Les courants anti-industrialistes

Εκτύπωση
13 décembre 1996

Il existait d'ailleurs à cette époque tout un courant qui était l'ancêtre des écologistes actuels. En fait, il était même apparu en Angleterre dès les débuts de la révolution industrielle. A la fin du XVIIIe siècle, des privilégiés dénigraient les villes, leur pollution, se plaignaient de leur surpopulation, de la laideur des miséreux, et ainsi de suite. C'étaient parfois les mêmes riches bourgeois qui pouvaient s'offrir la beauté de propriétés dans la campagne, avec arbres, parc et lacs, grâce au profit tiré de leurs forges qui avaient dénudé les paysages un peu plus loin.

Et la mode de la nature prétendument "sauvage" remplaça le goût pour la nature fertile, cultivée, maîtrisée par l'homme.

Toute cette attitude a été avant tout le fait de gens vivant dans l'aisance. La bourgeoisie, impitoyable envers les travailleurs, sécrétait aussi, par ailleurs, un mouvement pour la protection des animaux (dès lors que leur rôle dans la nouvelle société industrielle était devenu plus marginal qu'avant).

Plusieurs décennies plus tard, à l'époque de la reine Victoria, avec la production massive de la grande industrie et la domination des valeurs liées au capital, les courants anti-industrialistes ont pris des proportions importantes. Réactions morales ou esthétiques, elles préconisaient notamment de retourner aux traditions et aux valeurs de l'artisanat d'autrefois.

Moins marqué qu'en Angleterre, ce type de mouvement a existé aussi à l'époque dans les autres pays industriels, et les thèmes des "Amis de la nature", du "retour à la nature", de la "protection de la nature", ont fleuri, dans des associations diverses comme dans la littérature. La loi française sur la protection des "sites et monuments naturels de caractère artistique" date de 1906. De son côté, un géographe russe développait en 1901 les mêmes thèmes, pour exalter une économie rurale qui serait notamment fondée sur l'énergie solaire... Il n'y a vraiment pas beaucoup de nouveau sous le soleil !

Ces courants qu'on pourrait qualifier d'écologistes avant la lettre émanaient de la petite bourgeoisie qui se souciait de la qualité de sa vie. Pour les prolétaires, la qualité de leur vie se heurtait directement à l'exploitation capitaliste, dont la petite bourgeoisie profitait au contraire, tout en souffrant de certains de ses effets secondaires. La société capitaliste opulente "digéra" facilement ce courant contestataire qui restait limité. Mais avec sa nostalgie d'un Moyen Age idéalisé et des sociétés pré-industrielles en général, il avait une forte composante réactionnaire.