Les relations internationales

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janvier-février 2015

Une phrase du texte sur les relations internationales : « L'ordre impérialiste, remis en cause dans la violence en diverses régions du globe, dégage une forte odeur de décomposition », a suscité le commentaire : « Il me semble que l'ordre impérialiste n'a jamais été aussi peu contesté au contraire. »

Il ne faut pas confondre la contestation de l'ordre impérialiste, qui est pour ainsi dire permanente, avec la contestation fondamentale de l'impérialisme, c'est-à-dire avec la volonté de renverser le capitalisme dont l'impérialisme n'est qu'une des phases (sénile, disait Lénine).

L'ordre impérialiste se compose et se décompose en permanence. D'abord, parce que le rapport de force entre les différentes puissances impérialistes varie en permanence, et les deux guerres mondiales ont été le moyen d'adapter l'ordre international au rapport de force.

Par ailleurs, l'ordre international impérialiste est en permanence remis en cause, plus ou moins violemment, par la réaction des peuples eux-mêmes. Et le siècle dernier a été marqué non seulement par les deux guerres mondiales, mais aussi par d'innombrables luttes d'émancipation nationale, par la révolution chinoise de Mao, par la décolonisation, etc.

Pour en rester à une époque plus récente, celle sortie du dernier grand affrontement entre puissances impérialistes, la Deuxième Guerre mondiale, la situation a semblé figée pendant plusieurs décennies par l'opposition entre deux blocs, celui des puissances impérialistes, sous domination des États-Unis, et le bloc qu'avait formé l'Union soviétique. Cette polarisation autour des deux blocs et la guerre froide n'ont pas mis fin aux explosions locales diverses, pas plus d'ailleurs qu'aux changements, perceptibles ou pas, des rapports de force entre puissances impérialistes. Mais elle les a, dans une certaine mesure, occultés.

Vingt-trois ans nous séparent aujourd'hui de la chute de l'URSS. À remarquer cependant que la dislocation de l'Union soviétique et l'abandon de toute référence de la direction politique de la bureaucratie ex-soviétique au communisme n'ont pas ouvert une période de paix et d'entente avec les États-Unis et les puissances impérialistes européennes de seconde zone.

Et si parler d'une nouvelle guerre froide procède d'un sensationnalisme journalistique, la disparition de l'URSS n'a pas mis fin à l'expansionnisme de l'impérialisme américain au détriment de la Russie qui n'est plus soviétique.

Si la bipolarisation entre les deux blocs n'a pas complètement disparu, elle ne joue cependant pas le même rôle que dans le passé où elle occultait la remise en cause permanente de l'ordre impérialiste.

Pour en revenir à la formulation du camarade qui a posé la question, cela ne peut avoir une signification qu'à condition de ne pas parler de contestation de l'ordre impérialiste en général, mais de la mise en cause de l'impérialisme lui-même par le mouvement ouvrier. Sous cet angle-là, le camarade a tout à fait raison. Le texte ne dit pas autre chose en constatant qu'un des aspects majeurs de la situation dans le passé a été le suivant :

« Pendant plus d'un siècle, le mouvement ouvrier politique a pesé, directement ou indirectement, non seulement sur les rapports sociaux à l'intérieur de plusieurs pays, mais aussi sur les relations internationales. » Mais ce n'est pas le cas aujourd'hui.

La période culminante a été la vague de révolutions prolétariennes qui ébranla le monde capitaliste à la fin de la Première Guerre mondiale, la victoire du prolétariat russe. Et même une fois que cette vague révolutionnaire a été vaincue et que le prolétariat russe a été dépossédé du pouvoir par la bureaucratie, les conséquences de cette vague révolutionnaire continuaient à peser sur les relations internationales. Non seulement l'URSS, déjà bureaucratisée, et même le tiers-mondisme, tout en ne visant plus le renversement de l'ordre impérialiste au profit d'un ordre social supérieur, représentaient tout de même une contestation d'une autre nature que celle incarnée par l'ethnisme, les fondamentalismes religieux, etc.

États en décomposition et question nationale

La remise en cause permanente de l'impérialisme se double cependant depuis un quart de siècle d'une tendance des États à la décomposition. Dans les pays pauvres dominés par l'impérialisme, on en revient de plus en plus fréquemment à la loi des bandes armées.

Dans les pays capitalistes mais non impérialistes d'Europe, on constate depuis plusieurs années la résurgence du nationalisme, de l'irrédentisme sous des formes plus ou moins violentes, allant de simples revendications culturelles (le droit de parler sa langue, d'avoir des écoles, lycées, universités en cette langue) jusqu'aux remises en cause armées des frontières, accompagnées de « nettoyages ethniques » barbares dont l'ex-Yougoslavie a fourni un exemple. L'ensemble des Balkans et des pays de l'Est en est infecté, comme l'est, on le constate dans le cas de l'Ukraine, de la Moldavie, de la Géorgie, de l'Arménie, etc., toute une partie de l'ex-URSS.

Il fut un temps où la question nationale était un facteur révolutionnaire qu'un Lénine ou un Trotsky savaient intégrer dans la stratégie révolutionnaire des communistes.

À notre époque, le nationalisme qui vire au chauvinisme, voire qui est relayé par le sectarisme religieux, est en train de devenir un facteur contre-révolutionnaire qui fait régresser les consciences car ces idées, même lorsqu'elles prennent la forme d'une contestation de l'impérialisme, deviennent une des expressions de la barbarie impérialiste.