Le PCF pendant et après la campagne du "non"

Εκτύπωση
Eté 2005

En s'engageant dans la campagne référendaire avant les autres, en prenant la tête du "non de gauche" au référendum, le Parti communiste avait pour objectif de se refaire une santé sur le plan électoral. Il a été favorisé par le choix de la direction du Parti socialiste en faveur du "oui". La direction des Verts ayant fait le même choix, le Parti communiste était le seul grand parti de feu l'Union de la gauche à faire voter "non".

Cette campagne pour le "non" lui a permis d'affirmer, sur un terrain limité, sa spécificité par rapport au Parti socialiste. Il a choisi de jouer un rôle fédérateur en invitant dans ses meetings les porte-parole de la minorité du Parti socialiste partisane du "non", les représentants de la LCR, du courant altermondialiste et d'associations diverses. Il a fait le geste symbolique de céder une partie de son temps de parole à certains représentants de ces derniers.

La victoire massive du "non" apparaît, dans ces conditions, comme un succès du Parti communiste et il semble avoir été ressenti comme tel par ses militants, y compris par ceux qui sont dans des courants plus ou moins contestataires de la direction de Marie-George Buffet.

Dans quelle mesure le Parti communiste capitalisera-t-il sa campagne sur le plan électoral ? Il faudra attendre les élections, dans presque deux ans tout de même, pour le savoir.

L'objectif du Parti communiste n'est pas la présidentielle, bien qu'il soit probable qu'il présentera au premier tour son candidat (ou sa candidate). C'est ce qu'affirment, pour le moment en tout cas, ses dirigeants. Mais, à l'élection présidentielle, il a tout lieu de craindre que le vote utile joue contre lui dans un électorat de gauche marqué par le premier tour de la présidentielle de 2002, et annihile les bénéfices de sa campagne référendaire.

Mais il n'y a pas que l'élection présidentielle. Il y a, la même année, les élections législatives ainsi que, dans la moitié des cantons, des élections cantonales et, quelques mois plus tard, les municipales.

Pendant les mois qui viennent, le Parti communiste a tout intérêt à rester sur la même ligne, c'est-à-dire essayer d'apparaître de façon indépendante du Parti socialiste, voire en compétition avec lui, avec un langage plus radical, au moins sous la forme d'une opposition affirmée au "libéralisme". C'est ce qui ressort de ses prises de position avant et après son dernier Conseil national du 10 au 12 juin 2005. L'Humanité du vendredi 10 juin, dans un article consacré à la préparation de ce Conseil national, affirme en sous-titre que: "Conforté par le référendum et dans une nouvelle dynamique, le PC se retrouve face à son ambition de révolutionner la gauche". Elle précise ensuite: "Pour le référendum, cette stratégie du PC agissant de façon autonome et avec d'autres, mettant son action au service d'un large rassemblement, a été appliquée partout, à des nuances près. Il est peu probable que la direction du PCF opère un virage".

Lors du Conseil national, Marie-George Buffet s'est même payé le luxe d'admonester la direction du Parti socialiste, ébranlée par la défaite du "oui", pour lui proposer la "construction unitaire d'une alternative antilibérale". Par ailleurs, le Parti communiste multiplie les réunions -notamment celle du gymnase Japy à Paris, quelques jours après le référendum-, destinées à garder autour de lui la mouvance militante qui l'a accompagné pendant la campagne du "non", constituée d'altermondialistes, d'associations politisées, de partisans de Bové, jusqu'à la LCR.

Que le Parti communiste ne cherche pas pour le moment à s'aligner derrière le Parti socialiste, est dans l'ordre des choses. Derrière qui s'aligner, d'ailleurs ? Derrière Fabius qui a certes pris parti pour le "non" mais qui ne dirige pas le Parti socialiste (du moins, pour le moment)? Derrière Hollande - Strauss-Kahn qui, de toute façon, ont d'autres chats à fouetter d'ici leur congrès ? Il est politiquement de l'intérêt du Parti communiste de renforcer ses positions propres pour améliorer en sa faveur le rapport des forces par rapport au Parti socialiste.

Car la perspective politique reste la négociation avec le Parti socialiste. Pour aboutir, au minimum, à un accord pour les législatives de 2007. Plus, si affinités... ou possibilités.

Le Parti communiste ne s'en cache pas et continue à affirmer qu'il est -dixit toujours L'Humanité du 10 juin- "opposé à une stratégie d'union à la gauche de la gauche ou de constitution d'un pôle de radicalité". Non, "la direction du PCF veut continuer à révolutionner la gauche".

"Révolutionner la gauche" sonne très radical mais c'est une façon de claquer la porte sur les doigts de tous ceux, notamment la LCR, qui rêvent d'une "gauche de la gauche", laquelle, sans l'apport du Parti communiste et de son poids militant, ne peut que rester une expression creuse.

La première question est "celle du programme", affirme L'Humanité. Fort bien. Mais L'Humanité précise aussitôt que "le PCF a besoin de mettre en débat des propositions crédibles et mobilisatrices en montrant dans des choix concrets, et pas seulement des discours, qu'il a rompu avec ses conceptions centralisatrices et productivistes. Pour séduisant qu'il soit, le point nodal du projet communiste, un système de sécurité d'emploi et de formation, n'est pas parvenu jusqu'à maintenant à mobiliser".

En d'autres termes, pour rompre avec "les conceptions centralisatrices", le Parti communiste ne propose pas de programme. Il se contentera de débats dans le cadre des forums qu'il envisage pour continuer l'activité des comités pour le "non de gauche".

Étant donné la composition de ces comités, cela donnera lieu à des discussions qui, sous prétexte de nouveau cours démocratique, fourniront au Parti communiste l'excuse de ne s'engager à rien, en attendant le jour où commenceront les négociations sérieuses avec le Parti socialiste.

Si, une proposition concrète: lors de son dernier Conseil national, le Parti communiste a annoncé -pour citer l'expression de L'Humanité du 13 juin- "le lancement d'une pétition qui pourrait être relayée par d'autres forces en Europe avec l'objectif de recueillir un million de signatures. La pétition exige d'abord que le président de la République, respectant le verdict populaire, retire la signature de la France, que l'Union européenne engage une négociation sur sa politique économique et sociale et sur ses institutions et que les peuples soient associés à cette discussion et consultés".

Exiger de Chirac le "respect du verdict populaire" ? Mais Chirac n'a rien promis ! Ce sont le Parti communiste et ses compagnons de route qui ont promis que la victoire du "non" changera le rapport de forces et "obligera" Chirac à tenir compte du vote populaire.

Le Parti communiste a abusé ceux qui lui ont fait confiance. Et il continue à les abuser en faisant croire à l'efficacité d'une pétition.

Que la "France retire sa signature": voilà un objectif mobilisateur ! Voilà un objectif permettant au monde du travail de résister à l'attaque du patronat et du gouvernement ! Cette façon de "révolutionner la gauche" n'a certainement pas de quoi effrayer la direction du Parti socialiste, que ce soit Hollande et Strauss-Kahn qui restent à sa tête, ou que le congrès de novembre y mette Fabius.

Il convient d'observer qu'à une bien plus petite échelle, la politique de la LCR est le décalque politique de celle du Parti communiste. Comme L'Humanité, Rouge crie à la crise du régime, chante victoire, dénonce "l'illégitimité de Chirac" et se félicite, sous la plume de Krivine, "de la dynamique unitaire des collectifs, l'enthousiasme des meetings et la victoire électorale" qui "ont validé le type de convergence opéré dans l'Appel des 200". En ajoutant, sous la plume cette fois-ci de Picquet: "Con-ti-nuer ! Telle est la première -et unanime- conclusion que les forces du collectif pour un "non" de gauche ont tirée du résultat du référendum du 29 mai". Et pour faire plus radical que le Parti communiste, "la LCR revendique le départ du nouveau gouvernement qui est illégitime. Elle propose aux forces parties prenantes de l'Appel des 200 d'organiser une pétition d'un million de signatures pour la dissolution de l'Assemblée nationale".

Comment faire partir "Chirac l'illégitime"(avant 2007, peut-on supposer car, après, il partira de toute façon)? À quoi, d'ailleurs, cela avancerait-il les travailleurs qu'il parte si c'est pour être remplacé par Sarkozy ? Ces questions n'arrêtent pas la LCR. Pas plus que ne l'arrête la question de savoir à quoi, diable, pourraient servir la dissolution de l'Assemblée nationale, et les élections législatives anticipées que cela provoquerait ?

Donner la majorité à une nouvelle mouture de l'Union de la gauche ? Ce n'est même pas sûr. Et à quoi bon ? "Dans cette situation, la LCR proposerait à tous ses partenaires, parties prenantes des comités, un candidat unitaire autour d'un programme d'urgence, en rupture nette avec toutes les logiques capitalistes libérales".

Sachant cependant que la LCR n'est pas de taille à imposer tout cela, l'article complète pour s'adresser "spécifiquement au PCF: entre l'affirmation d'une gauche anticapitaliste dans la suite de la campagne du "non" et la réconciliation des organisations ayant défendu le "oui" et le "non", le choix est incontournable". Le Parti communiste a par avance et sèchement répondu à cette admonestation. Il veut l'alliance avec le Parti socialiste, et pas une "gauche de la gauche", même si l'expression de la LCR parlant de "rupture nette avec toutes les logiques capitalistes libérales" ne gêne en rien la direction du Parti communiste tellement cette expression est vague derrière son allure radicale.

Mais laissons la LCR à sa énième tentative de trouver des alliés sur sa droite. Une fois l'enthousiasme de la campagne du "non" éteint, la LCR sera confrontée à la même réalité que chaque fois qu'elle s'est engagée dans ce type de politique -cela lui est arrivé bien souvent dans le passé-, c'est-à-dire à être dédaigneusement repoussée par l'allié convoité.

Mais la campagne du "non" a montré que le Parti communiste, à lui tout seul, dispose de forces militantes importantes, qu'il reste, malgré son recul incessant au fil du temps, le plus important de ceux qui, d'une manière ou d'une autre, se revendiquent de la classe ouvrière.

Ces forces militantes, celles avant tout qui sont dans les entreprises, qui sont influentes, voire déterminantes, dans nombre de syndicats, pourraient jouer un rôle considérable pour redonner confiance aux travailleurs en leur propre force et dans les possibilités de la lutte. Mais il faudrait qu'elles militent autour de revendications qui correspondent réellement aux intérêts des travailleurs. Il faudrait qu'elles mettent en avant des objectifs qui répondent à la situation de la classe ouvrière: avant tout, mettre fin au chômage et à la précarité en imposant aux patrons la répartition du travail entre tous; imposer une augmentation des salaires.

Parmi les objectifs également, obliger le gouvernement quel qu'il soit à revenir sur toutes les mesures réactionnaires prises au cours des dernières années par Raffarin, mais aussi par Jospin.

Tous ceux qui ont participé à la campagne du "non" même de gauche ne sont pas nécessairement du côté de la classe ouvrière, même s'ils se retrouvent facilement dans les expressions vagues du style "lutte antilibérale" ou "contre le capitalisme libéral" (comme s'il y avait un bon capitalisme !). Mais, justement, avancer des objectifs vitaux pour les travailleurs est un moyen de faire le tri.

En tout cas, la seule unité qui vaille, c'est celle-là: le regroupement de tous ceux, militants de la classe ouvrière, qui se retrouvent autour des objectifs vitaux pour le sort des travailleurs et prêts à militer dessus.

Il faudra bien des efforts, non seulement pour populariser ces objectifs, mais surtout pour que les travailleurs en fassent les objectifs de leurs luttes en retrouvant confiance en eux-mêmes. Et la seule propagande des militants ne suffira pas. C'est précisément à travers des luttes limitées, partielles mais gagnées, que la confiance reviendra, à condition qu'il y ait des militants pour montrer, par ce qu'ils disent comme par ce qu'ils font, que le rapport de forces décisif s'établit à l'échelle de l'ensemble des classes sociales, et pas au niveau d'une corporation ou d'une entreprise.

Tout le reste n'est que dérivatifs, non seulement inutiles mais nuisibles parce qu'ils cachent les véritables problèmes, y compris lorsqu'ils sont aussi ridicules que la pétition lancée par le Parti communiste.

16 juin 2005