue du PCF, porteuse de ses idées et de sa démarche de rassemblement. » Ces trois alternatives reflètent sans doute les divisions au sein de la direction du PCF quant à l'appréciation des intérêts de son appareil. Marie-George Buffet a par exemple d'ores et déjà annoncé son ralliement à Mélenchon, tandis qu'André Chassaigne répète, lui, qu'il est disponible comme candidat du PCF. Mais c'est aussi une façon de préparer les esprits à un report de la décision du PCF.

Pour occuper ses militants orphelins de candidat et pour habiller tous ces calculs prosaïques dans un emballage plus politique, le PCF a lancé cet été une grande enquête intitulée « Que demande le peuple ? » 65 000 personnes ont rempli ce questionnaire conçu par un organisme de sondage. Tout ça pour que Pierre Laurent annonce le 8 octobre que la principale préoccupation de 38 % des sondés est « un meilleur salaire et un meilleur revenu » ou, pour 26 % d'entre eux, « de meilleurs remboursements médicaux ». Comme s'il fallait un tel sondage pour savoir quelles sont les revendications du milieu populaire ! Comme si les centaines de milliers de travailleurs qui se sont mobilisés contre la loi travail, mobilisation à laquelle les militants du PCF ont largement contribué, n'avaient pas clairement exprimé leur programme : le rejet de la précarité, des bas salaires, des attaques antiouvrières du gouvernement Hollande.

S'appuyant sur les résultats de cette consultation, la direction du PCF a lancé une campagne autour de plusieurs axes intitulés « Prendre le pouvoir sur la finance », « Pour une nouvelle république » ou encore « Changer l'Europe ». Chacun de ces intitulés peut être repris par n'importe lequel des candidats qui prétendent incarner « les forces alternatives à gauche ». Les politiciens qui aspirent à diriger les affaires de la bourgeoisie en cherchant les voix des classes populaires savent agiter des mots ronflants sur la VIe République ou le rejet des traités européens. Les travailleurs ont appris à leurs dépens ce que valait l'envolée de Hollande contre la finance, son « ennemie » en 2012 mais sa vraie patronne depuis cinq ans. Au pouvoir, Montebourg ou Mélenchon mèneraient à leur tour la politique exigée par les Bolloré, les Bouygues, les Dassault et Cie, c'est-à-dire les propriétaires des entreprises et des banques, car ils sont profondément respectueux de leurs intérêts, ce qu'ils appellent « les intérêts de la France ».

Au même moment, les dirigeants du PCF viennent de lancer une pétition intitulée « 2017, vivement la gauche » qui appelle « tous les candidats de la gauche d'alternative à la politique du gouvernement à se rassembler pour construire une nouvelle majorité politique à gauche, autour d'un ou d'une seule d'entre eux à l'élection présidentielle ».

Les militants du PCF sont donc une nouvelle fois invités à déployer leur énergie et leur force de conviction pour réclamer une hypothétique unité derrière une personnalité qui foulera aux pieds les intérêts des classes populaires sitôt élue.

Des militants désarçonnés

S'ils ne rejettent pas l'orientation fondamentale de leur parti, la recherche à n'importe quel prix d'alliances électorales pour obtenir des élus, bien des militants sont désarçonnés par l'absence de candidat officiel soutenu par le PCF.

Nous devons profiter de ce moment de relatif désarroi pour chercher à discuter sur le fond avec ces militants. Discuter avec eux pour leur montrer l'impasse de l'électoralisme, montrer que propager l'idée que ce sont les élections, la victoire d'une coalition électorale, qui peuvent déboucher sur une perspective politique pour la classe ouvrière, est un piège pour soi et une trahison pour les intérêts de la classe ouvrière.

On ne peut toucher, voire ébranler, dans ces discussions que ceux parmi les militants et sympathisants du PCF qui sont préoccupés par le sort des classes populaires. C'est une discussion à mener en particulier avec ceux qui ont pris leur place dans la mobilisation du printemps contre la loi El Khomri et plus généralement avec ceux qui animent des luttes locales, partielles et défensives que mènent les travailleurs face aux attaques qu'ils subissent.

Mais il faut discuter avec eux de la question de fond : à savoir que le véritable problème n'est pas dans les hésitations de la direction du PCF entre les différentes personnalités politiques qui pourraient cristalliser autour d'elles le « rassemblement des forces de gauche ». Le véritable problème, c'est la politique réformiste que le PCF n'a jamais cessé de proposer depuis que le stalinisme l'a amené à rompre avec la politique communiste révolutionnaire qui était la raison même de la création, au congrès de Tours, de ce qui s'appelait alors la Section française de l'Internationale communiste.

Il faut mener cette discussion jusqu'au bout, en opposant, à la politique d'intégration du PCF dans la société capitaliste, la politique de lutte de classe qui a pour objectif, non pas cette intégration, mais au contraire le renversement du pouvoir de la bourgeoisie par le prolétariat.

La politique du PCF s'est traduite depuis un demi-siècle, au fil des reniements et des promesses non tenues de la gauche au pouvoir, par un profond recul de l'influence du PCF dans la classe ouvrière. La politique d'union de la gauche, impulsée sous l'égide de Georges Marchais, qui passe encore aujourd'hui pour celui qui portait haut et fort la voix du PCF, a fait passer l'influence électorale de celui-ci de 21 % du corps électoral (Jacques Duclos en 1969) à moins de 4 % (Robert Hue en 2002).

Pire encore, les passages de la gauche au gouvernement se sont traduits par la désorientation et le dégoût de millions d'électeurs de gauche, au point qu'une fraction non négligeable d'entre eux en est arrivée à voter pour le Front national.

La poussée du Front national dans le Nord et le Pas-de-Calais, une région ouvrière dirigée durant des décennies par les partis socialiste et communiste, est significative. Si les candidats du PS paient logiquement la politique antiouvrière de Hollande, les candidats du PCF ne récupèrent pas les voix perdues par le PS. Si ces électeurs en sont à considérer comme possible de voter pour le FN cela montre, outre leur perte de repères, que la gauche gouvernementale a fait disparaître toutes les valeurs du mouvement ouvrier. Elle a fini par faire passer le nationalisme, le protectionnisme ou le souverainisme pour des idées progressistes !

Quand des millions de travailleurs ont fini par comprendre que les politiciens de gauche étaient aussi haineux à leur égard que ceux de droite, quand cette gauche de gouvernement s'effondre, rejetée par les classes populaires, réhabiliter une nouvelle version de l'Union de la gauche, même en la rebaptisant la « vraie gauche » conduit à la même impasse politique.

Quant aux communistes révolutionnaires, ils doivent s'atteler à restaurer, pas à pas, la conscience de classe parmi les leurs, la conscience que seule l'intervention politique, massive, collective, déterminée de ceux qui font fonctionner la société pourra réellement changer la donne. C'est le sens qu'aura le vote en faveur de Nathalie Arthaud : montrer que le camp des travailleurs existe, qu'il ne veut plus se laisser berner par les promesses des uns et des autres mais qu'il compte sur sa capacité de lutte pour s'attaquer à cette dictature du capital.

25 octobre 2016