C'est l'impérialisme qu'il faut combattre

Yazdır
24 avril 1998

L'Europe et la monnaie unique pourraient être un progrès considérable pour ceux qui vivent sur ce continent. Mais pas sous la direction de l'impérialisme. C'est pourquoi ce n'est pas la suppression des frontières que les travailleurs ont à combattre, pas plus qu'ils n'ont à combattre la libre circulation des produits et des hommes ou la monnaie unique. Car ce n'est pas là la cause de leur misère.

Ce qu'ils ont à combattre, c'est l'impérialisme. La cause de la misère, du chômage, des désordres économiques, des crises, c'est l'exploitation capitaliste. C'est cette exploitation qu'il faut combattre, Europe ou pas. Il faut commencer par balayer devant nos propres portes, c'est-à-dire lutter contre nos propres capitalistes.

En tant que militants révolutionnaires, nous voulons préparer une autre voie pour la société : la voie vers la transformation socialiste. La seule politique progressive de notre époque, c'est celle qui prépare la classe ouvrière du monde entier à briser l'emprise du capital sur l'économie, à socialiser la production et les échanges à l'échelle mondiale, à les organiser de façon rationnelle en fonction des besoins des hommes, et pas en fonction des lois du profit qui n'enrichissent qu'une toute petite minorité.

Les tendances à la socialisation de l'économie sont puissantes, y compris dans la société capitaliste. L'économie est aujourd'hui un tout, fonctionnant collectivement à l'échelle du monde. Par le biais des relations économiques internationales, les travailleurs de Hongkong travaillent en coopération avec ceux d'Europe ou d'Amérique. Ce n'est pas le moins du monde un drame ou une calamité, c'est un facteur extraordinaire de progrès humain ! C'est l'illustration de la puissance des tendances à la coopération que recèle la société humaine, de leur richesse, de leur fécondité. C'est ce qui fonde nos convictions socialistes.

Et ce n'est pas cela qui est générateur de crises, de misère, de chômage, de guerres : c'est le fait que cette socialisation de l'économie entre en conflit avec sa gestion privée, capitaliste, une gestion effectuée selon le seul critère du profit. Trotsky, lors de la Première Guerre mondiale, parlait de l'économie étouffée par les frontières du continent européen. On peut en dire autant aujourd'hui pour le monde. L'économie mondiale étouffe dans le carcan de la propriété privée, des frontières, des monnaies, des Bourses, des calculs de taux de change et de taux d'intérêt. Elle suffoque parce qu'elle est gérée par et pour le seul capital financier, par la petite minorité bourgeoise qui en vit et qui continue d'imposer à la société des règles de propriété et de partage des richesses qui sont depuis longtemps dépassées par la vie.

C'est bien parce que les tendances collectives de l'économie mondiale sont puissantes que le capital financier européen est finalement poussé malgré tout, à travers bien des contradictions, à tenter de mettre sur pied une monnaie unique à l'échelle du continent. Cela ne met pas fin aux contradictions du capitalisme, puisque c'est seulement pour pouvoir mener un peu mieux la guerre économique à d'autres comme les Etats-Unis et le Japon. Cela ne met même pas fin aux rivalités intra-européennes. Mais des militants révolutionnaires, qui militent pour le pouvoir de la classe ouvrière à l'échelle du monde, n'ont sûrement pas à laisser croire qu'ils préféreraient le repli de chacun, qui sur le franc, qui sur le mark, qui sur la livre ou sur la lire. Trotsky avançait avant la seconde guerre mondiale la perspective des Etats-Unis socialistes d'Europe, comme une façon concrète de défendre devant la classe ouvrière le programme de transformation socialiste. Le minimum est d'en faire autant aujourd'hui, et même d'ajouter, à une époque où l'on nous parle tous les jours de la "globalisation" ou de la "mondialisation" capitalistes : Etats-Unis socialistes d'Europe dans le cadre d'une organisation mondiale, socialiste, de l'économie.

Est-ce que ces Etats-Unis socialistes d'Europe auront une monnaie unique ou est-ce qu'il existera d'emblée une monnaie mondiale ? Nous ne le savons pas, mais ce dont nous sommes sûrs, c'est que cela sera une étape vers la suppression totale de la monnaie. Privée de la possibilité de se transformer en capital, réduite au simple rôle de moyen de comptabilité, la monnaie aura probablement épuisé son dernier rôle. En tout cas, en tant que moyen de régler les relations économiques entre les hommes, la monnaie aura sa place, oui, mais sa place au musée, à coté de la marine à voiles et de la lampe à huile !

Car une société vraiment humaine, une société communiste, organisée en fonction des besoins des hommes et par eux, organisera rationnellement la production de ce qui est nécessaire à leur vie et sa répartition sans injustice, sans spéculation, sans désordre monétaire et économique, sans des tas d'or, de titres ou de billets, de ces bouts de papier qu'on entasse dans les coffres des banques avec des bataillons de policiers pour les garder.

La classe ouvrière est la seule classe véritablement mondiale, la seule n'ayant pas d'intérêt particulier national à défendre, la seule classe ayant vraiment les moyens d'organiser rationnellement l'économie à l'échelle internationale, de la transformer dans un sens socialiste et communiste. C'est à cette échelle, à l'échelle mondiale, qu'elle doit construire des organisations révolutionnaires, s'organiser et se battre pour renverser la société capitaliste.

Car à notre époque, c'est notre conviction, il n'y a pas d'autre programme pour faire progresser l'humanité que le programme révolutionnaire prolétarien, le programme communiste.