Du Japon au Sud-Est asiatique et à la Russie

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13 novembre 1998

En revanche, quand la spéculation boursière et immobilière japonaise a commencé à se dégonfler après 1990, les spéculateurs ont commencé à retirer leurs capitaux et à les reporter ailleurs, là où il y avait des affaires à faire. Et entre autres cela a été en Asie du Sud-Est. C'est pourquoi on a assisté à l'emballement de la spéculation immobilière et boursière dans ces pays, en particulier à partir de 1992.

Signalons d'ailleurs au passage que les capitaux européens n'étaient pas les derniers à s'intéresser à ces "opportunités d'investissement", comme disent les capitalistes. Les grands groupes financiers français se sont mis sur les rangs de la spéculation en Asie du Sud-Est : Paribas, la Société Générale, la BNP, le Crédit Agricole, Indosuez, ont envoyé des équipes sur place. Ils ont envoyé par exemple des spécialistes de l'"investment banking", c'est-à-dire de l'émission d'actions et d'obligations, des experts en financement ou des spécialistes du marché des devises. Voilà avec quoi on allait aider ces pays à émerger du sous-développement !

Combien les banques françaises ont-elles gagné dans ces affaires, on ne le saura pas. Mais si elles ont essuyé des pertes, on peut être certain qu'on les payera. L'Asie du Sud-Est est loin, mais les pertes de ces investissements hasardeux seront provisionnées dans les bilans des banques françaises, toujours sous le terme de "créances irrecouvrables". Et elles chercheront évidemment à les récupérer auprès de l'Etat et des contribuables ou sur le dos de leur personnel salarié !

Mais pour revenir aux banques japonaises, bien qu'elles étaient fortement engagées en Asie du Sud-Est et ont donc essuyé une bonne partie des pertes dues à la crise dans cette région, celles-ci représentaient encore peu de choses relativement à la montagne d'autres dettes accumulées lors de l'éclatement de la précédente bulle financière, japonaise celle-là.

A combien se montent exactement les "mauvaises créances" détenues par les banques japonaises ? Personne n'a l'air de le savoir vraiment puisque les estimations varient facilement du simple au double, mais il semble que le montant atteigne mille milliards de dollars. Cette dernière estimation est paraît-il la plus fiable et, pour en donner une idée, cette somme engloutie représente trois fois et demie le budget annuel de la France !

En tout cas, une fois le mal fait en Asie du Sud-Est puis au Japon, les capitaux en quête de profits se sont tournés vers d'autres cieux. On nous a même expliqué à ce moment qu'au fond, la crise en Asie du Sud-Est pouvait être un bien parce qu'elle donnait de bonnes "opportunités" aux capitaux occidentaux d'acheter des entreprises à bas prix dans ces pays, tandis que des masses de capitaux en provenance du Sud-Est asiatique allaient se déverser sur les Bourses des pays occidentaux. Et de fait, pendant les premiers mois de 1998, l'optimisme a continué de régner sur les Bourses occidentales : les cours des actions sont montés de 50 % à Paris en six mois, entre janvier et juin 1998. L'emballement spéculatif continuait, comme si de rien n'était. Il avait simplement changé de place.