Élections en Italie : un recul social et politique

Εκτύπωση
avril 2018

« Séisme ! », « Victoire des populismes ! », « L’Italie à la dérive ! » : les journalistes n’ont pas économisé les points d’exclamation pour commenter les résultats des élections législatives et sénatoriales du 4 mars 2018 en Italie. Si le séisme en question reste cantonné aux urnes, il n’en est pas moins vrai que les élections ont bouleversé les rapports de force électoraux, au détriment des deux grands partis traditionnels, Forza Italia de Berlusconi à droite et le Parti démocrate de Renzi à gauche.

C’est le Parti démocrate (PD), au gouvernement depuis 2014, qui y a laissé le plus de plumes. Il a perdu plus de 2 600 000 voix par rapport aux précédentes législatives de 2013. C’est la dernière étape d’un recul électoral entamé aux élections régionales de 2015, puis confirmé par la défaite de Matteo Renzi lors du référendum sur la loi électorale qu’il avait organisé en 2016, défaite qui l’avait contraint à démissionner de son poste de chef du gouvernement, où il était depuis remplacé par Paolo Gentiloni. Dans le nord et le centre du pays, le PD perd ses places fortes, et il recule fortement même dans ses bastions traditionnels, en Toscane et en Émilie. Il a surtout perdu des millions d’électeurs parmi les travailleurs et dans la jeunesse.

Un rejet de la politique du gouvernement

Le PD paie là sa politique antiouvrière. Plébiscité par le grand patronat italien, Renzi a en effet mené une véritable guerre aux travailleurs. Dans la continuité des mesures prises par les gouvernements précédents, il a entrepris la démolition des quelques protections légales dont ils bénéficiaient encore. Le gouvernement « technique » de Monti avait déjà vidé des restes de son contenu l’article 18 du statut des travailleurs, qui interdisait les licenciements abusifs. Une fois réalisée cette mesure facilitant les licenciements, Renzi a entrepris d’élargir la démolition du Code du travail avec le Jobs Act. Le contrat à protection croissante, que Renzi osait présenter comme favorable à l’emploi des jeunes, élargit en réalité la précarité à tous les travailleurs, en diminuant les garanties contractuelles des salariés. Ainsi, la période d’essai peut durer jusqu’à trois ans et les droits du travailleur sont fonction du temps qu’il a passé dans l’entreprise. Ce nouveau cadeau était offert accompagné d’incitations fiscales et, à peine celles-ci épuisées, le patronat est revenu aux contrats courts, aux temps partiels, au travail au noir, qui est de règle pour bien des entreprises moyennes, très nombreuses en Italie.

À cela se sont ajoutés les reculs successifs de l’âge de la retraite, les réformes de la fonction publique, avec notamment la suppression des administrations provinciales, qui ont conduit à des suppressions d’emplois et à une dégradation de services publics, déjà laminés dans de nombreuses régions du pays. Quant à l’éducation, la réforme cyniquement appelée « la bonne école » n’a permis d’embaucher qu’un nombre réduit d’enseignants par rapport aux effectifs licenciés auparavant, tout en donnant des pouvoirs de chef d’entreprise aux directeurs d’établissement scolaire, leur permettant d’embaucher selon leur choix.

Issu des associations et recompositions successives de l’ex-Parti communiste et des débris de la Démocratie chrétienne, le Parti démocrate de Renzi n’a plus de rapport avec le mouvement ouvrier, sinon le fait que nombre de bureaucrates syndicaux y adhèrent. Mais il est resté le parti présenté comme « de gauche » et comme un moindre mal que son équivalent de centre droit. Au pouvoir, il ne s’est pourtant distingué ni par sa politique, tout aussi antiouvrière, ni même par le comportement de ses politiciens, les affaires de corruption et les scandales touchant tout autant ses élus que les autres. Le dégoût des classes populaires, leur rejet de ces grands partis et de leurs politiciens arrogants et corrompus se sont exprimés soit par l’abstention, soit en votant pour ceux qui se présentaient comme hors du système.

Le dégoût ne fait pas recette à gauche

Pour se démarquer du PD discrédité, certains ont tenté de se présenter sur sa gauche. C’est le cas de Libres et égaux (Liberi e Uguali – LeU), regroupement de plusieurs formations issues du PD, qui prétend« restituer la démocratie et l’esprit de la Constitution à des millions de citoyens qui ne se sentent plus représentés ». Le fondateur et dirigeant de LeU, Pietro Grasso, président du Sénat et dirigeant du PD, offrant une image d’honnêteté par sa carrière de magistrat dédiée à la lutte contre la Mafia, est représentatif de la nature sociale et politique de ce rassemblement. Sa tentative de présenter une sorte de PD bis, moins discrédité, n’a guère fait recette, avec quelque 3 % des voix. Grasso ne s’en est pas moins empressé de se déclarer prêt à discuter avec le PD, comme avec Forza Italia, les quelques députés de LeU pouvant appuyer une coalition ou l’autre.

Pouvoir au peuple (PaP), regroupement de la gauche radicale, a obtenu 1,1 % des voix, ce qui ne lui permet pas d’entrer au Parlement, la barre se situant à 3 %. PaP revendique également le terrain « citoyen », avec un programme « élaboré collectivement par des milliers de personnes » et une certaine forme d’apolitisme, le regroupement émanant de l’appel lancé par un centre social napolitain. Refondation communiste, le courant ayant conservé l’étiquette communiste depuis l’autosabordage du Parti communiste italien, s’y est associée, de même que d’autres organisations se revendiquant de l’extrême gauche. À l’image de Mélenchon en France, qui le soutenait d’ailleurs, Pouvoir au peuple se veut un rassemblement large regroupant des « personnes et des organisations, démocratiques et antifascistes, communistes et socialistes, féministes et écologistes ». Tout comme chez LeU, on retrouve chez PaP des références à la Constitution bourgeoise adoptée en 1948, qui serait le texte auquel se rapporter pour combattre les inégalités sociales du capitalisme et le danger fasciste.

À côté de ces deux listes, existaient également celles de la Gauche révolutionnaire. Elles regroupaient deux organisations trotskystes, le Parti communiste des travailleurs (PCL) et Gauche-classe-révolution (Scr), se revendiquant de la défense des intérêts des travailleurs. Ce regroupement a obtenu moins de 0,1 % des voix.

En tout cas, et par-delà leur diversité, cette faiblesse des résultats obtenus par les listes qui se présentaient en critiques du PD sur sa gauche montre combien l’évolution de l’électorat s’est faite vers la droite, une évolution qui touche y compris une partie importante du monde du travail.

Des « antisystème » bien intégrés au monde bourgeois

Ce sont effectivement les partis plus à droite ou se prétendant hors système qui ont fait le plein des voix. La démagogie antisystème a profité avant tout au Mouvement 5 étoiles (M5S), qui a progressé de 7 % et gagné un million et demi de voix par rapport à 2013, devenant ainsi le premier parti du pays. S’il a subi la concurrence de la Ligue d’extrême droite de Salvini dans le nord du pays, où il obtient tout de même une moyenne de 24 % des voix, le M5S arrive à 32 % dans le centre et à 45 % dans le sud, en Sicile et en Sardaigne, les régions les plus pauvres.

Le M5S s’est fait connaître et a bâti ses premiers succès électoraux sur son image d’organisation de citoyens voulant faire « de la politique autrement ». Son créateur et dirigeant, l’ancien comique Beppe Grillo, qui invitait la caste des politiciens à aller se faire voir, promettait un « tsunami contre les privilégiés ». Le M5S s’est servi du sentiment d’indignation bien légitime de la population à l’égard d’un monde politicien corrompu pour alimenter l’idée que les seuls privilégiés étaient les hommes politiques, voire certains fonctionnaires. Il n’était pas question de s’en prendre à la bourgeoisie, le mouvement de Beppe Grillo participant à cette imposture très répandue selon laquelle le patronat, y compris le grand, serait fait d’honnêtes travailleurs ne demandant pas mieux, au même titre que les salariés, que de faire fonctionner l’économie pour le bien de tous, mais qui en seraient empêchés par l’incompétence et la corruption des politiciens. Pour le M5S, être contre le système ne signifie certes pas être contre le système capitaliste. C’est cependant certainement parmi les travailleurs, dans l’électorat traditionnel du PD, qu’il a gagné le plus de voix.

Le mouvement a remporté des succès, concrétisés dernièrement par la prise des mairies de grandes villes comme Rome et Turin. Au fil du temps, le M5S a cherché à troquer son image antisystème pour celle d’un parti responsable et capable de gouverner. « Nous sommes en partie de droite, en partie de gauche, nous sommes une espèce mutante, capable de s’adapter à toutes les circonstances, » affirmait Grillo au lendemain des élections. Cette capacité d’adaptation s’est incarnée dans le choix d’un représentant moins échevelé et moins pitre que Grillo, le trentenaire coiffé et cravaté Luigi Di Maio, mais aussi par la reprise des thèmes réactionnaires qui font recette, nationalistes et antieuropéens et antimigrants, bien qu’enrobés d’un discours moins xénophobe que celui de la Ligue de Salvini. Il y ajoute la promesse d’un revenu citoyen auquel tous auraient droit, une proposition qui a fait recette en particulier dans le Sud où le taux de chômage explose.

Le fait d’être sorti de ces élections comme le premier parti italien met le M5S en situation de former le prochain gouvernement, à condition de trouver une base d’accord avec d’autres partis. L’exercice n’est pas aisé, pour un parti qui avait fait du refus de toute compromission avec les vieux partis une des preuves de sa différence. Cet engagement a été subtilement transformé en « refus d’entente avec tout politicien concerné par une enquête judiciaire », et c’est au nom du pragmatisme et de l’absence d’esprit dogmatique que Di Maio a entamé les discussions avec le PD comme avec la Ligue de Salvini. Et c’est finalement un accord avec la coalition de droite, à laquelle il a laissé la présidence du Sénat, qui lui a permis d’être élu à la présidence de l’Assemblée, premier pas peut-être vers la formation d’un nouveau gouvernement.

La Ligue : xénophobie et démagogie à l’échelle nationale

La Ligue de Matteo Salvini a également enregistré une progression spectaculaire lors de ces élections. Jusque-là, elle n’obtenait des résultats élevés que dans les régions d’Italie du Nord, mais seulement 4 % des voix à l’échelle nationale. Cette fois-ci, avec une moyenne nationale de 17 %, elle devient le premier parti du centre droit, devant Forza Italia, le parti de l’insubmersible Berlusconi. Comme le PD, Forza Italia a payé son passé au gouvernement et la corruption de ses politiciens, Berlusconi lui-même étant inéligible à cause de ses affaires judiciaires.

Salvini a donc réussi la transformation de son parti nordiste en parti national. L’ancienne Ligue du Nord, qui revendiquait la sécession du Nord industrieux et riche du reste du pays, s’est transformée en Ligue tout court. Elle a remplacé une propagande basée sur les préjugés contre les Napolitains et les Siciliens, accusés de vivre sur le dos des Italiens du Nord, par celle du racisme contre les migrants, qu’elle accuse de survivre aux dépens de tous les Italiens. La Ligue parvient ainsi à se tailler une bonne place au centre du pays, dans les anciens fiefs du PD, et à mettre un pied au Sud, même si ses résultats y restent modestes comparés à ceux obtenus dans le Nord.

La campagne de Salvini s’adressait avant tout à son électorat traditionnel, cette petite bourgeoisie du nord du pays, ces petits entrepreneurs inquiets pour leur niveau de vie et leur sécurité. Il leur a promis des baisses d’impôts, mais aussi le renvoi dans les trois mois des Roms et de tous les migrants illégaux, brandissant le slogan « Les Italiens d’abord ». Il a su avoir également quelques paroles pour les travailleurs, leur promettant de revenir sur les mesures de la loi Fornero en matière de retraite (aujourd’hui l’âge légal de départ en retraite est 66 ans et sept mois, pour les hommes comme pour les femmes) et leur vendant son discours contre l’immigration et contre l’Europe comme susceptible de protéger les emplois.

La campagne violemment xénophobe de la Ligue s’appuie sur un climat général antimigrants entretenu par les médias, mais aussi par toute la classe politique. Les médias font systématiquement le lien entre insécurité et présence des migrants. Dans ce contexte, des petites organisations se revendiquant ouvertement du fascisme, comme Casa Pound ou Forza Nuova, ont réalisé des pourcentages toujours modestes mais en progression, passant de 183 000 voix en 2013 à 437 000 voix le 4 mars. Des agressions contre les migrants ont eu lieu. À Macerata par exemple, un ancien candidat sur les listes de la Ligue, admirateur décomplexé du nazisme, a tiré au hasard sur des migrants en plein centre-ville, après la mort d’une jeune fille dans laquelle était impliqué un dealer nigérian. Puis à Florence, le 5 mars, un homme a tué froidement à coups de pistolet un immigré sénégalais choisi au hasard dans la rue. À Rosarno, en Calabre, ce sont les migrants employés à la récolte des tomates et des agrumes qui, en rentrant vers les bidonvilles où ils sont parqués, ont été agressés par de jeunes voyous en voiture qui les font tomber de leurs vélos. Ces agissements sont couverts par Salvini qui, tout en condamnant formellement l’usage de la violence, s’empresse de dire sa compréhension pour les tueurs et d’affirmer que c’est la politique trop accueillante du gouvernement à l’égard des migrants qui provoque ces agressions.

La classe ouvrière entraînée vers la pauvreté

Le succès électoral de deux partis dont la politique se base sur une démagogie réactionnaire n’est évidemment pas une bonne nouvelle pour les travailleurs. Au-delà du discours, l’un comme l’autre aspirent à remplacer le personnel politique usé des vieux partis. Quelles qu’aient pu être leurs promesses électorales à l’adresse des travailleurs, la seule certitude est qu’aucun des deux ne reviendra sur les coups qui leur ont été portés. S’y ajoute le piège mortel que constituent pour la classe ouvrière le poison du racisme et la guerre entre pauvres qu’il véhicule.

Sans autres perspectives que de s’en remettre à ces promesses électorales et à l’idée qu’elles pourraient être protégées par des frontières et le rejet des migrants, les classes populaires n’ont pas fini de payer. D’après les données pour l’année 2016 de l’Istat (l’institut officiel des statistiques), un quart des familles italiennes étaient sous le seuil de pauvreté ou risquaient de s’y retrouver. Deux ans après l’instauration du Jobs Act, le taux de chômage est toujours à plus de 11 % au niveau national, avec des pointes à plus de 50 % dans les régions du Sud. Les exemples sont légion de régions dévastées par la crise.

En Sardaigne par exemple, dans la région minière du Sulcis, les mines et les usines sidérurgiques ont fermé leurs portes les unes après les autres. La dernière est celle du géant de l’aluminium Alcoa, devant laquelle les travailleurs maintiennent depuis quatre ans un piquet protestant contre la fermeture. Quelques semaines avant les élections, le ministre du Développement économique Calenda y a promis le retour de l’emploi grâce à la reprise par un groupe suisse, SiderAlloys. Une promesse bien vague quant à l’avenir des travailleurs, dans une région où le chômage des jeunes atteint 78 % et où plus d’un quart des habitants sont au chômage, tandis que 2 000 familles survivent grâce aux allocations, sur 130 000 habitants. Dans cette région du sud de l’île, autrefois bastion rouge, le M5S a remporté 43 % des voix. Comme le faisait remarquer un ouvrier de l’ex-Alcoa, syndicaliste de la CGIL : « La déception créée par les partis de gouvernement provient de ces six années de fermetures d’usines, pendant lesquelles aucune alternative n’a été créée pour les travailleurs. Voilà pourquoi les citoyens de cette région se sentent trahis et prêts à essayer tous les autres, sans plus aucun repère politique. »

Dans tout le pays, beaucoup de travailleurs survivent avec des salaires mensuels tournant autour de 700 euros par mois. Des travailleurs du ménage touchent 6 euros brut de l’heure le plus légalement du monde. Et, dans bien des secteurs, des taux horaires misérables de ce genre ne s’appliquent qu’à la partie légale d’un contrat en temps partiel, le reste étant payé au noir à un taux encore inférieur.

Du côté du patronat, on ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Les assises de la Confindustria, le Medef italien, réunies à Vérone en février, ont fait ainsi connaître leurs exigences : « Il y a 250 milliards de ressources à libérer en cinq ans, avec la participation de l’Europe, du secteur public et du secteur privé. » Tout en se déclarant « équidistante de tous les partis », l’organisation des patrons a averti qu’il n’était pas question de « revenir sur des réformes nécessaires aux entreprises et qui démontrent leur efficacité ». La feuille de route est tracée !

Le patronat continue sa pression pour imposer des contrats entreprise par entreprise, en sortant des accords de branche. Il s’agit de diviser toujours plus les travailleurs et d’inclure des conditions de rentabilité pour chaque petit avantage obtenu, d’exercer une pression encore plus grande là où les travailleurs sont les moins nombreux ou les plus exposés.

Retrouver des perspectives politiques

L’écroulement électoral du PD mais aussi de Forza Italia, ainsi que l’envolée des résultats de la Ligue et du M5S, traduisent le discrédit qui atteint les partis traditionnels, mais aussi le système parlementaire lui-même. Cependant Di Maio d’une part, Salvini d’autre part, sont tout à fait prêts à servir de béquille à ce système usé et à offrir une solution de gouvernement à la bourgeoisie italienne, de façon qu’elle puisse sortir de cette crise politique comme elle s’est sortie de bien d’autres.

Mais ces élections traduisent surtout le profond désarroi des classes populaires et en particulier de la classe ouvrière, réduite à chercher désespérément des sauveurs du côté de vendeurs d’illusions du type du M5S ou, pire, du côté de politiciens racistes et xénophobes.

Cette situation est le produit d’une longue évolution qui a progressivement démoralisé et désarmé une classe ouvrière qui était l’une des plus organisées et conscientes d’Europe. Le Parti communiste italien, devenu une énorme force électorale, n’a eu de cesse de faire les compromis nécessaires pour pouvoir accéder au gouvernement de la bourgeoisie. On l’a vu militer pour le « compromis historique » avec le grand parti bourgeois de l’après-guerre, la Démocratie chrétienne, puis mettre en avant l’eurocommunisme, qui se voulait le modèle du réformisme applicable aux pays d’Europe occidentale, tout en cherchant à démontrer constamment sa capacité de parti de gouvernement prenant en compte les intérêts de la bourgeoisie. On l’a vu, au nom de cette volonté d’être responsable, se faire le complice ou l’acteur actif de toutes les attaques contre la classe ouvrière. Ce sont ses propres dirigeants qui ont théorisé le dépassement de la lutte des classes et de toute idée de renversement du système capitaliste. Puis ils ont sabordé le Parti communiste lui-même pour le transformer en un Parti de la gauche démocrate qui a fini par abandonner même l’appellation de « gauche », qu’ils jugeaient encore trop subversive, pour faire leur idéal du Parti démocrate des États-Unis.

Dans le contexte de la crise capitaliste, le réformisme revendiqué par ces dirigeants honteux de s’être appelés un jour communistes s’est concrétisé dans des gouvernements menant la guerre au monde du travail, dont le gouvernement Renzi n’a été que le dernier spécimen. Cette politique a laissé dans les usines et les quartiers ouvriers des militants à qui leurs propres dirigeants disaient de se plier aux désirs de la bourgeoisie, privés de toute perspective et profondément démoralisés. Elle a laissé une classe ouvrière ayant perdu ses valeurs de solidarité, livrée à celles de la petite bourgeoisie, à l’individualisme, au nationalisme, voire aux idées racistes.

La classe ouvrière n’a pas plus disparu que l’exploitation. Aussi désarmée politiquement qu’elle soit aujourd’hui, elle n’a pas d’autre choix que de lutter pour se défendre. On le voit notamment dans des secteurs comme celui de la logistique, qui emploie des travailleurs précaires le plus souvent immigrés, qui réagissent contre la surexploitation avec plus de combativité que ceux de secteurs plus traditionnels. Mais, aujourd’hui, il faut constater que la politique des dirigeants traditionnels du mouvement ouvrier a fait de celui-ci un champ de ruines. Et la classe ouvrière d’Italie ne pourra retrouver réellement des perspectives que s’il se trouve en son sein des militants décidés à redonner vie aux véritables traditions du mouvement ouvrier révolutionnaire et qui militent avec détermination pour regagner le terrain perdu, dans les rapports de force de classe comme dans les consciences.

28 mars 2018