France - Jospin : un bilan peu propice à rallier l'adhésion populaire

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Octobre 2001

L'élection présidentielle aura lieu dans quelques mois et la campagne électorale est ouverte depuis déjà des mois, si ce n'est depuis la dernière élection présidentielle, en 1995. Jospin, battu alors au second tour par Chirac, espère bien l'emporter cette fois-ci. Or si, sans nul doute, la bourgeoisie apprécie son bilan au gouvernement, une partie de son électorat, parmi la population laborieuse, a par contre des raisons d'être mécontente. Jospin tente donc de faire valoir ce bilan auprès de l'électorat populaire en mettant l'accent sur sa politique prétendument sociale, en matière d'emploi et de réduction des inégalités.

Un bilan "dont nous pouvons être raisonnablement fiers parce que nous avons su affronter la réalité sans rien renier de nos valeurs et de nos engagements. Nous avons montré ce qu'est une politique économique et sociale de gauche et moderne", a-t-il dit en clôture de l'université d'été du Parti socialiste, début septembre, ajoutant : "Ne sommes-nous pas le gouvernement le plus à gauche de toute l'Europe ?". Il a d'ailleurs affirmé : "Nous sommes restés fidèles à notre identité socialiste".

Des promesses électorales aux actes

Rien renié de ses engagements ? Oh, que si. Bien qu'il en ait fait très peu aux travailleurs, Jospin a renié, dès son arrivée au gouvernement, les rares promesses faites avant les élections. Cela ne l'empêche pas de mentir aujourd'hui en escomptant que les travailleurs auront la mémoire courte. Mais il est bien peu probable que les travailleurs de Renault Vilvorde, par exemple, dont l'usine a fermé, aient oublié qu'il leur avait promis, trois jours avant le deuxième tour des élections législatives de 1997, que, "en tant qu'actionnaires de Renault, dans l'hypothèse d'une victoire de la gauche aux élections, les représentants de l'Etat au conseil d'administration exigeraient que d'autres mesures soient envisagées, étudiées et préparées pour résoudre les difficultés qui peuvent exister en matière de coûts de production de l'usine de Vilvorde" ; puis que, dans la semaine qui a suivi sa nomination comme Premier ministre, il avait affirmé : "En tant que responsable politique, je ne peux pas apporter une solution à un problème industriel", "ce n'est pas le gouvernement qui décide et il n'a pas, non plus, une emprise directe sur Renault".

Carte blanche au patronat pour licencier

A partir de là, le leitmotiv de Jospin face aux plans de licenciements ou de fermetures d'entreprises a été "nous ne vivons plus dans une économie administrée", argument utilisé à nouveau lors de l'annonce des suppressions d'emplois chez Michelin en septembre 1999.

Jospin s'est donc dit impuissant à chaque fois que l'émotion suscitée dans le pays par l'avidité du patronat l'a obligé à s'exprimer. De fait, son gouvernement s'est bien gardé d'intervenir lors des milliers de plans dit sociaux qui ont été opérés depuis 1997. Plus de mille plans chaque année ont été notifiés à l'administration. Et l'année 2001 ne sera pas en reste si on en juge par la multiplication des annonces de plans de suppressions d'emplois, de fermetures d'entreprises, voire de dépôts de bilan, par des sociétés parmi les plus connues, de Danone à Marks et Spencer, d'AOM-Air Liberté à Valéo, de Moulinex à Bata... Au mois de juillet dernier, on enregistrait déjà une hausse de 7,4 % du nombre des licenciements économiques.

Le dépôt de bilan de Moulinex qui concerne près de 22 000 salariés dans le monde, dont 11 500 en France, a arraché quelques mots à Jospin : "Il faut, et nous allons le faire, trouver des solutions pour aider les salariés de cette entreprise". Le ministre de l'Industrie, Christian Pierret, fait le tour des entreprises privées, "que j'essaie de persuader de reprendre des Moulinex et ça marche puisque j'ai d'ores et déjà trois entreprises qui sont d'accord", affirmait-il le 7 septembre dernier.

"Essayer de persuader les entreprises" ! Le gouvernement fait mine de se démener pour aider les salariés. En fait, il laisse faire le patronat car il n'est pas question de le contraindre, en dépit des petites phrases de Jospin. "La logique du profit ne doit pas s'exercer au détriment de l'emploi", avait-il par exemple lancé à propos des licenciements chez Danone. Il est vrai que c'était la veille du 1er avril !

Jospin s'était pourtant engagé, avant les élections de 1997, à donner aux inspecteurs du Travail le droit de contrôler et de refuser des plans de licenciements. Mais il n'en a rien fait. La loi dite de modernisation sociale, présentée parfois abusivement dans la presse comme une loi antilicenciements, qui n'a pas encore été adoptée définitivement, ne comporte aucune disposition qui permettrait d'obliger un patron à renoncer à des licenciements. Elle permet tout juste aux organisations syndicales de faire des propositions alternatives, puis de saisir un médiateur, mais, faute d'un accord, le patron met en oeuvre son propre plan. Faisant mine de légiférer en faveur des salariés, il est significatif qu'il se refuse à empiéter sur les sacro-saintes prérogatives des patrons à rester maîtres chez eux, même si leurs décisions ont des conséquences dramatiques pour des milliers de personnes. D'ailleurs, il se garde bien d'utiliser les moyens de pression dont il dispose déjà tels que l'arrêt des aides et subventions, des commandes de l'Etat, et même la réquisition des entreprises comme en temps de guerre alors que le patronat mène une véritable guerre aux travailleurs !

C'est dire que, depuis quatre ans, le gouvernement a tout fait pour ne pas remplir ses engagements en matière de protection des salariés contre l'arbitraire patronal. Alors, laisser faire le patronat, s'interdire toute contrainte à son égard, et par contre lui fournir des aides de plus en plus importantes prises sur l'argent public, c'est cela la politique de gauche et moderne dont se vante Jospin.

Une baisse du chômage en trompe-l'oeil

L'argument essentiel que Jospin met en avant, c'est qu'il y aurait eu plus d'emplois créés que d'emplois supprimés pendant son gouvernement et qu'il aurait réussi à faire baisser le taux du chômage. C'est même le principal point de son bilan. Le nombre de demandeurs d'emploi a reculé, selon les statistiques officielles, de 41 000 en 1997, 132 000 en 1998, 337 000 en 1999 et 420 000 en 2000 ; en tout, il y aurait aujourd'hui un million de chômeurs en moins.

Pourtant, ces chiffres ne décrivent qu'une partie de la réalité. Une étude de Cerc Association estime qu'entre janvier 1997 et janvier 2000, "la forte baisse des statistiques mensuelles du chômage dissimule une progression non moins spectaculaire des autres catégories de demandeurs d'emploi". Le nombre des personnes recensées comme demandant un travail à temps partiel ou à durée déterminée non comptées dans les chiffres officiels a augmenté de près de 250 000. De même le nombre de travailleurs en activité réduite, ayant travaillé au moins 78 heures dans le mois et qui ne sont pas comptabilisés non plus dans les chiffres officiels, a augmenté de près de 200 000. Les chiffres officiels du chômage ne recensent d'ailleurs aujourd'hui que 47 % des travailleurs sous-employés contre 61 % en 1996.

Si bien qu'entre janvier 1997 et janvier 2000, alors que le gouvernement mettait en avant une baisse officielle de 580 000 du nombre des demandeurs d'emploi, le nombre de demandeurs d'emploi non recensés dans les chiffres officiels augmentait, lui, de plus de 440 000 ! Ce n'est qu'au cours de l'année 2000 que l'ensemble des catégories de demandeurs d'emploi a baissé. On est donc bien loin du nombre de un million de chômeurs en moins dont se targue le gouvernement, d'autant que, depuis cet été, même les chiffres officiels sont repartis à la hausse. Et il y a encore, même officiellement, plus de deux millions de chômeurs.

Le bilan de Jospin n'est donc pas très convaincant, même sur ce terrain. D'ailleurs, comment pourrait-il en être autrement dès lors qu'il laisse les patrons libres de licencier à tour de bras ?

Précarité et bas salaires

Quant aux emplois créés, la plupart ne sont pas de même nature que les emplois perdus et nombre d'emplois à plein temps relativement bien payés ont été remplacés par des emplois mal payés, précaires, à temps partiel. Plus de 80 % des emplois créés depuis 1997 dans le secteur marchand l'ont été avec des salaires inférieurs à 1,3 SMIC. Et beaucoup sont bien inférieurs au SMIC.

Par exemple, le nombre d'emplois d'intérimaires a considérablement augmenté. En 1999, un quart des embauches s'est fait en interim et, en 2000, une embauche sur six. La France est à la deuxième place dans le monde, juste derrière les USA, pour le recours à ce type de contrat. En trois ans, de 1998 à 2000, les emplois intérimaires ont augmenté de 300 000 et dépassent les 700 000. Il s'agit d'emplois ramenés à des pleins temps pour les statistiques. Mais les intérimaires travaillent en moyenne à mi-temps sur l'année, ce qui signifie que les 700 000 emplois intérimaires recensés concernent en réalité 1 400 000 personnes qui ne gagnent en moyenne que la moitié ou le tiers du SMIC. La durée moyenne d'une mission est de onze jours. Et une grande partie d'entre eux ne sont pas comptabilisés dans les chiffres officiels du chômage.

Il en est de même pour les travailleurs sous contrats à durée déterminée, en forte progression eux aussi, et dont le nombre dépasse le million.

Quant aux contrats à durée indéterminée, ils sont loin d'être synonymes de temps plein et de salaire complet. Nombre d'entre eux sont des contrats à temps partiel avec salaire partiel.

Non seulement les travailleurs précaires sont les premiers licenciés mais ils le sont dans la discrétion la plus totale puisqu'ils ne comptent pas dans les plans de licenciements annoncés, étant entendu que la précarité fait partie de leur contrat. Les grandes entreprises peuvent les renvoyer en masse à l'ANPE sans avoir à le notifier. C'est ce qui se passe depuis quelques mois, si bien que les intérimaires et les CDD représentent la majorité des nouveaux inscrits à l'ANPE. Le nombre des intérimaires inscrits à l'ANPE a augmenté de 43,5 % en un an.

Non seulement le gouvernement n'a rien fait pour décourager ces embauches précaires et à temps partiel mais les emplois dits aidés sont précisément de ce type : contrat emploi-solidarité, contrat emploi consolidé. Stages et contrats aidés représentent 570 000 personnes en 2001, elles aussi hors statistiques. Le gouvernement, qui avait commencé à réduire la création de ce type d'emploi en 2000, a à nouveau programmé une augmentation de ces contrats cette année, pour limiter l'augmentation du chômage. C'est dire que le souci premier du gouvernement, c'est la bonne santé des statistiques et pas le bien-être des personnes qui ne peuvent pas vivre avec un demi-SMIC.

Cette volonté d'améliorer les statistiques faute de changer la réalité aboutit d'ailleurs à une accélération des radiations des fichiers de l'ANPE : 231 000 radiations en 2000 contre 85 346 en 1996, alors que, parmi ceux qui ont été radiés, ceux qui ont retrouvé un emploi sont une minorité.

Les seuls emplois à plein temps payés au SMIC qui ont été proposés par le gouvernement pour réduire le chômage sont les emplois-jeunes. Mais là encore Jospin est bien loin d'avoir tenu ses promesses de 1997. Il s'était engagé à créer 700 000 emplois-jeunes en trois ans : 350 000 dans le public et 350 000 dans le privé. Non seulement il n'a pas rempli son contrat dans le secteur public, puisque seuls 277 000 emplois y ont été créés, mais il n'y en a eu aucun dans le secteur privé, Jospin ayant une fois encore renoncé à l'exiger des patrons. La majorité des emplois créés sont des emplois à durée déterminée, dont il n'est pas du tout sûr qu'ils puissent être reconduits au-delà de cinq ans.

La pauvreté n'a pas reculé

Malgré la reprise économique et "les bons chiffres du chômage", la pauvreté n'a pas reculé depuis 1997 et continue à frapper des millions de personnes.

Il y a toujours plus de trois millions de personnes qui touchent les minima sociaux. Le million de personnes au RMI et les 450 000 chômeurs en fin de droits ne touchent qu'un peu plus de 2 600 F par mois.

Conséquence de la précarité au travail, des emplois à temps partiels, il y a en outre 1 300 000 travailleurs pauvres disposant de moins de 3 600 F pour une personne seule. Les deux tiers de ces travailleurs pauvres ont cependant travaillé toute l'année !

En comptant les personnes à la charge des allocataires des minima sociaux et des travailleurs pauvres, ce sont environ 10 % de la population qui vivent dans la pauvreté, 6 millions de personnes, dont près d'un million d'enfants.

Le bilan du gouvernement en matière de chômage et de pauvreté est donc bien limité et certainement pas en rapport avec les centaines de milliards donnés au patronat sous prétexte de l'aider à créer des emplois.

Les lois Aubry : une bonne affaire pour les patrons

La politique du gouvernement concernant la réduction du temps de travail, un autre fleuron du bilan de Jospin, est bien significative des choix du gouvernement.

En effet, les lois Aubry sur les 35 heures n'ont pas coûté un sou aux patrons mais ce sont les travailleurs eux-mêmes qui ont supporté l'essentiel de leur coût, l'Etat finançant le reste par les impôts ou les caisses de la Sécurité sociale, ce qui revient d'ailleurs en grande partie à faire encore payer les travailleurs !

En effet, la réduction légale du temps de travail de 39 à 35 heures telle qu'elle a été mise en place par les lois Aubry ne vise pas à améliorer les conditions de travail et d'existence des salariés, malgré les intentions affichées du gouvernement, mais à accorder de substantiels avantages au patronat : flexibilité des horaires de travail et subventions massives.

Les lois Aubry, en modifiant la définition du temps de travail, autorisent le patronat à déduire de celui-ci temps de pause, d'habillage, de douche, etc., que le salarié passe néanmoins dans l'entreprise. Elles permettent d'imposer une flexibilité des horaires en fonction des aléas de la production, le temps de travail pouvant être calculé à l'année, flexibilité faut-il le rappeler que le patronat réclamait depuis des années. Cela évite aux patrons de payer bon nombre d'heures supplémentaires ou la mise en chômage partiel du personnel. Cela leur évite aussi d'embaucher proportionnellement à la réduction du temps de travail. D'ailleurs, les accords de réduction du temps de travail, qui touchent à l'heure actuelle 6 millions de salariés, n'ont donné lieu, selon les chiffres annoncés par Lionel Jospin lui-même, qu'à 240 000 embauches. Même si ces chiffres ne sont pas surestimés, l'augmentation de la production pendant cette période s'est donc effectuée par une exploitation accrue des travailleurs. De plus, les patrons en ont profité pour imposer bien souvent un gel des salaires sur une, deux, voire trois années.

La loi Aubry II n'a d'ailleurs plus mis aucune condition d'embauche de personnel supplémentaire ou de préservation d'emplois pour accorder des subventions aux entreprises, et la récente décision du gouvernement d'augmenter encore pour les petites entreprises le nombre d'heures supplémentaires autorisées, jusqu'à 180 heures, montre bien que son souci n'est pas une réelle réduction du temps de travail des salariés. D'ailleurs, trois ans après le vote de la première loi, le temps de travail moyen effectué par les salariés était toujours de 38,9 heures en juin 2001 !

La façon dont le gouvernement entend appliquer la réduction du temps de travail dans la fonction publique, à effectif constant, sans embauches supplémentaires, prouve à quel point ce ne sont pas les conditions de travail des salariés qui lui importent. L'exception de 45 000 embauches dans les hôpitaux, loin de compenser les départs en retraite, illustre à nouveau le mépris du gouvernement "le plus à gauche de toute l'Europe" pour les intérêts des salariés et, en l'occurrence, aussi pour l'intérêt des malades.

Non seulement ce sont les salariés qui ont finalement supporté la charge de la réduction du temps de travail par la dégradation de leurs conditions de travail et le gel de leurs salaires et parfois même par une réduction de ceux-ci , mais ce sont les patrons que le gouvernement s'emploie à dédommager grassement... pour des avantages qu'ils en ont retirés ! Cette manne représente de 4 000 à 21 500 F par an et par salarié, selon le salaire versé. Voilà qui représente globalement quelque 120 milliards de francs en année pleine, puisés dans l'argent public et dispensés chaque année au patronat.

Une réforme sociale qui profite au patronat et est payée essentiellement par les travailleurs, on peut dire que c'est une politique de gauche vraiment moderne !

La CMU au rabais

L'une des rares promesses que Jospin a tenues, et qui figure comme la grande réforme sociale de son gouvernement, c'est l'instauration de la CMU, la Couverture Maladie Universelle. C'est aussi celle qui a coûté le moins cher à l'Etat, 1,8 milliard de francs seulement, tant la fameuse couverture a été chichement mesurée et est bien loin d'être si universelle que cela !

En effet, si elle a procuré une assurance médicale de base à 150 000 personnes qui en étaient dépourvues, elle a institué un plafond de ressources pour bénéficier de l'assurance complémentaire gratuite, qui exclut en particulier les personnes âgées touchant le minimum vieillesse ou celles qui touchent l'allocation adulte handicapé, alors qu'elles en auraient pourtant bien besoin.

Le plafond de ressources est aujourd'hui de 3 600 F et est inférieur de 52 F au minimum vieillesse et à l'allocation adulte handicapé. Et, mesquinerie supplémentaire, une partie des allocations logement est prise en compte dans le calcul des ressources.

La CMU devait bénéficier à 6 millions de personnes mais elle n'en couvre actuellement qu'un peu plus de 5 millions. Parmi elles, 2,5 millions de personnes bénéficiaient déjà de l'aide médicale gratuite dispensée par les départements. Comme une dizaine de départements avait institué un plafond de ressources supérieur à celui de la CMU, c'est un million de personnes qui, bénéficiant provisoirement de la CMU, devaient en être exclues en juillet 2000. Jusqu'ici, le gouvernement a repoussé à plusieurs reprises l'échéance, qui se situe maintenant au 31 décembre 2001. La couverture universelle ne s'applique pas de la même façon pour tous car des millions de personnes en sont écartées alors qu'elles ont des ressources aussi faibles.

Mais, évidemment, remonter le plafond pour que personne ne soit privé de soins faute de ressources suffisantes, cela coûterait plus cher. Pour l'instant l'Etat, en récupérant les 5,4 millions qui étaient consacrés à l'aide médicale gratuite et en taxant les mutuelles de 1,8 milliard, ne garde à sa charge que 1,8 milliard de francs. Et encore, puisque non seulement il y a moins de bénéficiaires que prévu mais la dépense par bénéficiaire est inférieure elle aussi aux prévisions !

C'est dire que l'accès aux soins est loin encore d'être universel. Et alors que le gouvernement consacre plusieurs centaines de milliards chaque année sur l'argent public à des subventions au patronat, il n'accorde que ce qu'il faut bien appeler une aumône aux besoins vitaux d'une partie importante et démunie de la population ! Encore une politique de gauche moderne sans doute !

Les réformes fiscales aggravent encore les inégalités

Il n'est pas dans notre propos de passer en revue l'ensemble de la politique du gouvernement Jospin, qui s'inscrit fidèlement dans un dévouement sans faille aux intérêts du patronat aussi bien en matière de politique économique et sociale qu'en politique extérieure. Mais, parmi les réalisations dont il se flatte auprès de l'électorat populaire dans l'espoir de l'emporter lors de la prochaine présidentielle, il y a aussi les baisses d'impôts.

Là encore, la politique de gauche "moderne" a consisté à faire de gros cadeaux aux riches et quelques aumônes aux moins riches.

La promesse de revenir sur la hausse de deux points de la TVA instaurée par Juppé (une charge de 60 milliards de francs pesant sans aucune progressivité sur tous les revenus, même les plus bas), n'a même pas été tenue : il a fallu près de trois ans à Jospin pour qu'il se décide à diminuer la TVA d'un point, la ramenant ainsi à 19,6 %, ce qui reste considérable. C'est d'ailleurs toujours la principale rentrée dans les caisses de l'Etat. L'abaissement de la TVA à 5,5 % pour certains travaux d'aménagement dans les habitations profite essentiellement aux couches favorisées de la population.

En matière d'impôts indirects, il a certes abrogé la vignette automobile. Mais cela ne représente que quelques centaines de francs pour les petites cylindrées (parfois moins de 200 F). Par contre, c'est un cadeau de plusieurs milliers de francs (jusqu'à plus de 10 000, voire même plus de 15 000 F) pour les possesseurs de grosses voitures.

Mais, surtout, Jospin a baissé l'impôt sur le revenu le seul impôt progressif non seulement pour les tranches les plus basses mais aussi pour les deux tranches les plus hautes ! Inutile de dire que, là non plus, le cadeau n'est pas de la même importance dans les deux cas.

Et ce n'est pas la prime pour l'emploi, le nouveau gadget du gouvernement, qui permet de compenser ces injustices. 8 millions de foyers vont toucher cette année en moyenne 946 F et le doublement de cette prime l'an prochain ne changera pas vraiment la situation des bénéficiaires, d'autant que les plus démunis, ceux qui ne sont pas salariés ou qui sont salariés à temps partiel, ne la touchent même pas.

Quant aux impôts qui touchent les entreprises, ils continuent à diminuer par dizaines de milliards chaque année. Le budget présenté pour 2002 prévoit à nouveau des baisses d'impôts se montant à 40 milliards de francs pour les entreprises alors que les réductions pour les ménages ne sont que de 20 milliards, dont on a vu que seule une petite partie bénéficiera à la population laborieuse.

Non seulement le gouvernement ne se sert pas de l'impôt pour redistribuer un peu plus égalitairement les richesses, mais il puise massivement dans l'argent public pour subventionner les entreprises. Plus personne aujourd'hui n'est en mesure de faire le compte des transferts de charges, exonérations, subventions directes dont bénéficie chaque année le patronat. Il s'agit de toute façon de plusieurs centaines de milliards de francs, auxquels le gouvernement va ajouter 120 milliards supplémentaires pour dédommager les patrons du passage aux 35 heures qui leur a pourtant déjà bien profité !

Une politique de gauche qui ressemble à celle de la droite

Alors si la politique de Jospin est le nec plus ultra d'une politique de gauche, c'est bien que la politique "de gauche", pas plus que la politique "de droite", n'est une politique en faveur des travailleurs. A vrai dire, la politique en faveur du grand patronat est bien la même depuis un quart de siècle, que le gouvernement soit de droite ou se dise de gauche. Et Jospin qui a disposé de cinq ans sans mettre en oeuvre une politique susceptible de convaincre les travailleurs aura sans doute bien du mal à gagner leur adhésion au travers de promesses électorales pour les cinq années à venir. Sauf à utiliser la droite comme épouvantail et à dire qu'ailleurs, c'est pire... ce qu'il a commencé à faire !