L'Espagne à la veille de la révolution

Yazdır
3 mai 1996

L'Espagne de 1930 était une monarchie d'environ 24 millions d'habitants, pauvre et sous-développée qui gardait de nombreux traits féodaux.

La grande propriété terrienne dominait encore le pays, en particulier dans le sud, en Andalousie et en Estrémadure.

Sur l'ensemble du pays, deux pour cent des propriétaires possédaient presque les deux tiers des terres. A côté d'immenses domaines, dont une partie n'était bien souvent pas cultivée (30 % des terres agricoles ne l'étaient pas), il y avait de minuscules exploitations qui ne permettaient pas à leurs propriétaires de vivre. Et puis il y avait tous ceux, métayers ou ouvriers agricoles, qui ne possédaient pas la terre qu'ils travaillaient. La misère était terrible. "L'Espagnol se couche sans dîner", disait-on. Des millions de gens aspiraient au partage des grands domaines.

La bourgeoisie industrielle espagnole s'était certes développée au début du siècle, en particulier grâce à sa neutralité pendant la première guerre mondiale. Mais la guerre terminée, elle perdit aussitôt ses marchés extérieurs. Une bonne partie de l'industrie espagnole était d'ailleurs aux mains de capitaux étrangers, au premier rang desquels les capitaux anglais puis français.

S'étant développée trop tard, dépendant du capital étranger, liée à l'aristocratie terrienne, cette bourgeoisie était bien incapable de transformer le pays, de le débarrasser des structures liées à la noblesse qui entravaient son développement. Elle s'accommodait fort bien de la monarchie, en l'occurrence d'Alphonse XIII qui était monté sur le trône en 1902.

Dans cette société archaïque, l'Eglise et l'Armée pesaient d'un poids considérable.

Dans le pays qui fut par excellence celui de l'Inquisition, l'Eglise catholique a toujours été l'un des principaux appuis de la monarchie et l'Etat dépensait des millions pour la subventionner. En 1930, le pays comptait 5 000 couvents, 80 000 moines et nonnes et 35 000 prêtres.

L'Eglise était le premier propriétaire foncier du pays et aussi la première puissance capitaliste. En 1912, l'ordre des jésuites contrôlait le tiers des capitaux espagnols. Un dicton populaire résumait ainsi la puissance financière de l'Eglise : "L'argent est bon catholique".

Après le goupillon, le sabre. On dénombrait dans l'armée espagnole plus d'officiers que dans toute autre armée d'Europe : un pour six hommes. C'est dire le caractère parasitaire de la caste militaire, qui tout au long du XIXe siècle avait multiplié les coups d'Etat.

En 1930, l'armée était profondément marquée par la guerre coloniale que l'Espagne avait menée pour la conquête du Maroc de 1912 à 1926.