Et pour l'avenir ?

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7 novembre 1997

Depuis quelques années, tous les moyens dont dispose la bourgeoisie répètent que le communisme a fait faillite. Que l'idée soit clairement formulée ou non, c'est pour affirmer que le capitalisme est destiné à durer pour l'éternité. C'est ce que croyaient, à propos de leur pouvoir, les pharaons d'Egypte et tous les monarques des cours européennes des siècles passés. Cela prouve tout au plus que les intellectuels de la bourgeoisie ne sont pas plus capables de dominer les perspectives historiques que la bourgeoisie n'est capable de dominer sa propre économie.

La première tentative du prolétariat pour mettre fin à la société capitaliste s'est terminée par un échec, du point de vue de la perspective immédiate dans laquelle cette tentative se situait. Mais la bourgeoisie n'est pas non plus arrivée en un jour, ni même en un siècle, à substituer à la classe féodale des propriétaires terriens et à la monarchie son propre pouvoir et sa propre économie.

Bien sûr, les révolutionnaires de chaque génération, Marx et Engels au siècle dernier, Lénine, Trotsky et Rosa Luxembourg au début de celui-ci, attendaient la victoire de la révolution sociale à brève échéance. Le capitalisme a connu une véritable période d'essor pendant quelques décennies après que Marx en eut envisagé la chute.

Par contre, prévisions optimistes de Lénine et Trotsky concernant la proche victoire du communisme, si elles ne se sont pas réalisées, ce n'est pas parce qu'elles auraient été démenties par une nouvelle période d'essor économique, comparable à ce qui s'est passé dans la deuxième moitié du siècle dernier. On peut tout au plus dire que le capitalisme, que l'impérialisme, ont survécu.

En essayant de répondre à la question "Pourquoi ?", on doit évoquer d'abord un constat général : les régimes sociaux ne disparaissent pas uniquement parce qu'ils ont fait leur temps. En France par exemple, il était visible déjà pour les contemporains les plus lucides, et à plus forte raison aujourd'hui, que la société féodale avait fait son temps dès le début de la monarchie absolue, avec François Ier dès la première moitié du XVIe siècle, cette monarchie absolue qui a, à son apogée, transformé l'aristocratie naguère guerrière en pantins poudrés et emperruqués, enfermés dans le ghetto doré de Versailles. Et pourtant, en France, l'ordre féodal a survécu près d'un siècle à Louis XIV. Bien plus longtemps encore en Allemagne. Et certains de ces vestiges n'ont toujours pas disparu en Angleterre, qui fut pourtant le berceau du capitalisme industriel, à en juger par le ridicule et l'anachronique spectacle d'une monarchie qui se survit avec un cérémonial qui aurait sans doute fait pester Rousseau il y a deux siècles.

Et c'est là où on arrive au terrain subjectif, c'est- à-dire au rôle des partis. Nous avons déjà parlé du rôle contre- révolutionnaire des partis sociaux-démocrates en Allemagne, en France, en Italie, en Espagne et, par contre coup, dans le destin de l'URSS. Nous avons évoqué aussi le rôle contre-révolutionnaire des partis staliniens.

Mais d'autres, comme le parti bolchévik, peuvent jouer un rôle révolutionnaire indispensable s'ils manquent, pas de révolution non plus.

L'impérialisme n'est pas moins condamné à disparaître aujourd'hui qu'au temps de la vague révolutionnaire de 1917. Le prolétariat ne dispose pas de moins de possibilités qu'à l'époque pour mettre fin à l'ancienne société. Et les moyens matériels pour créer une organisation économique rationnelle à l'échelle de la planète sont aujourd'hui bien plus importants qu'au temps de la révolution russe. Ce qui manque à la classe ouvrière, ce sont des partis qui soient aussi décidés à changer la société que l'était le parti bolchévik à l'époque en Russie.

Ce manque lui-même a une explication historique. Au départ, il y a eu cette trahison de la social- démocratie que j'ai évoquée tout à l'heure. Mais, à peine les éléments les plus révolutionnaires du prolétariat s'étaient-ils détachés de la social- démocratie pour rejoindre le courant communiste, que la dégénérescence bureaucratique de l'Union soviétique a transformé les partis communistes eux-mêmes, d'abord en instruments de cette bureaucratie, puis en instruments de la bourgeoisie.

Entre les deux guerres mondiales où cela s'est produit, ces deux trahisons se sont succédé trop rapidement pour que le prolétariat puisse en prendre conscience et faire surgir et sélectionner une nouvelle direction. Et le vide qui s'est ainsi constitué a marqué aussi l'histoire de l'après-guerre où, de la Chine à l'Indonésie en passant par l'Inde ou le Vietnam, les masses se sont de nouveau mises en branle. Car c'est la petite bourgeoisie nationaliste qui a occupé ce vide, se parant souvent de l'étiquette socialiste ou communiste, mais n'ayant nullement pour programme de s'appuyer sur le prolétariat pour renverser le capitalisme dans le monde. Il faut rappeler la grande responsabilité des intellectuels de ces pays qui, au lieu de partir d'une compréhension globale de la société, au lieu de combattre l'impérialisme dans ses fondements capitalistes, ont, au contraire, rétréci l'horizon des opprimés pour les faire se battre seulement pour l'indépendance nationale, en présentant de surcroît souvent ces combats comme le combat communiste.

Mais ce communisme nationaliste, bâtit sur le socialisme dans un seul pays de surcroît, celui de Mao Tsé Toung, de Hô Chi Minh, de Tito ou de Castro, n'ouvrait aucune perspective de transformation sociale à l'échelle du monde. Et les masses opprimées, leur élan brisé, ont été de nouveau déçues et désorientées. Le prétendu communisme du tiers-mondisme a laissé la place à la montée des idées franchement réactionnaires, comme celles des intégrismes religieux.