Editorial paru dans le n° 1944 du 4 novembre 2005 de l'hebdomadaire Lutte Ouvrière

Εκτύπωση
Février 2006

Editorial cité par Jacques Morand dans son rapport politique pour la minorité - note (1)

La violence dans les quartiers populaires et ses responsables,

Pendant plusieurs jours, après la mort de deux jeunes électrocutés en cherchant à fuir la police, la ville de Clichy-sous-Bois a été le théâtre, chaque nuit, d'affrontements entre la police et plusieurs centaines de jeunes d'un quartier populaire. L'agitation s'est étendue dans plusieurs localités dans la région parisienne.

Clichy-sous-Bois, c'est la banlieue parisienne. Mais la violence aurait pu exploser dans les banlieues de Lyon, Strasbourg, Lille ou ailleurs, et pour les mêmes raisons.

Bien sûr, les principales victimes de ces violences sont les habitants de ces banlieues. Les voitures qui brûlent ne sont pas des voitures de milliardaires ou de ministres, mais celles de travailleurs qui vivent dans ces quartiers. C'est pourquoi, lorsque les jeunes s'en prennent aux pompiers en tant que représentants de l'autorité, cela ne montre pas une bien grande conscience.

C'est là-dessus que s'appuie Sarkozy pour déployer toute sa démagogie sécuritaire en promettant de "nettoyer au Kärcher" La Courneuve, "d'éradiquer la gangrène" à Argenteuil et de s'en prendre à "la racaille", à Clichy-sous-Bois. Et de tenter de se poser en défenseur des quartiers populaires en leur promettant d'y rétablir la sécurité !

Mais ce ne sont que les propos démagogiques d'un homme qui cherche à plaire à l'électorat d'extrême droite en surenchérissant sur Le Pen. Même sur le plan strictement policier, il n'y a pas, dans les quartiers dits sensibles, plus de police de proximité ou de postes de police permanents. La politique de Sarkozy, c'est d'envoyer ponctuellement une armada de CRS pour mener la guerre contre un quartier en s'en prenant à tout ce qui est jeune, à tous ceux dont le faciès leur déplaît, quand ils ne s'amusent pas à tirer des grenades lacrymogènes à l'intérieur d'une salle de prières. La démagogie de Sarkozy ne rend pas les quartiers populaires plus sûrs pour leurs habitants, mais, en revanche, elle encourage les attitudes les plus répressives de la police et le racisme de nombre de ses éléments. Et, en face, elle sème la haine.

Aujourd'hui, le Parti Socialiste s'élève contre Sarkozy et ses méthodes. Même les concurrents de Sarkozy à l'intérieur de la majorité le font. Mais, au-delà du personnage du ministre de l'Intérieur qui ne se dit pas d'extrême droite mais en mène la politique, si la vie devient de plus en plus dure dans les quartiers populaires, les gouvernements de gauche du passé ont tout autant leur part de responsabilité que la droite.

Avec l'appauvrissement général des classes laborieuses, les quartiers populaires minés par le chômage de leurs habitants se transforment en ghettos : pas d'infrastructures pour les jeunes, pas d'éducateurs, pas d'animateurs de quartier, des écoles surchargées, des bureaux de poste fermés, des commerces qui désertent.
La violence au quotidien dans ces quartiers est peut-être le fait de voyous ou de trafiquants. Mais des voyous, il y en a toujours eu, pourquoi trouvent-ils aujourd'hui le soutien d'une bonne partie des jeunes ? Pourquoi les explosions de violence entraînent-elles contre la police bien plus de jeunes que ces petits caïds de quartier ? Parce qu'il n'y a pas un jeune dans ces quartiers qui n'ait touché du doigt qu'aux yeux de la police de Sarkozy, la "racaille", ce sont les pauvres, tous les pauvres, et pas seulement quelques voyous ou quelques trafiquants. Parce que, pour la majorité d'entre eux, l'avenir est bouché et sans espoir.

La dégradation de la vie dans les quartiers pauvres fait partie de la dégradation de la condition ouvrière sous l'effet des coups que le grand patronat comme les gouvernements qui se succèdent ont portés aux classes populaires. Et ce qu'on peut souhaiter, c'est que la classe ouvrière, en retrouvant sa capacité à réagir à l'offensive du patronat et du gouvernement, trouvera l'oreille de la jeunesse des quartiers populaires et que celle-ci, de son côté, pourra, aux côtés de l'ensemble du monde du travail, exprimer ce qui est légitime dans sa révolte en laissant les voyous et les petits trafiquants sur le bord du chemin.

Arlette LAGUILLER

Le passage de cet éditorial où Morand croit discerner que nous affirmons que les jeunes ont été "incités par les voyous ou les petits trafiquants" figure en italique dans le texte ci-dessus.