Union européenne - La montagne de promesses de réglementations et la souris de l’Union bancaire européenne

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septembre octobre 2014

Depuis la crise qui s'est ouverte en 2008 avec la faillite de la banque américaine Lehman Brothers, durant laquelle ils ont senti passer le boulet de l'effondrement du système bancaire mondial, les dirigeants du monde capitaliste n'ont eu de cesse d'affirmer leur volonté d'encadrer l'activité des marchés financiers pour lutter contre leurs excès, rendus responsables de la crise. Sans cesser pour autant de favoriser, de toutes les façons possibles, la spéculation.

L'Union bancaire européenne fait partie de ces tentatives de la bourgeoisie pour introduire un minimum de régulation, de « discipline », dans son économie. À sa naissance, les dirigeants européens ne prétendaient à rien moins que « ramener la finance dans son lit et tourner définitivement la page de l'instabilité financière », selon Pierre Moscovici, qui participa en tant que ministre de l'Économie à son lancement. Mais c'était vouloir réguler un système irrégulable : ce n'était qu'une déclaration d'intention.

Née le 29 juin 2012, suite à l'accord signé par les chefs d'État et de gouvernement des 28 États de l'Union européenne, l'Union bancaire se voulait une réponse à la menace que faisait peser sur la zone euro la crise de la dette, dans le contexte de son rebondissement, consécutif aux faillites annoncées de plusieurs grandes banques espagnoles et des menaces qu'elles faisaient peser sur la solvabilité de l'État espagnol lui-même.

Pour les dirigeants européens, qui avaient selon l'expression d'un journaliste « le couteau des marchés sur la gorge », il s'agissait de « couper le lien entre dette bancaire et dette souveraine », d'éviter désormais qu'une banque en difficulté renflouée par son État ne l'entraîne à son tour dans la difficulté, en en faisant la cible des spéculateurs. Il s'agissait aussi de suggérer que cela romprait les liens de connivence entre les banquiers, leurs gouvernements, et les hauts fonctionnaires chargés de les contrôler.

Deux ans de négociations

L'Union bancaire, qui devrait entrer en vigueur le 4 novembre prochain, comporte trois volets principaux.

À partir du 4 novembre 2014 sera ainsi mis en place un « mécanisme unique de surveillance » (MUS) des banques européennes : les banques de la zone euro et les banques hors zone euro mais qui adhéreront à l'Union bancaire. La Banque centrale européenne (BCE) a été désignée pour jouer ce rôle, en lieu et place des institutions qui en étaient chargées.

Devrait entrer également en vigueur le « mécanisme unique de résolution des crises bancaires », cadre commun, communautaire, donc en principe indépendant des gouvernements, chargé d'organiser le sauvetage ou, le cas échéant, la mise en faillite d'une banque en difficultés.

L'accord prévoyait enfin la mise en commun entre les 28 États de l'Union européenne du mécanisme d'assurance des dépôts bancaires, qui les garantit à hauteur de 100 000 euros.

Il a fallu attendre jusqu'à l'accord de mars 2014, après deux ans de négociations et un grand nombre de réunions des ministres des Finances et des chefs d'État et de gouvernement européens, pour que le projet d'Union bancaire soit finalisé. À la veille des élections au Parlement européen, gouvernements comme parlementaires européens avaient visiblement à cœur de se présenter devant les électeurs, deux mois plus tard, avec à leur actif ce qu'ils présentèrent comme « le plus important saut fédéral depuis la création de l'euro » face à la crise bancaire.

Sauf que, en deux ans, le projet initial avait subi bien des modifications : le saut fédéral en question et les grandes proclamations de solidarité des efforts et de mutualisation des risques avaient tourné court.

Finalement, il a été décidé que, sur les 6 000 banques que compte la zone euro, le « superviseur unique » n'exercerait son contrôle que sur 120 seulement : les plus importantes, dites systémiques, c'est-à-dire celles dont les difficultés pourraient mettre en péril le système bancaire d'un pays, de l'Union européenne, voire du monde. Or des banques de taille moyenne peuvent être systémiques. Et, même non systémiques, elles n'en risquent pas moins d'être dangereuses pour l'économie et pour les populations.

Quant au « mécanisme unique de résolution », « il n'a d'unique que le nom, dans la mesure où les autorités nationales seront encore très largement impliquées dans l'exécution des plans de restructurations bancaires », commente un économiste cité par la presse, Nicolas Véron.

Concrètement, la restructuration d'une banque ou sa mise en faillite décidée par la BCE sera sous la responsabilité d'un conseil composé de représentants de la BCE, de la Commission européenne et... des États concernés.

Les contribuables mis à contribution

En fait, la décision finale restera entre les mains des gouvernements, ou du gouvernement, concernés. C'est-à-dire, finalement, entre les mains des banquiers en cause. Car non seulement le lien entre les banques et les États, « les rapports de consanguinité entre la direction des grandes banques et la haute fonction publique », n'a pas été rompu par l'Union bancaire, en dépit des déclarations d'intention, il est au contraire « plus étroit que jamais », explique Jean-Michel Naulot, un connaisseur : ancien banquier et ancien membre de l'Autorité des marchés financiers (AMF), il est l'auteur d'un livre récent intitulé Crise financière, pourquoi les gouvernements ne font rien.

En fait de solidarité communautaire, ce sera toujours le règne du chacun pour soi, ou plutôt du chacun - chaque gouvernement - pour ses banquiers.

Le mécanisme unique de résolution des crises bancaires a été présenté comme destiné à « éviter de faire appel aux contribuables ». Il s'agissait, selon Pierre Moscovici, alors encore ministre de l'Économie et partie prenante de l'accord sur l'Union bancaire, de faire en sorte « que ceux qui seraient responsables des faillites soient ceux qui payent ».

En principe, il a été effectivement annoncé que, si la BCE décidait qu'une banque devait être recapitalisée ou mise en faillite, ce serait dans un premier temps les actionnaires de la banque qui devraient assumer les pertes, dans un deuxième temps ses créanciers. Si cela ne suffit pas à combler les pertes, il est prévu de puiser dans les réserves d'un Fonds de résolution alimenté par les versements des banques elles-mêmes.

Cela dit, la contribution de chaque banque à ce fonds n'est pas encore déterminée : son chiffrage fait encore l'objet de longues et difficiles négociations, de plaintes, voire de menaces de la part des banquiers. « Il faut prendre en compte la charge que représente pour les banques la mise en place du Fonds de résolution. Si on exige d'elles qu'elles atteignent trop vite le montant cible de 55 milliards d'euros, le financement de l'économie en pâtira », a ainsi osé expliquer le représentant de la Fédération française des banques dans une interview au journal Les Échos en mars 2014.

Il est pourtant prévu que les banques auront huit ans, jusqu'en 2023, pour faire en sorte que ce Fonds de résolution atteigne son capital maximum, soit 55 milliards d'euros. En attendant, si les montants de ce fonds ne suffisent pas, c'est en tout ou partie l'État de la banque en difficulté qui sera mis à contribution, c'est-à-dire les contribuables.

D'ici à 2023, évidemment, beaucoup d'eau aura coulé sous les ponts et beaucoup d'argent des banques aura été englouti par la spéculation. En tout état de cause, les 55 milliards d'euros du Fonds de résolution, s'il voit jamais le jour, risqueraient de ne pas peser lourd face au risque d'une nouvelle crise financière.

Ce mécanisme « rate clairement sa cible, est incomplet et ne paraît pas réellement en mesure de régler une crise bancaire avec un minimum de casse pour les économies du pays dont est originaire la banque en crise », écrit le journal La Tribune qui cite un analyste de la Royal Bank of Scotland qui sait de quoi il parle : cette banque, ruinée par la crise de 2008-2009, a été « sauvée » par l'État britannique qui en a pris le contrôle, et donc par les contribuables.

Enfin, sur la mise en place d'un mécanisme d'assurance des dépôts bancaires qui soit commun à tous les États de la zone euro, troisième volet de l'Union bancaire, les gouvernements ne sont pas parvenus à trouver un accord. Les mécanismes d'assurance des dépôts resteront donc nationaux, il n'y aura pas de mise en commun, et donc pas de « mutualisation » possible des ressources. Si un fonds national ne suffit pas à rembourser tous ceux qui doivent l'être, il ne pourra bénéficier d'aucune aide des autres États.

Spécificité française, la loi de réforme bancaire votée en juillet 2013 a prévu de fusionner le Fonds de garantie des dépôts avec le Fonds de résolution bancaire. Il sera donc possible de piocher dans le premier, destiné à protéger les économies des épargnants, pour voler au secours d'une banque ou d'un hedge fund en difficulté. En cas de catastrophe bancaire, les dépôts des Français ne seront assurés, à hauteur de 100 000 euros, que grâce aux contribuables français.

En fait, dans la mesure où les liens entre banquiers et États, non seulement ne seront pas coupés, mais seront même renforcés, et qu'au bout du compte, en cas de difficultés graves d'une grande banque, c'est finalement l'État concerné qui sera en première ligne, l'Union bancaire, qui n'existe pour le moment que sur le papier, risque de ne pas changer grand-chose pour les contribuables et les populations.

« L'Union bancaire, c'est en fait la supervision accompagnée d'une nouvelle forme de solidarité financière, une solidarité dans laquelle les États ne seraient plus directement impliqués... Un nouveau type de mutualisation des risques et des crises, un nouveau pare-feu serait ainsi miraculeusement trouvé », commente Jean-Michel Naulot, qui poursuit : « Il faut avoir vécu les crises bancaires de vraiment très loin pour imaginer qu'il pourrait en être ainsi... Imaginer que les banques ne coûteront plus rien aux citoyens et que le lien entre les banques et les États peut être coupé est une illusion... » Comme « il est illusoire de croire que les acteurs privés, les créanciers privés des banques, absorberont les pertes au moins dans un certain nombre de banques. »

Surtout, Union bancaire ou pas, rien n'a été fait pour empêcher les banquiers de nuire, c'est-à-dire de spéculer. C'est même tout le contraire.

Pendant l'Union bancaire, la spéculation continue

La BCE n'a pas cessé d'inonder les banquiers européens de liquidités à bas prix qui alimentent la spéculation.

Et toutes les tentatives, même bien timides, pour instaurer un minimum de régulation, destinée à encadrer l'activité des banques sur les marchés, se sont heurtées à l'opposition des banquiers, relayés par les pouvoirs publics.

Après avoir, il y a un an, assoupli les contraintes qui s'imposaient aux banques en matière de liquidités, le Comité de Bâle, regroupement des dirigeants des banques centrales et des régulateurs internationaux, chargé de la surveillance des banques internationales et d'édicter des règles censées éviter une nouvelle crise du système bancaire comme celle de 2008-2009, a annoncé qu'il assouplissait une autre règle : celle qui, à compter de 2018, devait contraindre les banquiers à détenir en permanence en fonds propres au moins 3 % de l'ensemble de ce qu'ils détiennent. Ce qui les obligerait à plafonner leur activité et donc à limiter les risques qu'ils peuvent prendre.

Les banquiers européens s'était insurgés contre cette règle. Elle était, selon eux, trop sévère et risquait de « peser sur leur rentabilité ». Ils ont donc été entendus. Commentaire du journal Les Échos : « Après des années de serrage de vis, la régulation bancaire confirme qu'elle prend davantage en compte l'effet sur l'économie réelle de trop grandes contraintes sur les bilans bancaires. Il y a tout juste un an, les règles de liquidité avaient déjà été assouplies par le Comité. Entre- temps, la loi bancaire française a rassuré par son équilibre, préservant le modèle de banque universelle, "mais on reste tout de même dans une réglementation globalement extrêmement dure ", estime une source bancaire ».

En France, de ce point de vue, la réforme bancaire de Hollande adoptée en juillet 2013 est bien significative du fait que ce sont les banquiers qui font la loi. Le projet de loi initial prévoyait d'obliger les grandes banques à isoler leurs activités spéculatives de leurs activités de banque de dépôt.

La mesure fait partie du projet de réforme des structures des banques européennes rendu public en janvier 2014 par Michel Barnier, commissaire européen au Marché intérieur et aux Services financiers, et ancien ministre du gouvernement Sarkozy-Fillon. Il s'agit, explique-t-il, de limiter les risques que font courir à l'économie, aux États et aux contribuables, qui sont appelés à la rescousse en cas de crise, les « banques trop grosses pour faire faillite... et trop chères à sauver avec des fonds publics ». Sont visées les trente plus grosses banques européennes. Pour la France, outre BNP Paribas, trois autres banques, Crédit agricole, Société générale et BPCE, sont concernées. La discussion de ce projet de réforme a été jusqu'à maintenant régulièrement renvoyée à plus tard.

Le projet de réforme de Michel Barnier n'a rien de révolutionnaire, ni même de radical. Il prévoit en effet des exceptions, qui permettraient aux banques d'échapper à l'obligation de séparer leurs activités. Le fait de séparer activité de banque d'affaires et activité de banque de dépôt ne protégerait en rien les populations des crises bancaires, comme l'a montré l'exemple de la banque d'affaires Lehman Brothers dont la faillite, en 2008, fut à l'origine de la généralisation de la crise bancaire à l'échelle mondiale. Ce projet de réforme n'en a pas moins provoqué une levée de boucliers du côté des gouvernements allemands et français, qui ont pris fait et cause pour leurs banquiers, très opposés à cette réforme.

Le fait de mélanger activités de marché et activités de crédit-dépôt permet aux banques de bénéficier, fût-ce implicitement, pour leurs activités spéculatives de la garantie dont elles bénéficient en raison de leur activité de banque de dépôt, ce qui ne peut que les inciter à prendre plus de risques sur les marchés financiers.

En France, au moment de l'élaboration de la loi bancaire, cette mesure de séparation d'activités a été abandonnée en cours de route. Pour justifier cet abandon, la députée socialiste chargée de présenter la loi au Parlement expliqua que faire la différence entre ce qui est spéculatif et ce qui ne l'est pas était « d'une extrême complexité ». Résultat, la loi contraint les banquiers à filialiser seulement une petite, voire une très petite partie de leurs activités dites de marché, correspondant à moins de 2 % de ce qu'ils gagnent. Autant dire que l'essentiel de leurs activités spéculatives, et de leurs profits, échapperont à la séparation.

Mais cela n'empêche pas le gouvernement français de se vanter d'avoir, le premier, procédé à la séparation des activités bancaires, pour « lutter contre les dérives de la finance ». C'est un mensonge, ou plutôt un leurre. Il s'agissait simplement pour le gouvernement français de couper l'herbe sous le pied de la Commission européenne, et donc de compromettre la réforme européenne avant même qu'elle ait vu le jour. L'Allemagne a au même moment, et pour les mêmes raisons, adopté une réforme bancaire au contenu proche.

Un autre article du projet de loi initial de réforme bancaire, inspiré du programme électoral de Hollande, proposait d'interdire les produits financiers qui permettent de spéculer sur les matières premières agricoles. Mais, expliqua la même députée socialiste, « les interdire purement et simplement reviendrait à mettre les acteurs économiques en risque. » Et on n'avait pas trouvé « de solution adéquate qui permettrait d'interdire exclusivement les 5 % d'activité spéculative sur les matières premières qui constituent le mal absolu ».

Conformément à une promesse de Hollande, un article du projet de loi a bien prévu d'interdire aussi le « trading à haute fréquence », c'est-à-dire les investissements à grande vitesse sur les marchés financiers via des programmes informatiques. Mais toutes les activités interdites par la loi, dont celle-là, sont accompagnées d'exceptions qui la vident de son contenu. Selon l'ONG Finance Watch, 90 % des ordres relevant du trading à haute fréquence ne seront pas concernés par la mesure.

Dans le projet de loi figure une autre promesse de Hollande : le cantonnement dans une filiale des prêts sans garantie accordés par les banques aux hedge funds ou fonds spéculatifs, activité donc hautement risquée. Mais là aussi il s'agit d'une arnaque. En effet, si l'on en croit la presse financière, les prêts des banques aux hedge funds sont toujours montés avec des garanties. La loi propose donc d'isoler une activité qui n'existe pas. Il faut oser le faire.

Tout cela n'a rien d'étonnant : la loi de réforme bancaire a été préparée par le gouvernement en lien - on peut même dire en osmose - avec des représentants de la Fédération française des banques et de la Banque de France, dont le gouverneur, Christian Noyer, s'est fait le porte-parole. Pour faire la loi, les banquiers n'ont pas besoin de participer directement au gouvernement.

Grandes banques : opération vérité ?

En prélude à la mise en œuvre de l'Union bancaire européenne, depuis le début de l'année, les 120 grandes banques européennes sélectionnées pour faire partie des banques qui seront « surveillées » à compter du 4 novembre par la BCE sont l'objet d'une enquête de cette dernière. Elle vise à vérifier la qualité de leurs actifs et la validité de leur contrôle des risques. Les banques seront ensuite soumises à un « stress test », destiné à tester leur capacité à résister à des scénarios d'aggravation de la crise économique. En France, une douzaine d'établissements sont concernés, dont, là encore, la BNP Paribas, la Société générale, le Crédit agricole, BPCE.

Danièle Nouy, qui a été nommée à la tête du Mécanisme de supervision unique (MSU), a prévenu : toutes les banques n'en sortiront pas indemnes. « Nous devons admettre que certaines banques n'ont pas d'avenir », a-t-elle affirmé.

Les résultats de cette « opération vérité » seront rendus publics en octobre 2014. Du moins en principe. Car, comme l'écrit le journal Les Échos, « tout en insistant sur la crédibilité de l'opération, la BCE ne peut pas non plus pousser une banque dans le ravin sans risquer de déclencher une nouvelle crise. La voie est assez étroite pour l'institution. Il faut plutôt voir l'exercice comme un thriller psychologique. Le revolver est posé sur la table, à disposition. Il est chargé, mais nul ne sait s'il va servir ».

En attendant, si l'on en croit la presse financière, qui s'interroge sur « les gros dégâts » que cette enquête va provoquer, « tout le monde - du moins celui des marchés financiers - croise les doigts ».

En prévision de l'enquête de la BCE, les banques européennes se sont pourtant livrées à « un nettoyage de leurs bilans », multipliant les provisions pour créances douteuses. Apparemment, cela n'a pas été suffisant pour rassurer « les marchés ».

Il faut dire qu'en fait « la vérité sur le bilan des banques est difficile à établir... Le plus dangereux est lié à l'importance de leurs opérations "hors bilan" dont les risques ne peuvent pas être précisément connus. Une grande partie de menace cachée dans le hors-bilan bancaire est liée aux produits dérivés ».

Ces produits dérivés, explique un banquier cité par le journal Les Échos, « sont devenus le symbole de la finance artificielle pouvant engendrer un risque systémique », véritables « armes de destruction massive » des marchés financiers et des économies du monde.

Ils sont en grande partie responsables de la généralisation de la crise bancaire qui a commencé en 2008. Leur volume, depuis, n'a cessé de croître, dépassant désormais son niveau d'avant la crise des subprimes. « C'est un risque potentiel énorme, et la crise n'a pas changé les pratiques des banques en la matière », explique Christophe Nijdam, analyste financier qui a dirigé une étude sur le sujet.

Il faut savoir qu'en France BNP Paribas, avec un bilan d'engagements de près de 2 000 milliards d'euros, si elle a inscrit 750 milliards d'euros de produits dérivés à son bilan, en détiendrait, hors bilan, selon des chiffres révélés par la presse, des montants bien plus importants, de l'ordre de 48 000 milliards d'euros (soit 24 fois le PIB du pays), se traitant hors des marchés organisés mais sur des plates-formes de gré à gré, entre banques ou entre banques, compagnies d'assurances et hedge funds ».

En tout état de cause, les « banques de l'ombre », qui ont partie liée de mille façons aux banques qui ont pignon sur rue, échapperont à l'« opération transparence » en cours de la BCE et à son contrôle futur, si contrôle il y a. C'est de ces investissements cachés hors du bilan des banques qu'est née, et s'est propagée, la crise de 2008-2009. Et c'est encore là que gît, en grande partie, la menace d'un nouvel épisode, aggravé, de la crise économique et financière.

Non seulement rien n'a été fait depuis 2008 par les États et par les institutions chargées de la régulation financière pour encadrer l'activité des banquiers et des spéculateurs, mais ces derniers n'ont cessé, au contraire, de dicter leur loi. Rien n'empêchera donc qu'éclate une nouvelle crise financière, aussi grave, voire plus grave que celle de 2008. En tout cas pas l'Union bancaire européenne.

Face aux dérives de la financiarisation de l'économie, qui se nourrit aux dépens de l'économie productive, qui l'étouffe, la bourgeoisie pourrait se reconnaître dans les objectifs de l'Union bancaire tels qu'ils ont été formulés à son origine par Moscovici : « Faire rentrer la finance dans son lit... Tourner définitivement la page de l'instabilité financière. » Mais, face aux conséquences de son système, à ses dérives, aux agissements de spéculateurs irresponsables de son point de vue, la bourgeoisie est incapable de prendre les mesures qui vont dans le sens de ses intérêts généraux.

De nouvelles réglementations destinées à tenter de maintenir à flot un bateau qui menace de couler, même si elles ne se réduisent pas à des discours, retarderont peut-être le naufrage, mais ne l'empêcheront pas.

« Faire rentrer la finance dans son lit » est inimaginable sans mesures coercitives puissantes qui impliquent l'expropriation des propriétaires et des actionnaires de ces banques et l'unification de toutes les banques, aujourd'hui en concurrence pour maximiser leurs profits, dans une banque unique sous le contrôle de la population. Il faudra pour cela arracher le pouvoir économique et politique à la bourgeoisie. Il faudra bien plus que des réformes, bien plus que de la « régulation », il faudra une révolution sociale.

15 septembre 2014