Italie : Meloni, nouveau visage de la réaction

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novembre 2022

Le 25 septembre, les élections législatives et sénatoriales en Italie ont donné la victoire à la coalition dite de centre droit. Elle associe Forza Italia, de l’inamovible Berlusconi, à la Ligue, le parti xénophobe de Salvini, et au parti néofasciste de Giorgia Meloni, Fratelli d’Italia. Ce centre droit se situe donc nettement à l’extrême droite.

C’est la chute du gouvernement Draghi qui a conduit à l’organisation de ces élections. L’ancien président de la Banque centrale européenne, incarnation parfaite des intérêts de la grande bourgeoisie, était à la tête d’un gouvernement d’unité nationale comprenant quasiment tous les partis, du Parti démocrate (PD) de gauche aux troupes de Berlusconi, en passant par les prétendus anti­systèmes, comme la Ligue d’extrême droite de Salvini et le M5S, le Mouvement 5 étoiles.

Ces derniers ont fini par se dire qu’il fallait quitter le navire et se démarquer des mesures les plus impopulaires qu’entraîne l’aggravation de la crise, en faisant chuter le gouvernement. Mais ces nouvelles élections ont donné la prime à Fratelli d’Italia, les seuls à être restés rigoureusement à l’écart des coalitions gouvernementales qui se succèdent depuis quatre ans, alors que les autres partis enregistraient des reculs plus ou moins catastrophiques.

Meloni détrône Salvini

La victoire de Giorgia Meloni, chargée de former le prochain gouvernement, suscite l’inquiétude d’une fraction de l’opinion, en particulier dans les milieux de gauche. Cent ans après la Marche sur Rome qui porta Mussolini au pouvoir en octobre 1922, comment expliquer la victoire d’un parti, Fratelli d’Italia, héritier du MSI, le Mouvement social italien créé en 1946 par les fidèles de Mussolini ? Ce résultat est-il un pas vers le fascisme, ou du moins vers une forme de gouvernement plus autoritaire ?

La victoire du parti de Meloni confirme en tout cas un enracinement du vote d’extrême droite qui ne date malheureusement pas d’hier. Ces dernières élections ne traduisent cependant pas une progression massive de la droite : avec un peu plus de 12 millions de voix, les partis qui composent la coalition dite de centre droit n’en ont gagné que 150 000 par rapport aux précédentes législatives de 2018. Ils perdent même 800 000 voix si l’on compare aux élections les plus récentes, les européennes de 2019.

C’est au sein de l’électorat de droite que les suffrages se sont déplacés, en particulier à l’extrême droite, de la Ligue à Fratelli d’Italia. La Ligue de Salvini, qui frôlait les 35 % aux européennes de 2019, a plongé à 9 %, payant sa participation au premier gouvernement Conte, puis au gouvernement Draghi. La politique d’opposition de Meloni a permis à son parti de siphonner les voix de la Ligue et de passer d’un peu plus de 6 % aux européennes de 2019 à près de 29 % cette fois-ci.

Meloni a séduit notamment l’électorat petit-bourgeois traditionnel de la Ligue: ces boutiquiers, ces petits et moyens entrepreneurs qui, après avoir subi les effets de la pandémie, souffrent de la flambée des prix et craignent de basculer dans la pauvreté. Elle a sans doute aussi mordu sur une fraction de l’électorat ouvrier, celle qui avait déjà franchi le pas consistant à voter pour la Ligue.

Mais, outre la progression de Fratelli d’Italia (Frères d’Italie, les paroles du début de l’hymne national), l’autre résultat significatif de ces élections est le taux inédit d’abstention : 39,2 % des électeurs ont boudé les urnes, en particulier dans les quartiers populaires. C’est un record pour ce type d’élections. D’après un institut de sondage, 50 % des personnes qui « se déclarent en difficultés économiques » ne se sont pas déplacées vers l’isoloir. Le niveau d’abstention a d’ailleurs été plus important au sud du pays, plus pauvre, qu’au nord. Et dans tout le pays les niveaux d’abstention dans les quartiers ouvriers sont très largement au-dessus de la moyenne nationale.

Le désintérêt de l’électorat ouvrier témoigne de son dégoût profond pour cette classe politicienne privilégiée. Sa politique a été marquée ces dernières années par ses alliances et retournements de veste successifs, au nom d’un intérêt supérieur de la nation qui cache bien mal l’intérêt du grand patronat, et accessoirement l’intérêt de ces politiciens eux-mêmes. Pour la population, elle ne s’est traduite que par une aggravation continue de sa situation.

Avec Meloni, c’est donc pour la première fois une femme, relativement jeune, 45 ans, surtout à côté des 85 ans d’un Berlusconi, qui va prendre la tête de l’État. La nouveauté s’arrête là, car Meloni est une vieille routière de la politique, élue pour la première fois conseillère régionale à 21 ans, puis députée, et qui fut même ministre à 31 ans, dans le gouvernement Berlusconi de 2008. Tout cela sans avoir à faire mystère de son admiration pour Mussolini, « un grand homme d’État » dont toutes les actions étaient justifiées, d’après elle, puisqu’elles avaient été faites « pour le bien de l’Italie ».

La marche des fascistes vers la respectabilité

Le MSI, Mouvement social italien, d’où est issu le parti Fratelli d’Italia de Meloni, est né en 1946. Pendant près de quarante ans, il fut le drapeau ralliant les nostalgiques du fascisme. S’il restait minoritaire et à l’écart des différentes combinaisons gouvernementales, il pouvait compter sur un socle électoral qui lui donnait régulièrement entre 5 % et 10 % des voix, lui permettait d’avoir des élus et de faire fonctionner un appareil. L’un des fondateurs du MSI, Giorgio Almirante, avait été secrétaire de la revue La défense de la race de 1938 à 1942 – le titre en dit suffisamment sur le contenu – et cadre de la République de Salò, cette pseudo-république fasciste mise en place en 1943 dans le nord du pays, soumise aux troupes et aux décisions de Hitler. Rien de tout cela n’empêcha Almirante d’être député sans interruption, de 1948 jusqu’à sa mort en 1988. Pas plus que la loi censée interdire l’apologie du fascisme, en vigueur en Italie depuis 1952, n’empêchait le MSI d’organiser chaque année une cérémonie du souvenir de la Marche sur Rome.

En fait, les héritiers du fascisme, pour s’intégrer au jeu de la république parlementaire, ont depuis longtemps bénéficié de la complicité des grands partis dits démocratiques et antifascistes, et cela dès le lendemain de la guerre et des vingt ans de dictature fasciste.

Toutes les forces politiques œuvrèrent alors à reconstruire l’appareil d’État au plus vite, pour maintenir l’ordre bourgeois. Le Parti communiste se révéla le plus ardent partisan de l’union nationale, se déclarant même prêt à collaborer avec la monarchie si nécessaire, suivant la politique dictée par la bureaucratie stalinienne pour éviter toute crise révolutionnaire. Son dirigeant, Togliatti, à peine revenu en Italie en 1944, fit un discours resté célèbre comme celui du « tournant de Salerne », ville où il le prononça. Il n’était plus question de révolution ouvrière, mais de libération de la nation et d’appui au même roi, Victor-Emmanuel III, qui avait installé Mussolini au pouvoir en 1922.

Au nom de l’unité antifasciste, le Parti communiste allait participer à tous les gouvernements de 1944 à 1947, prêt à toutes les concessions pour remettre en selle la bourgeoisie et son État. Et c’est précisément Togliatti, en tant que ministre de la Justice, qui fit voter en 1946 l’amnistie des fascistes, en même temps que la république était instituée, montrant que le Parti communiste était un parti responsable, sachant faire passer la continuité de l’État avant tout le reste.

L’appareil d’État de la jeune république conserva donc une bonne partie des hommes du fascisme, au sein de la police, de la justice et de l’armée, parmi les hauts fonctionnaires de l’administration. Elle en conserva également le Code pénal. Bien des structures fascistes perdurèrent, simplement recouvertes d’un vernis démocratique. Et, pour n’oublier aucun aspect réac­tion­nai­re, la nouvelle Constitution républicaine conservait à l’Église une position privilégiée.

Si le MSI put donc se constituer tout à fait légalement, il devait tout de même rester pendant vingt ans à l’écart de toutes les combinaisons électorales. Le régime parlementaire nécessitait des coalitions et des accords entre partis, pour créer des majorités et former des gouvernements. Pendant des décennies, la Démocratie chrétienne, liée à la hiérarchie catholique, en fut la colonne vertébrale, recherchant des alliances tantôt sur sa gauche, tantôt sur sa droite. En 1958, c’est un de ses dirigeants, Tambroni, qui, ne parvenant pas à trouver de majorité pour asseoir son gouvernement, accepta les voix du MSI. La même année, il l’autorisa à tenir pour la première fois un congrès dans une grande ville ouvrière, Gênes. C’était une provocation insupportable pour tous ceux qui, quinze ans auparavant, avaient affronté la dictature fasciste. Des manifestations et des grèves eurent lieu à Gênes, donnant lieu à des affrontements avec la police. Il y eut des blessés des deux côtés, car certains manifestants étaient armés, décidés à montrer qu’ils étaient à nouveau prêts à prendre les armes contre le fascisme. Le mouvement de grèves et de manifestations s’étendit à tout le pays et les affrontements firent une dizaine de morts. Le congrès du MSI ne put se tenir, le gouvernement Tambroni tomba et cette tentative de normalisation des néofascistes fut remise à plus tard.

Les années de la normalisation

C’est finalement le grand chambardement de la vie politique, dans les années 1990, qui permit au MSI de se normaliser, au prix d’un ravalement de façade. En 1992, l’opération Mani Pulite (mains propres) révélait au grand jour la corruption qui touchait tous les partis traditionnels de la bourgeoisie, systématiquement arrosés par le patronat lors de la conclusion des marchés publics. L’enquête éclaboussa toute la classe politique, près des deux tiers des députés et des sénateurs furent mis en examen et cela sonna la fin du règne de la Démocratie chrétienne et du PS.

Quelque temps plus tôt, le PC s’était sabordé à la faveur de la chute de l’URSS, terminant une mutation entamée bien des années plus tôt. Au fond, tout comme les néofascistes, les dirigeants communistes souhaitaient se débarrasser de ce qui freinait leur intégration au jeu parlementaire et leur participation aux gouvernements de la bourgeoisie. Le Parti communiste devint donc d’abord Parti démocratique de gauche (PDS), pour finir Parti démocrate (PD) tout court, « de gauche » étant manifestement trop marqué !

Du côté néofasciste, ce fut le moment du passage de témoin de la vieille garde autour d’Almirante. Cette dernière avait déjà mis en œuvre la politique « du sourire et du costume trois-pièces », comme on surnommait les efforts de ses membres pour se montrer policés et respectueux du jeu démocratique. Sous l’impulsion de l’un de ses dirigeants, Gianfranco Fini, le parti se démarqua davantage de l’héritage fasciste, sans le renier tout à fait. Il adopta le nouveau nom d’Alliance nationale, non sans quelques résistances et en le payant d’une scission. La génération de Gianfranco Fini fit ainsi du MSI, au prix d’un changement de nom définitif en 1995, un parti intégré à l’extrême droite de l’échiquier politique dit démocratique. Pour se débarrasser des questions gênantes, Fini inventa l’argument selon lequel son parti n’était pas néofasciste mais postfasciste, comme l’était désormais tout le pays.

Cette pirouette permettait de refuser de désavouer le fascisme, clin d’œil aux groupuscules violents qui continuaient de graviter autour du parti, tout en cessant de s’en revendiquer officiellement. Elle est devenue un leitmotiv. Récemment, La Russa, fondateur avec Meloni de Fratelli d’Italia et vieux routier du néofascisme, aujourd’hui promu président du Sénat, a affirmé goguenard à la télévision : « Nous sommes tous héritiers du Duce en tant qu’Italiens, dans le sens où nous sommes héritiers de l’Italie de nos grands-parents, en bien comme en mal. »

Ce début des années 1990 vit aussi l’arrivée de Berlusconi sur la scène politique. Le milliardaire milanais, affairiste dans le bâtiment et les médias, lança son parti Forza Italia (Allez l’Italie) comme on lance une marque de lessive. Pour constituer des majorités parlementaires, l’apport et les hommes du postfascisme, désormais labellisés en partisans de la démocratie, révélait toute son utilité. En 1994, le premier gouvernement Berlusconi fut le résultat d’une alliance de son parti avec tout ce que l’extrême droite pouvait offrir à l’époque. Il comprenait, d’une part, la Ligue du Nord, ancêtre de la Ligue de Salvini, qui était alors non seulement xénophobe, mais sécessionniste, réclamant l’indépendance du nord du pays, et d’autre part l’Alliance nationale de Fini. La mutation « sourire et costume trois-pièces » aboutissait à l’entrée au gouvernement de ministres d’Alliance nationale, désormais considérés comme pleinement respectables.

Un passé réécrit

Les néofascistes ont pu d’autant mieux se normaliser que le passé a été lissé par les autorités. Médias, gouvernement, manuels scolaires le revisitent depuis plusieurs années.

Cette relecture voit finalement le fascisme et le communisme comme deux totalitarismes ayant emporté chacun des jeunes sincères, mais exaltés et aveuglés par des idéologies les poussant à des actes impardonnables. N’osant pas s’attaquer de front à la période du fascisme lui-même, cette version s’est d’abord appuyée sur la période des « années de plomb ». Dans les années 1970, après les grèves puissantes du « Mai rampant » italien, des groupuscules d’extrême droite organisèrent une série d’attentats aveugles, espérant ainsi provoquer un coup d’État. Dans le même temps, en réaction à la trahison de l’agitation ouvrière par les organisations réformistes, des jeunes d’extrême gauche se lançaient dans une lutte armée débouchant sur le terrorisme des Brigades rouges.

On tenait là les frères ennemis, le rouge et le brun, égarés sur la voie de la violence. On tenait là surtout une façon de raisonner, ou plutôt de ne pas raisonner, qui allait pouvoir être appliquée à la période de la guerre et de la dictature fasciste : la violence n’est pas admissible, il y en a des deux côtés, tout le monde a du sang sur les mains et mieux vaut donc jeter un voile sur l’ensemble de ce passé, les violences « des uns et des autres », et passer à autre chose.

Pour ce qui concerne la période de la guerre et du fascisme, l’institution depuis 2005 d’une journée du souvenir commémorant les massacres dits des foibe, joue ce rôle. Au nord-est de l’Italie, l’Istrie, région yougoslave frontalière de la région de Trieste, comprend des minorités italophones. Objet des revendications traditionnelles du nationalisme italien, elle fut durant la Deuxième Guerre mondiale le théâtre d’une italianisation imposée par le régime fasciste, avant que les troupes de Mussolini n’envahissent la Yougoslavie entière, puis l’Albanie et la Grèce. À la fin de la guerre, en 1943 puis en 1945, les foibe, gouffres naturels des hauts plateaux ­karstiques de l’arrière-pays, devinrent les tombes de milliers de personnes, essentiellement italophones, lors de l’avancée des partisans communistes de Tito. Nombre de ces victimes étaient des fascistes, qui avaient participé activement aux exactions subies par la population slave pendant la guerre – les historiens évoquent des centaines de milliers de morts sur le territoire yougoslave – et à qui les partisans yougoslaves le faisaient payer. D’autres aussi, au cours des événements, payèrent de leur vie le simple fait d’avoir appartenu à la minorité italophone d’Istrie.

Traditionnellement, l’extrême droite utilise le rappel de cet épisode sanglant pour le mettre en parallèle avec les crimes du fascisme et du nazisme, considérant qu’il y a eu là un nettoyage ethnique, voire un génocide des Italiens. De là à comparer les foibe au génocide des Juifs, il n’y a qu’un pas, franchi allègrement non seulement par les héritiers du fascisme, mais par les institutions démocratiques italiennes. En février dernier par exemple, une circulaire du ministère de l’Instruction publique faisait le lien entre la journée de commémoration des foibe, le 10 février, et celle du 27 janvier, journée de la libération du camp d’Auschwitz, devenue journée du souvenir du génocide des Juifs.

Fratelli d’Italia à l’épreuve du pouvoir

En créant Fratelli d’Italia en 2012, dans la continuité de l’Alliance nationale, Giorgia Meloni a poursuivi l’opération de ravalement de façade entamée par Fini. À la différence des dirigeants historiques du MSI, et de son propre discours de jeunesse, Meloni ne parle plus de Mussolini comme d’un grand homme, du moins pas en public, et chante les louanges de la démocratie. Dans l’exercice délicat de se rendre présentable sans froisser la fraction de sa base toujours fidèle au vieux fascisme, elle a condamné, jusqu’à son intronisation, non pas le fascisme, mais d’une même phrase le nazisme et le communisme.

Quant à l’histoire, Giorgia Meloni n’a eu qu’à adopter la version qui en a été préparée par l’État italien. Elle lui permet de renvoyer dos à dos « les crimes du nazisme et du communisme », de décréter la « fin des idéologies » et de se proclamer ouverte à tous ceux qui veulent « travailler pour l’Italie, quel que soit le nombre de saucisses qu’ils ont mangées à la fête de l’Unità » des communistes, comme elle l’a assuré durant sa campagne.

Quant au contenu de son programme, il est celui de n’importe quel parti d’extrême droite voulant assurer la bourgeoisie de sa compétence pour gérer ses affaires, tout en cherchant à dévier la colère des classes populaires en leur désignant les immigrés pour ennemis. Entre Salvini et Meloni, c’est depuis longtemps la course à celui qui tiendra les propos les plus orduriers contre les migrants – et ce n’est pas toujours Meloni qui gagne –, à celui qui fera preuve du nationalisme le plus exacerbé, qui rappellera le plus son attachement à la religion, l’une rappelant que l’identité de l’Italie est forcément chrétienne, l’autre s’agenouillant devant la Madone, « mère de tous les Italiens ». Meloni y ajoute la note de conservatisme susceptible de plaire aux milieux réactionnaires traditionnels. Sans se dire opposée à l’avortement, elle affirme qu’il faut « aider les femmes qui ne veulent pas avorter à pouvoir le faire ». Sans se dire hostile aux homosexuels, elle affirme militer pour la « famille traditionnelle » et condamne le laxisme en matière de répression, qui selon elle permettrait aux délinquants, forcément étrangers, de faire la loi contre les honnêtes Italiens.

Meloni se préoccupe d’abord de l’évolution du taux auquel l’État italien peut se financer sur les marchés, qui reflètent leur confiance dans les autorités du pays. Il lui faut rassurer les financiers, rassurer la grande bourgeoisie italienne. Cela impliquera forcément de nouvelles attaques contre la classe ouvrière, qui paie déjà la crise au prix fort. Le dernier rapport de la Caritas, l’organisation de charité catholique, illustre la progression de la pauvreté dans le pays. Le rapport souligne : « La crise énergétique et l’augmentation des prix accentuent les cas de pauvreté extrême. 41 % des nouveaux pauvres, des gens qui ne s’étaient encore jamais tournés vers la Caritas, l’ont fait durant le premier semestre 2022, parce qu’ils n’arrivaient plus à payer leurs factures. »

La crise précipite les travailleurs dans la précarité et la pauvreté et menace une fraction de la petite bourgeoisie du même sort. Pour l’heure, cette situation se traduit politiquement par une abstention massive de la classe ouvrière et la progression d’une extrême droite qui s’en tient au terrain électoral. Mais, si demain le gouvernement et les institutions démocratiques ne suffisaient plus à la bourgeoisie pour maintenir son ordre social, elle trouverait des troupes dans le parti de Meloni, et au-delà, pour manier à nouveau le bâton contre les exploités.

L’évolution réactionnaire de ces dernières années, et en particulier les succès électoraux de l’extrême droite, ont d’ailleurs encouragé des militants et des groupes xénophobes et racistes, tels que Forza Nuova ou Casa Pound, qui se sont distingués par leurs actions violentes, souvent meurtrières, contre des travailleurs immigrés. Nul doute qu’en cas de besoin ces gens-là pourraient fournir les premières troupes d’un mouvement authentiquement fasciste.

Dans ce contexte réactionnaire, la classe ouvrière a d’autant plus besoin de retrouver une politique. Contrairement au Parti démocrate, héritier honteux du Parti communiste, qui a proclamé la « fin des idéologies » bien avant Meloni, pour mieux s’intégrer au jeu politicien bourgeois, les travailleurs ont intérêt à renouer avec leur histoire et leurs idées, celles que défendait le mouvement ouvrier avant que le Parti communiste stalinien ne les travestisse et ne les dévoie. Ils ont intérêt à en tirer tous les enseignements, pour ne pas être désarmés et livrés, pieds et poings liés, à l’exploitation de plus en plus féroce d’abord, à la réaction la plus crasse ensuite.

24 octobre 2022