Le mouvement en france (1870-1914)

Εκτύπωση
10 novembre 1995

En France, c'est dans les années 1870 que des revendications et des initiatives féministes étaient apparues nettement parmi les femmes des milieux bourgeois et intellectuels. Le mouvement était profondément marqué par "la question sociale" comme on disait, la peur de la révolte des prolétaires parmi lesquels les femmes, les fameuses "pétroleuses", avaient montré leur degré de résolution. A l'époque de Germinal, les indicateurs de police mesuraient d'ailleurs le mécontentement au nombre de femmes dans les meetings ou les manifestations.

Certaines associations se limitèrent à la revendication du droit de vote, ce qui fit demander par un journaliste du Figaro si, après les femmes, les boeufs voteraient... D'autres avaient des revendications variées autour de la question des droits civils des femmes et de la gestion des biens. Un quotidien, fondé par Marguerite Durand, La Fronde, républicain, laïque et féministe, parut pendant six ans.

Ces mouvements, dès lors qu'ils ne mettaient pas la lutte de classe en avant, reçurent les appuis d'intellectuels dont Victor Hugo et de personnalités parlementaires, voire gouvernementales.

Mais dans l'ensemble, malgré des femmes dynamiques, qui firent parler d'elles, le mouvement féministe bourgeois resta minoritaire en France. Il rejetait les méthodes nettement plus musclées des suffragettes américaines et anglaises.

Parmi les grandes causes défendues par et autour du mouvement féministe, celle de l'instruction des femmes occupa une large place.

C'est seulement en 1867 qu'une loi a obligé toutes les communes de plus de 500 habitants à ouvrir une école primaire de filles. Des établissements d'enseignement secondaire furent peu à peu créés pour elles par l'Etat, avant d'être généralisés, en 1880. Cela dit, le niveau d'enseignement y restait bas et adapté à ce qu'on attendait des filles dans la société. C'est d'ailleurs seulement en 1924 que fut instituée l'identité des enseignements entre garçons et filles, et donc un baccalauréat unique.

A l'université de Paris, dans la période de 1905 à 1913, les émigrées juives, polonaises, russes et roumaines, représentaient à elles seules plus du tiers des effectifs totaux d'étudiantes. En médecine et en droit, il y avait près de deux fois plus de femmes d'Europe orientale que de Françaises inscrites.

Il faut dire que si les hommes résistèrent pied à pied aux prétentions de femmes de leur milieu d'exercer les mêmes professions, les médecins et les avocats se montrèrent particulièrement réactionnaires. Les étudiants en médecine manifestèrent contre l'ouverture aux femmes du concours de l'externat ; la première femme à devenir interne des hôpitaux fut brûlée en effigie. Les avocats, quant à eux, invoquaient le risque que les magistrats soient séduits par les avocates...

Dans la plupart des pays occidentaux en train de s'industrialiser, le service domestique restait le secteur d'emploi salarié le plus important pour les femmes, car il s'était étendu dans la classe bourgeoise. Même en Angleterre, le pays le plus industrialisé, 40 % des travailleuses travaillaient comme domestiques, à la moitié du siècle, contre 22 % dans les usines textiles. Mais l'entrée des femmes dans les usines était, à son échelle, un phénomène nouveau et qui a beaucoup frappé les gens de l'époque.

Parmi les militantes féministes, très ouvertement partisanes de la collaboration des classes, le sort des ouvrières suscita quelquefois de la simple philanthropie et souvent de l'indifférence. Lorsque les congrès ouvriers internationaux adoptèrent le principe des lois de protection spéciale en faveur des ouvrières, certaines féministes bourgeoises le contestèrent comme discriminatoire...

Un fossé social immense séparait les militantes ouvrières des bourgeoises féministes, et l'antagonisme de classe fut particulièrement vif en France et en Allemagne.

Une longue éclipse, et une évolution réactionnaire de la société

A partir de la guerre de 1914-1918, au cours de laquelle bon nombre d'entre elles, d'ailleurs, dans leur désir d'intégration, se firent des sergents recruteurs pour l'effort de guerre de leur pays, le mouvement féministe bourgeois a connu une longue éclipse. L'Europe entrait dans une longue période de réaction. La révolution prolétarienne était endiguée et le mouvement ouvrier subissait un profond recul.

Des dictatures, la dictature fasciste de l'Italie de Mussolini, la dictature nazie de l'Allemagne de Hitler, comme de celle de l'Espagne du général Franco, on ne pouvait certainement pas attendre autre chose qu'une aggravation de la condition des femmes comme de celle de toute la société.

En changeant bien évidemment ce qu'il faut changer, on peut se rendre compte qu'il y a des traits communs aux pays européens, pendant cet entre-deux-guerres, dans les politiques gouvernementales vis-à-vis des femmes et de la famille. La prétendue vocation exclusive des femmes à la maternité a été montée au pinacle aussi en France.

Les élus pensaient aux femmes.

1920-1923, ce sont les années des lois scélérates qui interdirent toute propagande en faveur du contrôle des naissances, en même temps qu'elles infligeaient de lourdes peines de prison aux auteurs d'avortement, le plus souvent des femmes, les "faiseuses d'anges" comme les appelait avec mépris la grande presse, de même qu'aux femmes qui avortaient, et décidaient de les faire juger en correctionnelle par des magistrats professionnels parce que les jurés d'Assises montraient trop d'indulgence.

L'après-guerre 14-18 fut très réactionnaire. Les ouvrières des industries de guerre furent les premières licenciées, leur embauche n'avait été conçue que pour la durée des hostilités. Les femmes dites "émancipées" et le féminisme furent critiqués avec virulence, au profit d'une étouffante promotion de la femme-mère, à laquelle une bonne partie des ex-féministes collaborèrent elles-mêmes. A partir de 1926, une "Journée des Mères" fut célébrée officiellement, et les mères de "familles nombreuses" furent désignées par une médaille spéciale.

Les femmes étaient de plus en plus écartées du travail salarié. D'après les recensements, la baisse de l'activité féminine en France a été régulière, des années 1920 jusqu'en 1968, à l'exception de l'année 1946.

Dans l'industrie, pour le patronat, les femmes, comme les travailleurs immigrés polonais et italiens, à l'époque se retrouvaient dans les emplois les moins qualifiés et les premiers à être jetés au chômage. Avec la crise des années 30, dans tous les pays européens, le travail des femmes mariées fut limité par des mesures contraignantes. Le mythe du travail et du salaire "d'appoint" servait les intérêts des patrons.

Disons enfin que, parallèlement, la réaction n'épargna pas les femmes en URSS, où la bureaucratie stalinienne entreprit de réhabiliter la Famille, exalta les "mères héroïques", rétablit l'autorité du père, supprima la liberté de l'avortement. En outre, en 1943, quand Staline préparait l'après-guerre, il renforça ce processus réactionnaire, en matière de divorce ou contre les enfants "illégitimes" et les femmes mères célibataires.

Pour le Parti Communiste, le cours stalinien sur le sujet allait bien avec son souci d'apparaître comme un parti respectable aux yeux de la bourgeoisie. Il rejoignit les partisans de la famille et de la natalité dès 1935. Et il fut, jusque dans les années 60, un adversaire zélé et spécialement puritain du contrôle des naissances, ce "vice de la bourgeoisie" disait-il.

Le PC ne déparait certes pas dans le paysage du Front Populaire.

La dictature instaurée en 1940 par Pétain se situa dans la continuité des années précédentes en version plus répressive toutefois. Pour le bien de la Patrie, à l'homme le Travail, à la femme le soin de la Famille. La "Journée des mères", célébrée depuis 1926, devint sous le régime de Vichy une fête importante.

Le régime de Pétain aggrava la répression contre ceux qui aidaient les femmes à avorter ; l'avortement était devenu "crime contre la sûreté de l'Etat". De 1942 à 1944, il y aurait eu 4000 condamnations par an pour ce motif. Une femme, Marie-Louise Giraud, fut même guillotinée en juillet 1943.

Les lois pétainistes furent abrogées après la guerre, mais pas la législation de 1920.

Lorsque, en 1949, Simone de Beauvoir publia son livre intitulé "Le Deuxième sexe", elle sembla prêcher dans le désert. Le Pape, lui, lança une "fatwa" contre ce livre, qui fut mis à l'Index officiellement par le Vatican.

Les idées contenues dans "Le Deuxième sexe" furent à l'origine, mais seulement des années plus tard, de l'engagement d'un certain nombre de féministes, américaines d'abord.

Les femmes alors, aux Etats-Unis d'abord puis, depuis la fin de la Deuxième guerre mondiale, en Europe, étaient désormais de plus en plus "recyclées" par le capitalisme en tant que consommatrices : toujours promues comme femmes au foyer, mais dans des foyers auxquels on fixait l'objectif "libérateur" de s'équiper en matériel électro-ménager.

Sans aucun doute, la modernisation de l'habitat et des équipements domestiques a représenté un progrès incontestable dans la vie d'un nombre croissant de femmes. Mais elle n'a pas pour autant réellement libéré les femmes des tâches domestiques et, bien souvent, elle les a même enchaînées au contraire, d'une autre manière, à leur condition de mère et de ménagère. Et le développement de la publicité aidant, la femme n'a pas cessé d'être ravalée au rang de marchandise, elle-même susceptible d'en faire vendre d'autres, des détergents ou des voitures...